L'AFFAIRE DES FICHES

 
Pour les républicain radicaux, arrivé au pouvoir en France, l'affaire Dreyfus avait mis en évidence le caractère réactionnaire de l'état major. La crainte d'un coup d'état renforca dans leur esprit la nécessité de s'assurer de la nomination aux grades supérieurs. Après une première étape qui enleva aux commissions de classements (uniquement composées de militaires) le pouvoir de nomination pour le confier au ministre de la guerre, un nouveau pas dans la surveillance politique fut franchi par le général André.
 
Le général André et son état major
 
Louis Joseph Nicolas André est né en 1838. Polytechnicien, c'est un artilleur libre penseur et républicain, même s'il a servi dans sa jeunesse dans l'artillerie de la Garde Impériale. Technicien reconnu, il participe aux réformes qui transforment l'artillerie après la défaite de 1870. Il commande l'école Polytechnique entre 1893 et 1896.
 

Le général André
Photo Gerschel (Paris)

 
En mai 1900, alors qu'il commande une division d'infanterie lors de manoeuvres vers Nemours, il est convoqué par le président du Conseil Waldeck-Rousseau. L'entrevue est sans embage et André racontera dans ses mémoires :"Quand il m'appela pour me confier le portefeuille de la Guerre, M. Waldeck-Rousseau me fit part de la préoccupation que lui causait un travail souterrain qui s'opérait pour amener l'armée à s'ériger en adversaire du pouvoir civil. Agissez avec prudence et résolution, pourvu qu'il ne soit pas trop tard."
 
A son arrivée au ministère, André réorganise d'abord les services en remplacant trois chefs de bureau de l'état major (Hache, Meunier et de Castelnau), ce remaniement entraine la démission du général Delanne, chef de l'état major, bientôt suivie par celle du général Jamont, généralissime désignée. Ils sont respectivement remplacés par les généraux Pendezec et Brugère.
 
André nomme ensuite un cabinet qui partage ses idées, en nommant le général Percin, autre artilleur républicain à sa tête.
 

Le général Percin
Chef de cabinet du Ministre

 

Afin d'aider le ministre dans les choix des officiers à promouvoir, la cabinet met en place un système de renseignements à base de fiches qui sont remplies par des informateurs du gouvernement (préfets, maires) et la hiérarchie militaire. Selon qu'ils sont incrits sur la liste "Corinthe" ou "Cartage", les officiers voient leur carrière accelérée ou ralentie. L'arbitraire de ce système n'est somme toute pas bien différent de l'arbitraire du système précedent qui sanctionnait de fait les officiers professant des opinions républicaines.

Ce système de fiches va se retrouver cependant rapidemment perverti. Les informations remontées des canaux "légaux" n'étant pas suffisantes, un membre du cabinet, le capitaine Mollin décide de faire appel à ses frères maconniques du Grand Orient de France pour compléter ces renseignements. A partir de cette date, une liste impressionnante de fiche est constituée, mais qui contiennent en fait  des renseignements souvent inutilisables et de véracité douteuse.

 
L'affaire et ses conséquences
 
A la suite d'une indiscrétion, le système des fiches est découvert et sucite un incident à la chambre des députés le 4 novembre 1904. Interpellé violamment, le général André est giflé à la tribune par un député nationaliste. Le scandale est considérable et entraine la démission du général André. Ses successeurs vont néanmoins continuer à sélectionner les cadres militaires lors des nominations.
 
Quelle a été la conséquence de ce système ?
De fait, les années André marquent un apaisement des relations entre politiques et militaires. En 1904, les tensions très fortes qui avaient pu faire croire à un coup d'état ont disparues et les réforme de la séparation entre l'Eglise et de l'Etat, ainsi que les inventaires des biens ecclesiastiques ont pu être réalisées, sans crise supplémentaire dans l'armée. Le favoritisme des officiers républicains, s'il est indéniable, n'a pas empéché certains généraux clairement réactionnaires de continuer de belles carrières.
En 1914, l'état major général est à peu près paritairement partagé entre généraux républicains (Joffre, Dubail, Galliéni...) et réactionnaires (De Langle de Cary, de Castelnau, Foch...). Contrairement aux idées véhiculées par certains historiens, les carences du commandement de 1914 seront autant le fait de républicains que de conservateurs, les limogeages n'épargnant ni les uns, ni les autres.
 
 
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