La Garde Impériale à la prise de Malakof (8/9/1855).
|
Le général Bosquet, entouré de son état-major, est appuyé sur le parapet de la tranchée, suivant du regard le combat avec une anxiété croissante; une bombe éclate à quelques mètres en avant du parapet, et un gros éclat, passant en tournoyant à quelques lignes du visage du chef d'état-major du 2e corps, enlève la contre-épaulette du commandant Balland, premier aide de camp du général Bosquet, et frappe le général lui-même dans le flanc droit, un peu au-dessous de l'épaule. Le général, étourdi par la violence du coup, s'affaissa, mais sans perdre entièrement connaissance; il faisait les plus grands efforts pour reprendre sa respiration, et ses premières paroles furent pour prescrire le plus profond silence à tous ceux qui l'entouraient; puis, sentant que ses forces l'abandonnaient, il donna ordre au général de Cissey de faire prévenir le général en chef, ainsi que le général Dulac, auquel revenait de droit le commandement par son ancienneté. Longtemps les officiers de l'état-major du général luttèrent pour l'emmener du lieu du combat. Appuyé contre les gradins de franchissement, il voulait rester encore et être là pour diriger l'action; mais on voyait à la pâleur de son visage et à sa voix entrecoupée, que le coup qui l'avait frappé, avait dû causer un profond ébranlement. On le transporta à la batterie Lancastre, où les premiers soins lui furent prodigués. Pendant le trajet, les soldats qui rencontrèrent le brancard sur lequel était étendu le général se découvraient avec un sentiment à la fois de douleur et de vénération. |
Extrait de l'ouvrage "La Garde" (Commandant Richard)
La Garde était destinée à agir comme reserve dernière et à frapper le coup décisif. Les régiments des grenadiers et des voltigeurs, sous le commandement direct du général Mellinet, reçurent l'ordre d'appuyer l'attaque des troupes de la division de la Motterouge.
[...]
A l'heure prescrite, la division de la Motterouge s'est élancée sur la courtine et s'y est établie sans pouvoir progresser du côté du petit redan. La position devient critique aussitôt., les Russes s'apprètent à nous repousser de leurs retranchements et à nous rejeter dans les fossés.C'est alors que la Garde entre en ligne..
Les Voltigeurs du 1er régiment franchissent avec ardeur les parrallèles encombrées des troupes de la division La Motterouge. Ils s'élancent impétieusement sur la courtine et chassent les Russes qui vont se réfugier derrière la deuxième enceinte de la place et dans les ouvrages intérieurs du petit redan.
Les deux premiers bataillons du 2e voltigeurs arrivent à leur tour, conduits pal le Colonel Douay. Bientôt les Russes sortent en grand nombre du petit redan pour chasser les voltigeurs de la Courtine. ceux-ci, dignes, héroïques, resistent à tous leurs furieux assauts.
[...]
Au 2e régiment de
voltigeurs, le commandant Guyot est tué, le commandant Champion et le
capitaine adjudant major Sommelier sont blessés mortellement, le lieutenant
Girardin et le sous lieutenant Berger sont tués. Entouré par les Russes, le
lieutenant Heutte se debarrasse à coups de sabre de ses agresseurs après un
combat acharné. le voltigeur Palmié s'est élancé au devant de tous en
brandissant son fusil, Mauchet le suit de près et s'arrête bientôt pour relever
son capitaine blessé ; il le charge sur ses épaules et va le déposer à l'abri du
danger. Retor, voltigeur, ne perd pas son temps : il encloue à lui seul 10
pièces de canon, une balle qui lui crève l'oeil droit l'arrête seule dans son
travail
Les capitaines de la Ferrière, Charpentier, Donnève,
Marque, Patoureau et Villemin ; les lieutenants Hébart,
Collinet, Castel, Dumont, Garnier, Heute, Miallion, Patras,
Thore ; les sous lieutenants Bourquin, Blum,
Chadefaux, Donati, Lafon, Litzler sont blessés. Le 2e
voltigeurs compte 5 officiers et 107 hommes tués, 23 officiers (dont 4
mortellement) et 558 hommes blessés.
Capitaine Jean Baptiste Donnève |
Capitaine Charles Marque |
Lieutenant Marie Henri Fortuné
Patras |
Sous Lieutenant Abraham Blum |
Sous Lieutenant Clément Emile
Chadefaux |
|
Le courage des soldats de la Garde est au dessus de tout éloge, il dépasse les bornes de la bravoure. Blessé une première fois, le sergent Keller, du 2e voltigeurs, s'adresse à un médecin major qui lui fait un pansement sommaire, et retroune immédiatement à la tête de sa section où il reçoit une seconde blessure.
Sous l'effort d'un nouveau retour offensif de l'ennemi, un mouvement retrograde s'était produit sur la droite de la courtine, la brigade des Grenadiers de la garde (1er régiment, colonel Blanchard, 2e régiment, colonel d'Alton), reçoit l'ordre de se porter en avant.
Les généraux Mellinet et de
Ponteves conduisent eux même cette admirable brigade qui s'avance résolument
dans le plus grand ordre, en colonnes par sections, à travers les 5e et 6e
parallèles, sans être ébranlées par un feu très vif de mitraille et de
mousquéterie. Deux bataillons du 1er régiment, sous les ordres du Lieutenant
Colonel Gugnet sont placées en réserve dans la 6e parrallèle, avec injonction
d'attendre des ordres impératifs du général Bosquet pour continuer leur marche
en avant.
L'autre bataillon, conduit par le colonel Blanchard et le deuxième
régiment, colonel d'Alton en tête, se déploient avec le plus grand calme pour se
porter sur la courtine.
La compagnie du capitaine Normand forme la tête de la
colonne d'attaque de ce régiment, elle sera durement éprouvée durant
l'assaut.
Pendant le déploiement de la brigade, le général de Ponteves, atteint d'un éclat d'obus à la tête et d'une balle qui lui brise la colonne vertebrale, tombe sans connaissance.
Les grenadiers réoccupent une partie de la courtine abandonnée et se maintiennent couchés par terre sous le feu très vif de l'ennemi. Leurs pertes deviennent bientôt très sensibles : Le colonel Blanchard tombe grièvement blessé, le sergent Andréani se précipite à son secours et l'emporte dans la tranchée poursuivi par le feu de l'ennemi.
Georges Blanchard Colonel du 1er régiment de Grenadiers, blessé au dessous du téton gauche par une balle qui lui traverse le bras et la poitrine. Promu Général après la bataille |
Le lieutenant Margaine du 1er régiment, atteint de deux contusions graves, et le sergent Noel du même régiment, blessé deux fois, refusent de quitter leurs postes de combat. Aux grenadiers, de nombreux officiers sont atteints.
Cependant, la partie de la courtine qui s'appuie à Malakof, protegée qu'elle est contre les retrours offensifs de l'ennemi, reste définitivement en notre pouvoir.
Le 2e régiment des grenadiers reçoit ensuite l'ordre de se porter vers la droite du petit redan où s'organise une nouvelle attaque contre l'ouvrage, sous la conduite du général Mellinet. Mais celui-ci est bientôt grièvement blessé lui même, un eclat d'obus lui fracasse la machoire.
"Sébastopol, le 15/9/1855. Monsieur le maréchal, Connaissant tout le bienveillant intérêt que vous avez constamment témoigné au général Mellinet, j'ai pensé que vous seriez heureux d'apprendre que la blessure qu'il a reçue à l'assaut de Malakof, à la tête de sa division, quoique très grave, n'est point mortelle, et que nous le considérons aujourd'hui comme hors de danger.Il a été frappé à la figure par un eclat d'obus qui lui en a fracassé toute une partie, mais n'a pas atteint l'oeil, très heureusement, de sorte que lorsqu'il sera guéri, il ne lui restera sur la joue qu'une belle cicatrice. Entouré des soins et de l'affection de tous ses amis, le général va de mieux en mieux, mais il est encore bien faible.toutefois j'espère que d'icic quelques jours, il pourra lui même donner de ses nouvelles, ce qu'il aurait été bien heureux de faire aujourd'hui. Lettre du capitaine Kieffer, aide de camp du général "Mellinet, au Maréchal de Castelanne. |
|
Les pertes de la brigade sont sensibles :
Au 1er Grenadiers : Les sous lieutenants Andin et Bellanger sont tués. Blessés, le colonel Blanchard, les capitaines Bazailles, Bocher, Campenon, Desmerliers, Douay, Henrion-Berthier, Pieraggi et Sisco. Les lieutenants Bertrand, de Bainville, Faveris, de Gastand, Lombard, Margaine, Pé de Arros, Piquet, Patissier, Reynal. Les sous lieutenants Delclos, Dulout, Jamotel, Ygrec et Rossignon.
|
|
|
|
|
|
Au 2e Grenadiers étaient blessés les commandant Ponsard et de Montfort, les capitaines Brunet, de Channoir, Bléton, Emmanueli, Groslambert, Moreau, Phalempin, Pendefer, Guimet, Roux, Tonne ; Les lieutenants Carthaud, Groslambert, Lemaitre, Pernot, Rousset, Vincent ; les sous lieutenants Ardouin, Bousquier, Cholleton, Chancenotte, Legros, O'Poise, Pélmoni, Simon, Vincent, Castaing et Binas de Bombarrat. le régiment comptait en outre 63 sous officiers et soldats tués, 15 disparus et 390 blessés.
Colonel d'Alton |
Lieutenant Rousset (ici commandant le bataillon à Saint Cyr en 1873) |