La défense de la ferme de Saint Hubert (18/8/1870)

80e régiment d'infanterie

Le 16/6/1870 a lieu la bataille de Rezonville / Mars la Tour qui voit l'armée française pourtant en supériorité numérique, incapable de bousculer les corps prussiens lui bloquant la route de Verdun. Deux jours plus tard, l'armée Prussienne regroupée attaque les troupes française qui défendent les lignes de Saint Privat à Rozerieulles. Lors de la bataille, les 2e et 3e corps d'armée (Frossard et Leboeuf) défendent l'aile gauche française derrière le ravin de la Mance sur les position préparées autour de la ferme de Saint Hubert et du Point du jour. Les troupes résistent toute la journée et infligent des pertes importantes aux prussiens. Mais faute d'agressivité suffisante qui aurait pu permettre de contre attaquer l'aile droite des Prussiens et surtout en raison de la victoire des Prussiens et Bavarois sur leur aîle gauche, l'armée doit retraiter à Metz, ce qui scellera finalement sa perte.

La bataille qui se déroule sur ces positions témoignent de la solidité du troupier français et de la supériorité de son armement individuel. Lors du combat de la ferme de Saint Hubert, le 80e régiment d'infanterie se distingue particulièrement.

 

1/ Rapport du Colonel Janin (80e RI)

Le réveil éclate en fanfares joyeuses; tambours, clairons et trompettes sonnent à la corvée. On court à l'eau et aux diverses distributions ; le temps est magnifique et le soleil levant éclaire au loin les blanches lignes des tentes au-dessus desquelles s'élève la fumée des cuisines en plein air. Cependant là-bas derrière Gravelotte, sortant du ravin de Gorze, des masses profondes se meuvent et se déploient. C'est Mac-Mahon qui arrive! C'est Canrobert qui se met en mouvement ! Ce n'est certes pas l'ennemi; tout est tranquille aux avant-postes, et les reconnaissances n'ont rien signalé ! C'était l'armée prussienne qui commençait son grand mouvement de conversion à droite. Vers 9 heures enfin, les aides de camp circulent à cheval, les marches de régiment retentissent, on prend les armes.
Les 3e, 5e et 6e compagnies du 1er bataillon, sous les ordres de M. le commandant Bertrand, se portent à une centaine de mètres environ de leur emplacement et, sur l'ordre du général de division, y établissent une tranchée-abri.
Les 1ere et 2e compagnies du même bataillon, sous les ordres de M. le capitaine Francey, prennent position entre les deux maisons du Point-du-Jour et les relient par une tranchée.
La 4e compagnie du Ier bataillon, capitaine Raynal de Tissonière se déploie en tirailleurs, la droite au coude que la route forme en descendant vers Saint-Hubert, la gauche au Point-du-Jour.

Le IIIe bataillon reste en réserve derrière la crête. La batterie de mitrailleuses de la division et une des batteries de 4 (capitaine Bonnefond) prennent position en deçà de la route derrière la compagnie Raynal et y construisent à la hâte quelques épaulements.
Des bataillons du 85e et du 44e établissent une tranchée-abri dans le prolongement de celle du 80e et en avant de la ferme de Moscou.

Quelques tirailleurs ennemis se déploient devant Gravelotte et disparaissent dans le ravin, ou se dirigent vers le bois des Génivaux, poussant devant eux les petits postes de la division de Castagny. Des batteries prennent place à gauche et à droite du village de Gravelotte; en arrière, sur la route qui va à Rezonville, d'épaisses colonnes paraissent immobiles et l'arme au pied.

Vers midi, quelques coups de feu et bientôt une vive fusillade annoncent que la compagnie Lacombe est aux prises avec les tirailleurs ennemis. De part et d'autre, la canonnade commence; notre batterie de 4 et nos mitrailleuses essayent en vain d'atteindre les batteries ennemies qui, placées hors de leur portée, les écrasent de leurs projectiles.  A deux heures, désemparée, à bout de munitions, perdant ses hommes et ses chevaux, notre artillerie se replie. La 2e section de la compagnie Raynal se place en réserve derrière les épaulements que cette retraite laisse libre; la 1er reste déployée dans le fossé qui borde la route.

En ce moment la compagnie Lacombe, ayant terminé ses munitions, se replie sur la ferme Saint-Hubert, et les tirailleurs ennemis franchissant le ravin, commencent à apparaître sur les mamelons qui dominent cette ferme à droite et à gauche.
Le IIe bataillon ouvre son feu, mais il n'a de place que pour deux compagnies; le reste du bataillon, massé dans les cours et les jardins de la ferme, reçoit, sans pouvoir y répondre, le feu plongeant des tirailleurs ennemis; une batterie prussienne tire sans relâche sur les bâtiments de Saint-Hubert, couvrant les défenseurs d'éclats et de débris. Pressé de tous côtés, ayant perdu plus du tiers de son monde, presque cerné, M. le commandant Molière se décide à ordonner la retraite, et le IIe bataillon remontant vers la voie romaine, va se reformer en arrière de la crête. M. le sous-lieutenant Martin de la 6e du IIIe était tombé mort près de la ferme, et M. le capitaine Lamarle atteint de deux blessures, averti trop tard du mouvement de retraite, tombait avec quelques-uns de ses hommes, au pouvoir de l'ennemi.

       

Nicolas Lamarle

Né le 7/12/1823 à Briey.

Sous officier sorti du rang, nommé Lieutenant le 31/12/1853, il a servi en Crimée et en Italie où, officier aux voltigeurs de la Garde, il a été blessé à la bataille de Magenta lors de la prise de la gare. Il a été fait chevalier le la Légion d'Honneur le 17/6/1859 ("19 ans de services effectifs, 4 campagnes, une blessure").

Fait Capitaine le 21/7/1862, il sert au 80e régiment d'infanterie en 1870 et s'illustre dans la défense de la ferme de Saint Hubert.

Après la guerre, il est mis en non activité suite à ses blessures reçues à Gravelotte.

Il est décédé en 1887

 

Parmi ces derniers défenseurs de Saint-Hubert, il convient de citer les sergents Grès et Jammet qui, préférant la mort à la captivité, continuèrent à tirer sur l'ennemi en refusant de se rendre jusqu'à ce qu'ils fussent l'un et l'autre massacrés. L'adjudant Lequien, le sergent-major Palat et nombre de braves sous officiers payèrent aussi de leur vie une héroïque défense. M. le commandant Molière fut atteint au bras et à la tête; M. le capitaine Sajous fut renversé par l'explosion d'un obus. M. le lieutenant-colonel de Langourian, eut son cheval tué sous lui; M. le lieutenant Capbert fut gravement atteint au bras.

 

Charles Emile Sajous

Né le 13/9/1834 à Bastia, fils d'officier, Charles Sajous rejoint le 80e régiment d'infanterie comme Sous Lieutenant à sa sorti de l'école de saint Cyr en 1856. Il a fait la campagne d'Italie et a servi en 1867 aux corps d'occupation de Rome (ce qui lui vaut la croix de Mentana).

La guerre de 1870 le trouve Capitaine, grade qu'il détient depuis juin 1870. Durant la bataille du 18/8/1870, il est blessé à l'épaule droite par un eclat d'obus. Ses états de service mentionnenet cependant une contusion légère.

Il finit sa carrière comme Lieutenant Colonel du 40e régiment d'infanterie (entre 1888 et 1892), officier de la Légion d'Honneur.

Il est mort en 1902.

Photo Courthial (Paris)

 

   

Il était 3 h. 30; sur le front du 80e l'ennemi était maître de Saint-Hubert et de là dirigeait ses feux sur la compagnie Raynal, qu'il prenait d'écharpe, ainsi que sur les 3e, 5e et 6e du Ier bataillon, qui, de leur tranchée-abri, ripostaient avec avantage. L'artillerie ennemie prenant ces tranchées pour objectif, essaya en vain de les rendre intenables pour les braves troupes qui les défendaient. M. le commandant Bertrand, M le capitaine Grangié, furent frappés mortellement. M. le lieutenant Digonnet fut blessé gravement et dut quitter le champ de bataille. M. le capitaine adjudant-major Apchié prenant le commandement, dirigea jusqu'au soir, avec le plus grand sang-froid, le feu de ces trois compagnies sur la ferme Saint-Hubert.
Cependant une même ligne de tirailleurs s'avançait à découvert, sur le front de la compagnie Raynal sans tirer et en faisant des signaux; bientôt une batterie, escortée par un escadron, se plaçait derrière cette ligne et ouvrait son feu dans la direction du bois des Génivaux. Trompée par une ressemblance de tenue et aussi par un avis venu du 2e corps, la 4e du Ier prenant ces tirailleurs pour des chasseurs à pied, et cette batterie pour une batterie française, suspendit son feu dans cette direction, se bornant à repousser par des salves bien ajustées, les efforts d'une colonne prussienne qui, se formant chaque fois à l'abri des bâtiments de Saint-Hubert, tenta à plusieurs reprises de prendre pied en deçà de la route afin de marcher sur le Point-du-Jour.
La grande batterie ennemie, établie à droite de Gravelotte, battit en vain de son feu les positions occupées par la 4e du Ier et lui fit subir des pertes cruelles sans ébranler sa constance. Mais les prétendus chasseurs à pied s'étaient couchés à terre et bientôt leurs balles les signalaient comme ennemis. La 4e du Ier ouvrit alors un feu à volonté sur eux et sur la batterie qu'ils couvraient.
La batterie ayant perdu presque tous ses chevaux, emmena deux pièces, laissant les autres ainsi que ses caissons à 600 mètres environ du front de la compagnie, mais toujours sous la protection des tirailleurs qu'il était difficile d'atteindre à terre et surtout des occupants de la ferme Saint-Hubert.

Il était 4 heures, la 4e du Ier faisait demander des cartouches : le IIIe bataillon reçut l'ordre d'aller l'appuyer et se porter en avant, sous les ordres de son chef M. le commandant Maréchal; conduit par le colonel Janin, il parcourut environ 300 mètres sous une grêle d'obus et de balles, et arriva dans le plus grand ordre sur la route où il devait prendre position. Les abris manquaient pour embusquer tout le monde; les officiers se multipliaient pour assigner à chacun sa place et, pendant ce temps, les tirailleurs ennemis ajustant tout ce qui n'était pas en capote, atteignirent en quelques minutes tous les officiers présents sur ce point. M. le capitaine adjudant-major Sourdrille fut frappé mortellement d'une balle au ventre. M. le capitaine Moynier, M. le lieutenant Dieu, M. le sous-lieutenant Huguet furent atteints plus ou moins gravement. M. Dieu reçut trois balles dans le corps et deux dans ses vêtements. M. le commandant Maréchal, M. le lieutenant Renard furent frappés peu après, voulant se déplacer pour donner quelques
ordres. M. Maréchal gravement au bras droit, M. Renard mortellement à l'épaule.

      

Alexis Leon Dieu

Né le 2/12/1837 à Paris, il est Saint Cyrien de la promotion de l'Indoustan (1857-1859). Sorti dans un mauvais rang de l'école (223e sur 240), il est affecté au 80e régiment d'infanterie comme Sous lieutenant le 1/10/1859.
Son début de carrière est assez long, car il n'est nommé Lieutenant que le 7/8/1867. C'est dans ce grade qu'il pose dans la nouvelle tenue d'infanterie de 1868, orné de la croix de Mentana qu'il a reçue lorsque son régiment était en Italie en 1867.

Lors de la guerre de 70, à la bataille de Gravelotte, son bataillon est envoyé en soutien du 1er bataillon du régiment qui défend la ferme de Saint Hubert. Les hommes doivent parcourir 300 metres à découvert sous le feu des prussiens et tous les officiers sont touchés dans l'assaut. Dieu reçoit trois balles dans le corps et deux dans ses vêtements. Ces états de service détaillent ses blessures : "Un coup de feu à l'épaule gauche, un coup de feu à l'avant bras gauche et un coup de feu à l'abdomen"... Pour son action, il est décoré de la croix de chevalier de la légion d'honneur. Laissé grièvement blessé à l'ambulance, il est capturé par les Allemands à la capitulation de Metz, mais il parvient à s'évader le 31/10/1870, pour rejoindre les armées de province. Il est alors nommé capitaine au 13e bataillon de marche des chasseurs à pied.

Après la guerre, son grade est confirmé (Capitaine en date du 10/7/1871) et il sert au 13e bataillon de chasseurs, puis passe au 21e bataillon de chasseurs à pied en 1872. Il va alors servi en Algérie entre décembre 1872 et juillet 1873.

Le 7/3/1885, il est nommé Chef de bataillon, grade dans lequel il finit sa carrière comme officier de la légion d'honneur (promu le 28/10/1888).

Il est mort le 14/2/1919.

Les 4e et 5e compagnies du IIIe bataillon avaient renforcé la ligne formée par la 4e du Ier et, par suite de la blessure de M. Maréchal, passaient sous les ordres du capitaine Raynal de Tissonière; les 1ere, 2e et 3e compagnies de ce bataillon, dirigées par le colonel, avaient renforcé les 1ere et 2e du Ier entre les deux maisons du Point-du-Jour et à gauche de la 2e. Le lieutenant-colonel de Langourian s'étant porté de sa personne sur ce point, le colonel put aller s'assurer par lui-même de l'état où se trouvait le IIe bataillon après sa défense de Saint-Hubert. Bientôt atteint lui-même d'un éclat d'obus au poignet, M. de Langourian dut remettre le commandement aux mains du capitaine Francey.
De ce côté aussi, les officiers payaient largement de leur personne: MM. le capitaine Barthe, les lieutenants Cotay, Puech, Bernardeau, Lesbros, étaient successivement blessés; partout le 80e faisait face avec vigueur aux attaques réitérées de l'ennemi.

Emile Joseph Marie Le Mordan de Langourian

Né le 21/09/1820 à Erquy (Côtes du nord), cet officier, sorti de Saint Cyr en 1840

Il a été nommé Lieutenant Colonel du 80e régiment d'infanterie, le 12/8/1866.

C'est comme commandant en second de cette unité qu'il fait la première campagne de 1870 à l'armée de Metz. Le 18/8/1870 à Saint Privat, il a d'abord son cheval tué sous lui, puis il est blessé au poignet droit par un éclat d'obus. Blessé, il est évacué et echappe ainsi à la capitulation de Metz pour rejoindre les armées de la République.

La suite de sa carrière est décrite sur une page spéciale.

Photo Malardot (Metz)

  

  

Antoine Cotay

Né le 21/03/1830 à Varennes (Allier), cet officier sorti du rang a fait toute sa carrière sous l'Empire au 5e régiment léger, devenu 80e régiment d'infanterie lors de la campagne de Crimée.

Sergent, il a été blessé lors de l'assaut de Sébastopol le 8/9/1855 d'un éclat de bombe à l'omoplate, ce qui lui a valu la médaille militaire.
Il a fait la campagne d'Italie et a servi au corps d'occupation de Rome, où il a reçu la croix de Mentana en 1867.

Le 18/8/1870 à Saint Privat, il est Lieutenant (depuis avril 1867) et est blessé de nouveau par une balle provoquant une plaie contuse au bras droit.

Revenu de captivité après la capitulation de Metz, il passe au 121e régiment d'infanterie, est promu Capitaine et reçoit la croix de la Légion d'Honneur en 1879.
Il est mort en 1894.

Photo Bellotti (Saint Etienne)

Un bataillon du 8e de ligne (2e corps), envoyé vers 6 heures pour l'appuyer, s'arrêta à 200 mètres en arrière du coude de la route et ouvrit le feu sur le 80e par derrière, sans l'ébranler un instant. M. le sous-lieutenant Tournebize de la 4e du Ier, sur l'ordre de son capitaine, s'élança sous une double grêle de balles, et alla prévenir ce bataillon de son erreur, avant qu'il n'eût fait trop de mal; ses officiers le portèrent en avant et il dut, faute de place, se coucher à terre derrière les positions déjà trop remplies par trois compagnies du régiment.

La nuit venait, l'ennemi redoublait ses efforts; le 2e corps était vivement pressé vers Sainte-Ruffine et Rozérieulle. Le canon tonnait presque derrière notre gauche, la fusillade s'y faisait entendre. À droite, le corps Canrobert débordé était contraint de se replier vers Plesnois. Le corps Ladmirault découvert sur sa droite, commençait à s'engager dans le vallon de Châtel. M. de Moltke, se mettant à la tête du IIe corps prussien arrivé à l'instant de Pont-à-Mousson, le lançait sur Moscou et le Point-du-Jour afin de venir couper la ligne de retraite de l'armée vers Metz.
L'énergie et la constance de la division Aymard rendirent ces précautions inutiles; en vain un parti de cavalerie tenta une charge qui échoua avant d'être partie ; en vain une colonne sortie de Saint-Hubert et arrivée, grâce à l'obscurité, à quelques mètres du front des 4e du Ier, 4e et 5e du IIe attaqua ces compagnies à la baïonnette; l'ennemi fut repoussé, rejeté en désordre dans le ravin, et le 80e resta maître de ses positions.
C'est à ce moment que M. le capitaine adjudant-major Apchié, croyant le drapeau compromis, donnait l'ordre à M. le lieutenant Guet (qui l'avait pris des mains du porte-drapeau, Klessy, blessé au moment de la prise de Saint-Hubert) de le rapporter au IIe bataillon et tombait mortellement frappé d'une balle pendant qu'il donnait à M. Guet ses instructions pour la route qu'il avait à suivre.

Cependant, le moment venait de relever ces braves troupes. La marche de la division Aymard et celle du 80e se firent entendre vers Châtel, accompagnées du refrain de la retraite. Un bataillon du 66e (2e corps) vint remplacer au Point-du-Jour les compagnies du 80e. Le III° bataillon et les 1ere et 2e du 1er se ralliant derrière les débris enflammés des deux maisons, se portèrent vers Châtel-Saint-Germain, tandis que la 4e du Ier rejoignait dans la tranchée-abri le demi-bataillon dont elle faisait partie, resté sous les ordres de M. le capitaine Renouard ; M. le capitaine Raynal de Tissonière prit le commandement de ce détachement; il était 11 h. 30 environ. Dans le ravin du côté de Saint-Hubert, on entendait comme un bruit de foule; le canon se taisait; quelques coups de fusil isolés, rompaient seuls le silence, La ferme de Moscou brûlait à droite et la flamme atteignant l'étable à porcs arrachait à ses animaux des cris stridents. A gauche, les bâtiments du Point-du-Jour n'étaient plus qu'un brasier. En face, quelques maisons de Gravelotte étaient en feu.
Un bataillon du 44e de ligne, un bataillon du 85e, les 3e, 4e 5e et 6e du Ier du 80e garnissaient la tranchée abri de Moscou à la voie romaine. Un bataillon du 66e occupait la route depuis sa rencontre avec la voie romaine jusqu'au Point-du-Jour, un autre se repliait en potence face à Rozérieulles. En seconde ligne, derrière ce dernier, le IIIe bataillon du 66e et, derrière les tranchées abri le 8e de ligne en entier, les uns et les autres couchés à terre. Le 3e corps, à l'abri de ce rideau, s'écoulait à son tour par Châtel-Saint-Germain, se retirant vers Lessy.
Vers minuit, comptant sans doute trouver le plateau désert, une colonne ennemie sortie de Saint-Hubert, s'avançait en silence vers la tranchée du 80. Accueillie presque à bout portant par une décharge de ce bataillon, surprise et déconcertée elle se rejeta en désordre sur le fond du ravin, poursuivie par une vive fusillade de toute la première ligne française dont les sonneries répétées des clairons arrêtèrent bientôt le feu.
Ce fut le dernier effort des Prussiens entre Moscou et le Point-du-Jour, et c'est à tort que dans leurs récits ils se vantent d'avoir enlevé ces positions le soir; s'ils l'eussent fait, ils n'auraient certes pas manqué de rendre très pénible la retraite de l'armée sur le Saint-Quentin, retraite qui continuait encore alors qu'il était grand jour le 19, et qui ne fut nullement inquiétée.

2/ Extrait de "La manoeuvre de Saint Privat" Général Bonnal

La ferme de Saint Hubert que le 2e bataillon du 80e RI occupait depuis la veille, se compose d'un corps de logis à dexu étages, de deux hangars et d'une cour entourée de murs élevés dans laquelle on pénêtre par une porte cochère. A l'est de la ferme et contigu à la cour est un verger en forme de triangle rectangle dont un des côtés , en bordure de la route, mesure environ 180 metres et l'autre 120 metres. Le verger a pour clôture au sud et à l'ouest des murs hauts de 2 metres et au nord, un mur bas à hauteur d'appui.
On avait percé des meurtrières dans le mur ouest de la cour , barricadé la porte cochère et fait deux brêches étroites dans le mur ouest du verger pour le faire communiquer directement avec la cour de la ferme.

A partir de 2h45 un certain nombre de batteries allemandes dirigèrent leurs tirs sur la ferme de Saint Hubert et mirent de ce fait les défenseurs dans une situation des plus pénible.
De forts groupes d'infanterie allemands étaient parvenus un peu avant 3 heures à 250 metres des faces sud, ouest et nors de la ferme, et tiraient sans relâche sur toutes les ouvertures visibles.

Tous à coup, un hurrah, le feu cesse, c'est l'assaut. Subitement, sur un demi cercle de 200 à 300 metres de rayon, une nuée de Prussiens qui courent sur la ferme en criant. Le terrain en fut bientôt couvert : c'était comme une fourmilière, ils étaient bien 3000 à 4000.
Tou d'abord nos hommes qui s'étaient tant bien que mal abrités contre les obus, reprennent leurs poste et tirent dans le tas : peine perdue ; rien n'y fait; le flot monte rapidement et va tout submerger. Alors on se précipite vers toutes les issues et ceux qu'une blessure ou un retard à vider les étages de la ferme ne font pas tomber aux mains de l'ennemi s'achappent dans la direction de l'est.

 

 

  

Philippe Baltazard Georges Raynal de Tissonnière

Né le 6/9/1833 à Theylade (Cantal), ce Saint Cyrien (promotion 1852-1854) sert au 80e régiment d'infanterie depuis janvier 1855, faisant campagne en Orient, en Italie et au corps d'occupation de Rome.

Capitaine depuis 1862, sa brillante conduite à Gravelotte lui vaut une promotion comme Chef de bataillon au régiment (le 24/8/1870).

Capturé à la capitulation de Metz, il poursuit une brillante carrière, terminant général de division. Il pose ici comme général de brigade, commandant le département du Rhone (vers 1890).

Il est mort en 1905.

Photo Chardonnet (Lyon)

 

 

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