Les Spahis soudanais du capitaine Gouget (1890-1894)

 

Jules Henri Etienne GOUGET, né le 14/10/1858 à Metz

Photo Chesnay (Dijon)
 

Après un première partie de carrière en Algérie, le Capitaine Gouget rejoint le Soudan en septembre 1890. A cette date, le territoire du Soudan français vient d'être mis sur pied, sous le commandement autonome du Lieutenant Colonel Archinard, colonial ambitieux. Ce dernier a comme objectif de mettre fin au pouvoir des sultans Amadou et Samory, opposants à la pénétration française. .

La création des Spahis soudanais.

Gouget met sur pied une unité de spahis auxiliaires soudanais en décembre 1890 en vue de leur participation à une colonne destinée à prendre le village de Nioro. Il recrute alors à Kayes quelques hommes avec un armement rudimentaire (vieux fusils à piston, sabres indigènes), les équipe de culottes de de blouses rouges et ramasse tous les chevaux qu'il peut trouver dans les environs. Le peloton est mis sur pied le 11/12/1890 (effectif de 19 hommes auquels seront ajoutés des irréguliers) et participe à la colonne de Nioro.
La marche vers Nioro s'effectue dans un terrain tres difficile. le 19 decembre Gouget et ses hommes s'emparent d'une quinzaine de guerriers toucouleurs et de leur femmes à Diongaga et récidivent le lendemain à Tambakara. Les Spahis auxiliaires effectuent le travail d'eclaireur de la colonne et ont plusieurs escarmouches avec l'ennemi.
Le 30 décembre, la colonne rencontre l'ennemi à Korrigué. "Le capitaine Gouget a suivi la marche des cavaliers Toucouleurs ; il galope vers l'arrière et charge un groupe d'une centaine d'hommes, cavaliers et fantassins, qui l'accueillent à 30 ou 40 pas par une vive fusillade : un de ses hommes est tué raide ; mais devant la charge qui continue, les Toucouleurs se débandent. Gouget commande alors le feu, que ses cavaliers exécutent à plein galop, tirant d'une main à bout portant dans le dos des fuyards. Il n'avait pas le eu le temps de mes exercer à se servir du sabre et les laissait se battre à leur manière. Lui même tue d'un coup de pointe un chef Toucouleur qui le mettait en joue." . Nioro, évacué par Amadou, est prise le 1/1/1891. La poursuite d'Amadou continue et une nouvelle rencontre a lieu à Léva où Gouget et ses hommes se distinguent à nouveau. Les Toucouleurs font finalement soumission quelques jours plus tard.

L'efficacité démontrée des spahis auxiliaires permet à Archinard de créer un escadron de Spahis soudanais le 24/1/1891 à Nioro, sous le commandement du capitaine Gouget. Son effectif théorique est de 8 officiers français et 178 cavaliers. Sa première mission est d'assurer la police des territoire situés au nord de la ligne Kayes-Bamako et du Niger.
En octobre 1891, Gouget conduit une trentaine d'hommes de son escadron pour reprimer une tribu maure ayant pillé des villages. " Le village de Sahel, sur les limites du Sahara, avait été pillé par une tribu maure. Aussitôt le coup fait, celle-ci avait disparu dans le Nord à travers les régions désolées qui bordent le Soudan ; on avait perdu sa trace. Le capitaine Gouget, chargé alors avec sa cavalerie de la police des frontières nord, n'est prévenu que deux jours après cet événement. Peu de noirs connaissaient la région saharienne; à force de recherches, il trouve cependant un métis qui consent à essayer de le guider. Il faut toute l'audace du capitaine Gouget pour se lancer à plusieurs journées de marche dans le désert, la vie de tous suspendue aux réminiscences plus ou moins exactes d'un guide poltron et terrifié d'avance par l'idée de combattre les Maures. Il part cependant, comptant sur son étoile et surtout sur l'expérience du Sahara qu'il a prise dans le Sud algérien.
Depuis trente-six heures déjà il marche presque sans arrêts. Pas une goutte d'eau. Le guide déclare être perdu ; hommes et chevaux éreintés et épuisés par la soif ne peuvent aller plus loin. La situation est critique ; revenir en arrière c'est s'exposer à une mort certaine, car la route suivie est sans points d'eau; aller en avant convient mieux au tempérament du capitaine Gouget et de ses hommes ; mais dans quelle direction marcher ?
Pendant qu'il délibère, son guide pris d'une inspiration soudaine avise au loin dans l'immense plaine un arbre rabougri, noir, desséché par le harmattan. Il y court, en escalade les branches nues, puis revient vivement, gambadant comme un fou, poussant des cris d'allégresse.
Il s'est repéré : une mare est à dix kilomètres dans le nord-ouest ; mais pour l'atteindre il faut passer sur le ventre d'une tribu maure campée à mi-chemin, dont on aperçoit les tentes. Ceci n'est pas pour arrêter Gouget, au contraire. Quelques spahis prévoyants ont gardé un peu d'eau au fond de leur peau de bouc; on la donne aux chevaux. La pensée de boire bientôt rend du coeur à tous et on remonte allègrement en selle. Chemin faisant on razzie la tribu, et, sur le soir, hommes et bêtes peuvent se désaltérer abondamment dans une eau boueuse et corrompue mais qui paraît à tous un nectar délicieux. Le lendemain le capitaine Gouget guidé par des captifs de la tribu razziée, trouve la piste de la tribu coupable, l'enlève et deux jours après est de retour à Nioro.
(Souvenirs du capitaine Peroz).


La campagne 1891-1892.

En novembre 1891, l'escadron est quasiment constitué à 4 pelotons, commandés notamment par les lieutenants de Champvallier et Baratier.

Albert Baratier

Lieutenant de Champvallier

Désigné pour participer à la colonne du Colonel Humbert, destinée à lutter contre Samory, l'escadron se rassemble le 3 décembre 1891 à Kita et la colonne s'ebranle début janvier. L'escadron en charge de l'avant garde a une première affaire à Mori-Moussaya le 10 janvier où le pelotin de Champvallier "nettoie toutes les crêtes jusqu'au village par une vigoureuse charge devant laquelle tout fuit (Rapport officiel)".
Le lendemin, la colonne arrive devant la rivière du Sambi-Ko qu'elle doit franchir de force. L'escadron est en première ligne pour forcer le passage : "Toute notre première ligne a franchi la rivière, l'ennemi est partout en fuite. La cavalerie passe rapidement le Sambi-ko à hauteur de la route. Il est onze heures. L'escadron Gouget, qui, pendant une partie de l'action a combattu à pied le long de la rivière se porte droit en avant ; à huit cents mètres au-delà du gué il laisse le peloton Baratier sur la gauche, et avec les trois autres pelotons il part à fond de train sur la droite. Le capitaine Harmand et les auxiliaires, le capitaine Besset avec la division de spahis sénégalais se jettent sur la gauche en obliquant légèrement. De tous côtés nos cavaliers chargent avec un entrain remarquable et enfoncent les bandes ennemies qui battaient en retraite en bon ordre. Les sofas se défendent avec une très grande énergie. Le lieutenant Baratier a son fourreau de sabre brisé par une balle ; un deuxième projectile coupe sa jugulaire et il reçoit sur la tête un violent coup de crosse que son casque amortit... Le capitaine Gouget et le maréchal des logis chef Giraud qui combat à ses côtés font des merveilles. A eux deux ils abattent douze sofas. ...Lorsqu'enfin ce magnifique combat cesse, plus de cent vingt sofas (soldats de Samory) gisent sur le terrain." (Au Niger - Peroz).
Le 12 janvier la colonne prend Bissandougou, que Samory a évacué. Les jours suivants, la colonne a plusieurs engagements notamment le 14 janvier où "l'escadron soudanais qui avait rejoint plus au nord un gros d'ennemis, l'avait culbuté, et dans une charge à fond poussée sur les fuyards, avait failli enlever Samory lui-même qui accourait avec quelques cavaliers pour se rendre compte de la tournure du combat. Un des spahis du capitaine Gouget tue un des cavaliers de l'escorte de l'Almamy qu'il était sur le point d'atteindre lorsque malheureusement son cheval s'abat" (Peroz).

La campagne se poursuit durant les mois de février et mars. A la mi mars, Samory réunit ses troupes et le combat décisif approche. Le 14 février, l'escadron a un engagement sérieux à Bécé-Ko : "A droite, le capitaine Gouget dirige sa marche pour aller franchir le Bécé-Ko en aval de son confluent avec le marigot qui passe au sud de Baratoumbou. Lorsqu'il n'est plus qu'à 4 ou 500 metres, une fusillade nourrie éclate en tête dans le marigot et sur les hauteurs de la rive opposée ; quelques coups de feu sont tirés dans son fland droit. Il néglige ces derniers et hâte sa marche sur la marigot. Il va y arriver lorsqu'une bande d'environ 300 sofas surgissant à la lisière d'un bouquet de bois bordant la rive droite du Bécé-Ko, qui à cet endroit fait un coude vers le nord, ouvre un feu violent à 25 pas dans son flanc droit. Le feu en tête redouble d'intensité.
Les spahis ont le sabre à la main ; le capitaine fait face à droite et commande "Chargez". La lisière boisée n'est qu'à quelques pas avec son sol marécageux et son fouillis inextricable de végétation. Les chevaux arretés par les lianes, s'enlisent dans la vase ; mais l'effet moral est produit ; les sofas terrifiés à la vue des spahis grandis sur leurs étriers et brandissant leurs lames, s'enfuient précipitamment et repassent le marigot. De l'autre côté de la rive, ils recommencent à tirer. Mais l'escadron a eu le temps de mettre pied à terre ; le peloton Baratier se jette dans le marigot sans répondre au feu et arrivé sur la rive gauche, en nettoie les abord par quelques feux de salve. Le peloton de Champvallier passe à son tour. Les deux pelotons, à une certaine distance l'un de l'autre, concentrent leurs feux sur les groupes importants qui se réfugient dans les collines rocheuses à l'ouest.
Baratier s'est emparé d'un petit groupe de cases situé à une centaine de metres du marigot et les porteurs d'outils ont aménagé un peu les berges Le capitaine prescrit à de Champvallier de cesser le feu, de rallier les chevaux restés sur la rive droite et de leur faire franchir la marigot. Le passage très difficile, s'effectue sous la protection du soutien d'infanterie et du peloton Baratier. Aussitôt sur la rive gauche, de Champvaliier reçoit l'ordre de charger les groupes qui sont devant lui. Il se lance tête baissée sur des masses dix fois supérieures, les enfonce, les disperse, tue 25 sofas, prend 3 chevaux.
Profitant du désarroi causé par cette charge, le capitaine ordonne à Baratier de rompre le combat à pied, d'aller reprendre les chevaux et de leur faire passer ainsi le marigot ; il se porte ensuite avec lui sur les traces du premier peloton, dont il veut appuyer et compléter l'action. sans s'attarder à poursuiver les fuyards dispersés dans toutes les dircetions et à ramasser les fusils des morts, il rejoint de Champvallier et avec ses deux pelotons galopant sans arrêt dans un terrain assez mauvais, il cherche à gagner les lignes de retraite de l'ennemi qui se replie déjà sur le Milo. Les sofas ont fui."
(Les spahis soudanais - Mordacq).
La campagne est terminée, car la periode de l'hivernage commence. Le climat devient difficile à supporter pour les européens, et de Champvallier, puis Baratier doivent être évacués malades. La colonne rejoint Bissandougou où elle est disloquée. La campagne n'a pas été décisive car Samory est toujours en fuite.

Gouget et de Champvallier rentrent en France ; Baratier prend le commandement de l'escadron.


La campagne 1893-1894.

Gouget revient au Soudan le 30/10/1893 et reprend le commandement de l'escadron, devenu 1er escadron de spahis soudanais depuis qu'Archinard a créé un second escadron cinq mois plus tôt. En préparation d'une nouvelle expédition contre Samory, l'escadron doit mobiliser 4 officiers et 100 cavaliers (4 pelotons) pour accompagner la colonne Richard. Employé en reconnaissance pour découvrir les forces ennemies, le peloton du lieutenant de Hautecloque a un premier engagement à Boala le 14/1/1894 où il diperse une bande de 200 sofas. L'escadron n'a pas d'autres occasions de se signaler contre l'ennemi avant la dispersion de la colonne le 19/4/1894.
La politique de la France a désormais changé ; en novembre 1893 Archinard a été remplacé par un gouverneur civil qui adopte une position défensive. Dès lors l'escadron est séparé, chacun de ses peloton agissant individuellement pour effectuer des missions de police dans les territoire déjà conquis.

Gouget rentre définitivement en France en juillet 1894.

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