Alexandre Ernest MICHEL, né le 8/7/1817 à Mens (Isère)
 

Colonel du 4e Lanciers
Photo Prevot (Paris)
Colonel des Chasseurs à cheval de la garde
Photo Dupré (Compiègne)

Elève de l'école de Saint Cyr en 1836, Michel est promu Sous Lieutenant le 1/10/1838 au 1er régiment de Hussards, troupe qu'il quitte deux ans après pour rejoindre le 9e régiment de cuirassiers.
En juillet 1842 il entame ses premiers pas en Algérie, terre sur laquelle il va guerroyer durant près de 20 ans. Il est nommé à l'escadron d'Oran du corps de cavalerie indigère.

Promu Lieutenant le 23/6/1844. Il participe à la bataille d'Isly le 14/8/1844 et y est cité pour sa belle conduite dans le rapport du maréchal Bugeaud, puis une nouvelle fois le 11/9/1844 dans la colonne expéditionnaire d'Oran, pour sa belle conduite dans un combat livre aux Arabes.

Le 22/12/1845 il est nommé Capitaine. Il participe à la colonne expéditionnaire de Mascara et y est cité dans le rappport du colonel Géry pour sa belle conduite le 12/9/1846. Il est nommé chevalier de la Légion d'Honneur le 8/4/1847.

Le 4/1/1854, il est une nouvelle fois cité à l'ordre de la division d'Oran pour sa belle conduite au combat de Tigry (20/11/1853) contre les Auriences et notamment "pour la vigoureuse charge à fond conduite par lui et qui a terminé le combat." Promu Chef d'escadrons le 4/2/1854, il est encore cité, cette fois à la division de Constantine, pour "la charge vigoureuse qu'il a faite à la tête de trois escadrons de cavalerie régulière et des goums dans la plaine de Sbika contre les douars des Ould Sackous et des Ouled Salim, fraction des insoumis de Nemesschs et avoir, malgré une résistance opiniatre, sabré et culbuté l'ennemi.". Michel est alors est brièvement chargé du service des remontes avant de retourner en France servir au 5e régiment de chasseurs. L'Afrique lui manquant probablement, il y retourne en prenant un poste de son grade au 3e régiment de chasseurs d'Afrique.

Le 18/7/1856, il se signale encore par sa bravoure et est cité à l'ordre de la division de Constantine pour la charge vigoureuse qu'il a faite à la tête de trois escadrons de cavalerie régulière et des goums, dans la plaine de la Sbikhra, contre les douars insurgés et avoir, malgré une résistance opiniâtre, sabré et culbuté l'ennemi.

Le 3/10/1856 il est nommé Lieutenant Colonel au 2e régiment de Spahis. Il y est promu Colonel le 16/11/1859. Il est promu officier de la Légion d'Honneur le 19/9/1860.

Le 25/1/1861, Michel est promu Colonel et quitte cette fois pour longtemps l'Algérie pour prendre la tête du 4e régiment de Lanciers. Il est nommé commandeur de la Légion d'Honneur le 25/8/1863.
Le 21/12/1866, il prend le commandement du prestigieux régiment des chasseurs de la Garde Impériale, dont il porte la grande tenue sur la photo ci dessus. Sa nomination nous vaut une élogieuse citation du général du Barail dans ses mémoires : "Le colonel de Gondrecourt fut remplacé à la tête des chasseurs à cheval par mon ancien camarade aux spahis d'Oran, le colonel Michel, celui là même qui devait mener plus tard la charge malheureuse et héroïque des cuirassiers de Reischoffen à traver le village de Morsbronn. On a été injuste pour le général Michel. On lui a imputé pendant la guerre de 1870 des responsabilités qu'il ne méritai pas. Je l'ai toujours considéré comme un de nos chefs de cavalerie les plus habiles et les plus vigoureux."

Cette fonction prestigieuse est un antichambre pour acquérir les étoiles ; Michel est en effet promu Général de brigade le 27/3/1868. Il commande d'abord une brigade de cavalerie à Luneville, puis en décembre 1868, il est mis à la tête de l'école de cavalerie de Saumur.
Au déclanchement de la guerre de 1870, Michel est mis à la tête de la 3e brigade de la division de cavalerie de l'armée du Rhin, composée des 8e et 9e régiment de cuirassiers. C'est lors de la bataille de Froeschwiller que Michel entre, peut être malgré lui, dans l'histoire :

Bientôt nos troupes doivent évacuer Morsbronn et fléchissent légèrement au Niederwald : les branches de la tenaille s’enfoncent peu à peu dans notre aile droite. Le général de Lartigue rend compte de la situation au maréchal de Mac-Mahon, et l’informe que la division a dû engager jusqu’à son dernier homme. 
 
Hélas ! il en est ainsi partout : l’héroïsme manque de bras. Encore un instant, une minute peut-être, et la tenaille va se fermer. Alors ce sera l’aile droite prisonnière, l’armée française enveloppée, la retraite, impossible, ce sera le désastre, l’anéantissement, l’irréparable. L’état d’épuisement de nos troupes ne permet pas de songer à briser la tenaille, mais il faut à tout prix la maintenir ouverte. Le général de Lartigue promène un regard douloureux sur ses soldats exténués et fait un grand geste de désespoir. Tout à coup ses yeux s’animent ; là-bas, au sud du Niederwald, il vient d’apercevoir l’éclair d’un rayon de soleil sur une cuirasse. Il appelle un officier, prononce quelques paroles brèves, et l’officier part au galop. Le général lève alors les bras vers le ciel calme, et ses lèvres frémissantes semblent murmurer une prière.
Vers le sud du Niederwald s’ouvre un ravin bordé de buissons et de hautes herbes, qui produit de loin l’effet d’une blessure ancienne, d’une balafre auréolée de poils follets. A plusieurs reprises les Prussiens ont sondé du regard la blessure de la colline, et ils ont aperçu des choses étranges : un grouillement d’hommes et de chevaux ; un fourmillement lumineux de métal sous la caresse enveloppante du soleil. Soudain un bruissement monte du ravin, des casques brillent à travers les buissons et les hautes herbes ; puis des hommes bardés de fer, les cuirassiers de la brigade Michel, apparaissent à découvert, face à l’ennemi, magnifiques et tranquilles. On croirait
voir, autour de la blessure ancienne, le bouillonnement d’un sang généreux.
A la voix de leurs chefs les régiments se forment en bataille sous les balles prussiennes ; le 8e en colonne par escadron, le 9e déployé derrière le 8e et débordant par sa droite, que viennent prolonger deux escadrons du 6e lanciers, dont les banderoles rouges et blanches jettent une note gaie sur la grandeur sévère de la scène. Des cris d’enthousiasme partis de nos lignes saluent l’apparition des fiers cavaliers, dont la seule présence ranime dans les cœurs la petite flamme d’espérance près de s’éteindre, dont le bloc superbe s’immobilise dans l’infernal chaos du combat et fait penser à un lourd rocher émergeant d’une nappe de lave en fusion. Ce bloc, le général de Lartigue va le lancer contre la branche gauche de la tenaille : la tempête des escadrons devra rouler jusqu’à Morsbronn, traverser le village comme un cyclone et s’abattre ensuite au fond du vallon.
L’entreprise est effrayante, elle est folle, elle est sublime. Devant les cuirassiers, le terrain descend rapidement, fuit dans une cascade de rides, entraînant vers Morsbronn des prairies émaillées de fleurettes, des vergers peuplés de pommiers noueux et des houblonnières dont les longues perches soulèvent vers le ciel d’innombrables houppettes d’un tendre vert. Le sifflement lugubre des boulets de Gunstett, qui s’abattent par essaims sur la pente, a remplacé dans les prairies et les vergers la joyeuse chanson des oiseaux ; des milliers de fantassins ennemis forment une barrière épaisse devant les murs blancs de Morsbronn ; autour du village chaque arbre, chaque buisson, chaque fossé, chaque pli du sol abrite des fusils prêts à partir ; dans le village, toutes les maisons sont des forteresses bondées de défenseurs : chacun de nos sabres trouvera vingt baïonnettes. La mort est formidablement organisée. Les cuirassiers ont vu tout cela, et ils restent impassibles ; ils savent qu’ils vont mourir, et devant la tombe ouverte ces hommes de bronze conservent des visages de bronze, on dirait qu’ils ne sont déjà plus de ce monde.
Enfin le moment est arrivé. Le général Michel, qui doit conduire ces géants à l’immortalité, passe au galop devant les escadrons et s’écrie d’une voix vibrante comme un appel de clairon : « Camarades, on a besoin de nous, nous allons charger l’ennemi ; montrons qui nous sommes et ce que nous savons faire ! » Un seul cri ; un seul rugissement sorti de mille poitrines lui répond : « Vive la France ! ». Le général de Lartigue, les yeux humides d’émotion et de reconnaissance, se découvre devant ces braves qui vont mourir pour le salut de leurs frères et l’honneur de la patrie. « Allez-y comme à Waterloo, » dit-il. Mille lames aussitôt sortent des fourreaux, offrant leur magnifique clavier d’acier clair à l’éternel poème du soleil. Alors le général de Lartigue laisse tomber le mot magique qui va faire de soldats sans peur et sans reproche des héros dignes de l’histoire et de la légende : « Chargez ! ».
Les escadrons s’ébranlent lentement. De loin, on dirait qu’un coin du sol fleuri se soulève, glisse sous l’azur avec les ondulations gracieuses d’une mer d’épis mûrs secoués par un vent léger ; l’avalanche naît dans un sourire de la nature, et le soleil, ce sourire du ciel, l’accompagne vers l’éternité, égrenant sur les sabres et les cuirasses les strophes de son poème de lumière. « Chargez ! ».
Les escadrons prennent le trot, et le glissement d’avalanche devient un bouillonnement de métal en fusion, les longues lattes flamboyantes et les sabres étincelants s’élevant et s’abaissant en cadence comme sous le halètement d’une poitrine de colosse. C’est un resplendissement d’acier emporté par un souffle d’épopée. Les canons de Gunstett sont devenus muets, la fusillade de Morsbronn s’est calmée : il semble que la mort veuille réserver son appétit pour dévorer d’un seul coup la phalange superbe qui met un grand frisson d’héroïsme dans la puissante poussée de vie émanant de la bonne terre d’Alsace, de la terre généreuse dont nulle force humaine ne saurait interrompre le labeur fécond. Au-dessus de Morsbronn, une étroite route blanche, - la route d’Eberbach à Gunstett, - se détache dans la cascade de verdure comme une mince chaîne d’argent sur la soie chatoyante d’un corsage. Au moment où les ombres allongées des grands chevaux viennent zébrer la petite route blanche, on voit des bras se lever au-dessus des casques et s’agiter dans l’or du soleil comme pour un adieu suprême, on entend des cris rauques que la brise emporte vers le calme des horizons lointains ; puis tous les casques, tous les bras, tous les sabres paraissent exécuter un plongeon, s’inclinent vers l’ennemi, et la masse énorme des escadrons se fait ouragan, Un ouragan qui marche, avec la vitesse d’un boulet, à la rencontre de la foudre. Les hommes ne sont plus des hommes, ce sont des démons ou des dieux ; les chevaux ne sont plus des chevaux, ce sont des monstres furieux ; les hommes ne parlent plus, ils rugissent ; les chevaux ne hennissent plus, ils hurlent. C’est du divin dans de la fièvre, de l’immense dans du délire. Dans la douceur de la belle journée d’été, dans l’enveloppement d‘une atmosphère de tendresse, la colonne-ouragan prend l’aspect l’un animal fantastique, d’un de ces étranges animaux marins aux écailles éblouissantes, dont l’imagination de nos ancêtres se plaisait à peupler les mers inexplorées et les rivages inconnus ; les hommes et les chevaux, - les dieux et les monstres, - forment un seul corps, qui tour à tour sous le miroitement des cuirasses, - ses écailles, - s’allonge, s’enfle, se rétrécit pour vaincre plus facilement les accidents du sol tourmenté. Des milliers de sabots font jaillir des volées de cailloux et des gerbes d’étincelles, des centaines de crinières se hérissent sous la brise, des centaines de queues cinglent l’air ; le piétinement infernal emplit le vallon d’un roulement sourd qui semble draper la bataille.
Dans sa Course folle, la colonne comble des fossés qui se vident aussitôt, couvre des mamelons qui sont aussitôt dépouillés de leur manteau d’hommes et de chevaux ; elle écrase les buissons, elle éventre les haies, elle fauche les arbrisseaux, elle rampe et elle bondit, et les chevaux blancs du 9e cuirassiers, qui mènent la charge merveilleuse, sont comme l’écume d’une vague. Sur la gauche, derrière des peupliers frissonnants qui masquent les batteries prussiennes, on voit s’agiter des ombres : la foudre guette l’ouragan ; autour de Morsbronn, sous les houppettes des houblonnières, on aperçoit des milliers de points noirs qui sont des hommes, les tirailleurs ennemis, et ces hommes paraissent infiniment petits auprès des géants de la brigade Michel. Soudain il se produit dans les houblonnières une sorte de fourmillement de feu, on dirait un nuage d’étincelles chassé par le soufflet d’une forge colossale ; puis des détonations font trembler le sol, et l’on entend un bruit singulier pareil au crépitement de la grêle tombant sur des feuilles sèches, le bruit des balles s’écrasant sur les cuirasses. Les balles, hélas ! n’ont pas toutes rencontré des cuirasses : la colonne héroïque se creuse, les rangs se confondent, se heurtent avec un fracas de métal ; le sol fleuri, - autel grandiose du sacrifice sublime, - reçoit les premières victimes de cette chevauchée de titans, et 1’on voit des chevaux, fous de terreur, emporter vers l’ennemi des cadavres sanglants, dont les mains crispées tiennent toujours la longue latte pointée en avant. Sur cette confusion d’un instant, l’artillerie se hâte de semer ses obus et ses boulets, qui ouvrent toutes grandes les brèches amorcées par l’infanterie, qui couchent des rangs entiers de cuirassiers dans la tombe éternelle, qui déchirent, arrachent, broient. Sous une trombe de fer, sous un rideau de feu, les escadrons volent vers d’autres étapes du douloureux calvaire, déroulant sur la pente un sinistre chapelet de cadavres ; les cavaliers rugissent, les chevaux hurlent, les blessés crient leur souffrance, c’est surhumain et c’est effrayant, c’est une vision d’épouvante dont l‘imagination la plus audacieuse ne saurait concevoir l’horreur et la beauté. A un tournant d’une ride profonde du terrain où la colonne s’est engagé, sur la hauteur de gauche, les murailles grises de la petite ferme d’Albrechtshaüserdorf, baignées de soleil, donnent l’illusion d’une oasis de calme ; et comme en un mirage, plus d’un cuirassier sans doute voit une autre ferme pareille à celle-là, où sous un autre coin du beau ciel de France des êtres chers prient pour lui, l’attendent et espèrent. La guerre, c’est la guerre !
De la petite ferme tranquille, la mort, qui aime les contrastes, a fait une station du calvaire.  Avertis par la rumeur grandissante du piétinement colossal, des Prussiens sortent de la maison, de ses champs et de ses vergers, et se répandent sur le mamelon, dont la crête se hérisse de casques et de canons de fusil. Un commandement, et tous les canons s’abaissent, braquant sur le ravin leurs milliers de petits yeux noirs ; un autre commandement, et l’on entend un éclat de tonnerre suivi du crépitement étrange des balles sur les cuirasses. Les fusils se redressent, puis ils s’abaissent de nouveau ; mais la colonne est déjà loin, elle disparaît dans un nuage de poussière et de fumée, dégringole vers Morsbronn avec sa vitesse de projectile, égrenant toujours son lugubre chapelet, qui s’allonge derrière lui comme la queue d’une comète. Au moment où elle débouche devant Morsbronn, au moment où le projectile va trouer la cible, trois régiments prussiens se disposent à marcher sur le Niederwald et plusieurs bataillons sont déjà sortis du village. Ces bataillons font face à l’avalanche humaine et la criblent de balles, ajoutant des nappes de plomb sournoises et meurtrières au déluge de boulets et d’obus, fauchant pendant que les canons écrasent et broient. Dans cette fournaise, dans ce cratère, les escadrons tourbillonnent comme des feuilles mortes sous un souffle de tempête ; ils s’effritent, ils fondent, ils se vident, ils deviennent squelettes.
Il semble que tout est fini, que pas un cuirassier ne sortira vivant de la fournaise mais, tout à coup l’on voit cette chose formidable : des hommes, - des revenants, - noirs de poudre, la plupart sans casque, quelques-uns n’ayant sur la poitrine qu’une matelassure de cuirasse éventrée et tachée de sang, des hommes déguenillés, demi-nus, fangeux, sanglants, - magnifiques, - que portent des chevaux couverts de sueur et de bave, trouent la fumée, traversent la mitraille, fondent sur les tirailleurs ennemis, les sabrent, les piétinent, les refoulent, arrivent jusqu’à l’épaisse muraille des bataillons en ligne, et, toujours galopant, enfoncent avec rage leurs longues lattes dans cette chair vive. Cela dure un instant ; puis la masse des escadrons, qui s’est reformée sous le feu, se divise en deux colonnes, le 8e régiment continuant sa course en ligne droite, le 9e, suivi des lanciers, obliquant vers la gauche pour prendre le village par l’ouest. (Jules Mazé - l'année terrible, les étapes héroïques)

Michel survit à la charge sans blessures et est nommé Grand Officier de la Légion d'Honneur quelques jours plus tard. Nommé Général de division le 20/10/1870, il est nommé à la tête d'une division de l'armée de Chalons et échappe à la capitulation de Sedan. Il commande alors successivement les division de cavalerie du 17e puis du 16e corps d'armée durant la second partie de la guerre.
Après la guerre, il est mis une année en disponibilité, avant de retrouver un commandement comme inspecteur général de cavalerie en Algérie, terre de sa jeunesse qu'il retrouve sans doute avec nostalgie.
Mis en reserve le 20/6/1882.

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