PELISSIER Né le 6 novembre 1794 à Maromme, décédé le 22 mai 1864 à Alger
 
Photo Mayer et Pierson (Paris)
Photo Disdéri (Paris)
Photo Disdéri (Paris)
Photo Mayer et Pierson (Paris)

 

Si le "J'y suis, j'y reste" de Mac Mahon est l'un des mots les plus fameux des maréchaux de Napoléon III, le physique de Pélissier est au moins aussi célèbre que celui de Canrobert. La tête est forte et garnie de cheveux blancs coupés ras. Les yeux sont noirs. Le front est haut et large, le nez ni aquilin ni droit a de l'ampleur à la base, de la rondeur à l'extrémité. Les lèvres un peu épaisses et la moustache taillée en brosse, laissent apparaître une très petite impériale. Les épaules sont larges et carrées, la poitrine bombée, le buste long et la cuisse courte.

Après un début de carrière dans l'artillerie, Pélissier passe dans le corps d'état-major en 1819. Il est de tous les maréchaux de Napoléon III, celui qui a cotoyé le plus grand nombre de généraux en qualité d'aide de camp. En effet, de 1823 à 1839, Pélissier a été aide de camp des généraux Grundler, Bourke, Vallin, Ledru des Essarts, Janin, Durrieu, de La Roncière, Pelet, Reille, Blancard et Faudoas.

En 1823, il fait campagne en Espagne et mérite les croix de la Légion d'honneur et de Saint-Ferdinand d'Espagne. En 1828, il participe à la campagne de Morée et à cette occasion reçoit la croix de Saint-Louis. En 1830, c'est l'Algérie et Pélissier est promu chef d'escadron. Après un long séjour en France, il retourne en Algérie et en 1844 commande l'aile gauche française à la bataille d'Isly. L'année suivante, couvert par Bugeaud, il enfume et fait périr 500 insoumis de la tribu des Ouled-Riah, réfugiés dans les grottes du Dahra.

Nommé maréchal de camp en 1846, puis général de division en 1850, Pélissier occupe à plusieurs reprises les fonctions de gouverneur général de l'Algérie à titre temporaire. Lors du coup d'Etat du 2 décembre 1851, il maintient le calme en Algérie et s'attend à être nommé définitivement à cet emploi. Aussi, lorsque Randon est nommé gouverneur général de l'Algérie, en dédommagement de son ancien poste de ministre de la Guerre, Pélissier en conçoit une certaine amertume. De là, semble-t-il, date son animosité à l'égard de Randon qu'il appelle le petit triomphateur ou le petit raidillon.

En 1854, il n'est pas de ceux qui partent les premiers en Orient, mais les difficultés de la campagne imposent de nouveaux renforts. En 1855, Pélissier est nommé au commandement du 1er corps de l'armée d'Orient. Alors les soldats font connaissance avec son caractère pour le moins spécial. Le dragon Mismer en parle ainsi dans ses souvenirs : "... à la fin du mois de janvier, je vis un général... il montait fort mal un magnifique cheval barbe, taillé comme un percheron, dont la crinière et la queue tombaient jusqu'à terre. En passant, il demanda quelque chose à un officier du train et sans lui laisser le temps d'achever sa réponse, il le traita d'espèce avec une voix de butor qui semblait sortir du nez. C'était le général Pélissier venant de débarquer pour prendre le commandement du 1er corps..."
Quelques mois plus tard, Pélissier s'impose au point que Canrobert, incapable d'assumer plus longtemps son commandement, lui confie l'armée d'Orient avec la bénédiction de Napoléon III.
Pélissier fait preuve d'abnégation et sait patiemment conquérir Sébastopol, mais durant le siège ses relations avec ses subordonnés ont été parfois difficiles. Il se heurte à Niel, qui écrit : "Canrobert dit bien que ce n'est pas un aigle, mais un vautour qu'il a mis à sa place." C'est avec Bosquet que les contacts sont souvent tendus, car il reconnaît probablement en lui un puissant rival. D'ailleurs, Bosquet possède une lettre de service de l'Empereur, lui donnant le commandement en chef au cas où Pélissier ne pourrait plus l'assurer. Niel, toujours lui, note dans ses rapports à Vaillant : "Vous dire les colères de Bosquet est chose impossible. Du reste, les procédés dont il est l'objet sont incroyables." En effet, Pélissier exige de tous une obéissance aveugle et Bosquet, d'une intelligence supérieure et fort instruit, ne peut le supporter. Il s'écrie : "C'est une infamie ! C'est une indignité ! Mais je ne suis réduit à ce rôle de caporal que depuis l'avancement de Monsieur Pélissier." Toutefois, Pélissier reconnaît les hautes capacités de son jeune subordonné en lui demandant de dresser les plans d'attaque pour l'assaut final.

Promu maréchal, puis nommé sénateur, Pélissier est le premier maréchal du second Empire créé duc. En effet, l'Empereur le nomme duc de Malakoff le 22 juillet 1856 avec une dotation de 100 000 Frs. C'est à son retour d'Orient, en débarquant à Marseille, que Pélissier apprend par un aide de camp de Napoléon III, qu'il est anobli. Le 4 août, il s'arrête à Lyon chez Castellane qui note : "Le maréchal Pélissier... est petit, gros, spirituel ; notre conversation a été fort amicale."
Vice-président du Sénat, il est aussi nommé ambassadeur à Londres en 1858. Toutefois, il est étonnant que cet homme comblé d'honneurs, ne participe pas à la campagne d'Italie : Baraguey d'Hilliers et Regnaud de Saint-Jean d'Angély y participent alors qu'ils ont sensiblement le même âge que le duc de Malakoff. Il est relégué au commandement supérieur des divisions de l'Est, pour faire face à d'éventuels mouvements de la Prusse.

Pélissier était un caractère et cette catégorie de gens est souvent fort mal jugée car elle n'a pas la souplesse de principes qui permet de plaire à tous. Il n'était ni flatteur, ni courtisan du pouvoir. D'une grande franchise, il vouait une haine instinctive à l'intrigue et aux intrigants. Il n'en fallut pas plus pour qu'il passa pour un ours mal léché. Ce qui déplaisait chez lui, c'était son humour caustique et certains mots cruels. Il avait parfois ses mauvais jours et la réplique vive. Alors qu'il était maréchal de France, il participa un jour à une réunion au ministère de la Guerre. Grand fumeur, il arriva à la réunion du Comité avec un magnifique cigare aux lèvres. Un des maréchaux présents se permit de lui faire une observation pour lui rappeler de ne pas fumer au ministère. Pélissier lui répondit vivement : "Je savais que vous aviez peur du feu, monsieur, mais j'ignorais totalement que vous craigniez même la fumée."
Il est certain qu'avec de tels comportements on s'attire immanquablement des inimitiés. La mauvaise réputation de Pélissier était à moitié méritée car sous une apparence rude, il cachait un caractère bienveillant et un coeur sensible.
Au matin de l'assaut décisif de Malakoff, le 8 septembre 1855, le colonel Cassaigne, aide de camp de Pélissier, fut mortellement touché. Pélissier s'étonna de ne pas le voir à ses côtés : "Cassaigne est mort, car un jour comme celui-ci, à moins d'avoir un membre emporté, il serait près de moi." Sachant le général très lié à son aide de camp, on tenta de lui cacher la vérité et il lui fut répondu : "Mon général, je vous assure que le colonel est à l'ambulance." Le soir, la victoire acquise, Pélissier voulut voir son aide de camp : "Allons voir Cassaigne, dit-il à l'un des officiers qui venait lui annoncer que le repas du soir était servi ; allons voir Cassaigne, nous souperons après." Un officier qui n'était pas dans la confidence du mensonge répétée depuis le matin, dit à ce moment : "Mais, mon général, Cassaigne est mort." Alors, Pélissier, qui était resté imperturbable durant des mois au milieu des hommes qui tombaient morts autour de lui, Pélissier se décomposa et pleura à la vue de tous en disant : "J'ai perdu mon meilleur ami." Et il se couvrit le visage de ses mains.

Grand chancelier de la Légion d'honneur, Pélissier occupe enfin les fonctions dont il rêvait avant la proclamation de l'Empire : il est nommé gouverneur général de l'Algérie. Le général du Barail se souvient : "Le maréchal Pelissier, quand il marcha dans son rêve étoilé, n'en pouvait presque plus en savourer la réalisation. Le vigoureux capitaine, qui quittait naguère la province d'Oran pour aller prendre Sébastopol avait beaucoup vieilli. Marié très tardivement à une jeune et charmante espagnole, Mme de la Pena, il en avait eu une fille, délicieuse enfant, dont il avait fait son tyran, celui de toute sa maison et de tout son état major. Alourdi, empâté, somnolent, il s'en remettait au prestige de sa gloire et au souvenir de ses actes passés d'implacable rigueur pour maintenir l'Algérie dans le calme et la soumission. Il n'avait jamais aimé beaucoup le travail et ne l'aimait plus. Les occupations sérieuses le fatiguaient, il les écartait, cueillait les roses du pouvoir et en dédaignait les épines. Mais très jaloux de ses prérogatives, quoique ne les exercant pas, il n'en déléguait aucune et ses subordonnés, pour echapper aux eclats de ses terribles colères, se gardaient bien d'imprimer aux choses de la colonie une impulsion qu'il était incapable de leur donner; de sorte que tout allait à vau l'eau, au petit bonheur, chacun restant cantonné dans ses fonctions, sans se soucier de l'harmonie de l'ensemble et des règles de l'alignement général. Tant et si bien qu'un beau matin de mars 1864, on se reveilla avec une insurection sur les bras."  

Pelissier meurt à son poste en 1864.

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