La bataille de Mentana (3/11/1867)



Plan de la bataille de Mentana
Tiré de l'ouvrage "Per il Papa re" (Lorenzo Innocenti)


1/ Rapport du général Kanzler sur la bataille de Mentana.

Général Hermann Kanzler

Né le 28/3/1822 dans le duché de Bade, après une brève carrière d'officier dans son pays, il rejoint le service pontifical en 1847.

Il se bat en 1848, puis en 1860 et prend de l'influence auprès du Pape en réalisant plusieurs missions diplomatiques. En octobre 1867, il prend le commandement des armées pontificales avec le grade de lieutenant général et réorgnise cette armée.

Son heure de gloire sonne en 1867 avec la victoire de Mentana durant laquelle il commande les troupes pontificales contre une invasion des territoires pontificaux par les troupes de Garibaldi.

Cette victoire ne fait que retarder l'échéance. En 1870, après le départ des troupes française, Rome doit capituler devant les forces du royaume du Piémont. Kanzler demeure alors au Vatican jusqu'à sa mort en 1888, entretenant le souvenir de son armée dissoute et s'occupant des anciens combattants necessiteux.

Photo d'Alessandri (Roma)

   

Rome, le 12 novembre 1867.

Très Saint Père.

En attendant que je puisse déposer aux pieds de Votre Sainteté un rapport détaillé sur les nombreux faits d'armes et les combats que les troupes pontificales ont glorieusement soutenus contre les sacrilèges envahisseurs des Etats du Saint-Siège, j'ai l'honneur de présenter à votre Sainteté un rapport spécial sur le combat de Mentana, auquel ont vaillamment coopéré les troupes françaises nos alliées, afin que la vérité sur cette action décisive se dégage le plus vite possible des mensonges par lesquels la presse révolutionnaire s'étudie à la défigurer.
L'invasion des troupes régulières était menaçante ; déjà même quelques rapports nous étaient parvenus sur la violation de nos frontières du côté de Monte Rotondo. Les bandes garibaldiennes augmentaient sans cesse dans les provinces et sur plusieurs points déjà elles s'étaient organisées en corps importants. Tous ces motifs n'engagèrent, le 27 octobre dernier, à proposer à votre Sainteté la grave mesure d'abandonner les provinces et de concentrer toutes les troupes à Rome, afin de ne pas les exposer à être écrasées isolément par l'invasion.
Aussitôt dégarnies, ces provinces ont été envahies par les bandes de Garibaldi, qui, après cette occupation sans lutte, devinrent de plus en plus nombreuses et agressives. Le 26, la petite garnison de Monte Rotondo était assaillie par des forces dix fois supérieures et ne cédait qu'après la plus héroïque défense. Enhardis par ce succès, les bandes poussèrent leurs avant-postes jusque sous les murs de Rome, et menaçaient la ville et ses environs, tentant de prêter secours aux nombreux sicaires introduits furtivement dans la capitale pour la rendre, elle aussi, victime de leurs sacrilèges intentions.
Il était urgent de frapper sur ces bandes un coup décisif, afin d'en réprimer l'audace toujours croissante, et d'opposer un frein à leurs barbares entreprises. C'est dans ce but que, me mettant à la tête d'une colonne de troupes qui ne fût pas trop inférieure en nombre aux Garibaldiens, je résolus de les combattre à l'endroit même d'où ils se vantaient de vouloir partir pour marcher à la conquête de Rome.
Instruit de mon projet, le général en chef commandant le corps expéditionnaire français, comte de Failly, manifesta le désir de nous appuyer avec une colonne de troupes ; elle devait surtout nous garantir contre toute entreprise de la part des autres bandes qui se trouvaient déjà réunies en grand nombre à Tivoli, et qui, averties à temps, auraient pu tomber sur nos derrières pendant que l'on opérait sur Monte Rotondo.

   

Général de Failly

Commandant le corps expéditionnaire français, il ne participe pas directement à la bataille.

Dans son rapport officiel il indiquera "les chassepots ont fait merveille..."

La colonne pontificale, sous les ordres du général comte de Courten (2.913 hommes) fut composée comme il suit :
Deux bataillons de Zouaves, commandés par le colonel Allet ; effectif 1500
Un bataillon de carabiniers étrangers, commandé par le lieutenant-colonel Jeannerat ; effectif 520
Un bataillon de la légion romaine sous les ordres du colonel comte d'Argy; effectif 540
Une batterie de six pièces d'artillerie, commandée par le capitaine Polani; effectif 117
Un escadron de dragons de quatre pelotons sous les ordres du capitaine Crémona; effectif 106
Une compagnie de sapeurs du génie; effectif 80
Plus, gendarmes; effectif 50

   

Charles Henri Louis d'Argy

Né le 26/5/1805 à Malmy (Ardennes). Sorti du rang, le futur colonel d'Argy a servi durant la campagne d'Espagne (1823) et en Algérie en 1830.

Il s'est fait un spécialité d'instruction de gymnastique et a crée et commandé l'école normale de gymnastique de Joinvile lorsqu'il était lieutenant colonel. Il a fait campagne en Kabylie et en Italie comme Lieutenant Colonel du 65e régiment d'infanterie, puis a commandé le 53e régiment d'infanterie entre 1859 et 1865 (photo de gauche). Il est fait Commandeur de la Légion d'Honneur en 1864.

Admis à la retraite, il est nommé en février 1866 à la tête de la légion romaine (dite d'"Antibe" - photo de droite) organisée en France pour le service du Pape. Mise sur pied elle défile une première fois devant le Pape en septembre 1866.

Il est mort en janvier 1870 à Rome.

   

Dragon pontifical
Photo d'Alessandri (Rome)


Capitaine de Dragon pontifical
Photo Luswergh (Rome)

La colonne française qui nous suivait comme réserve, commandée par le général de brigade baron de Polhes, se composait des :
2e bataillon de chasseurs à pied, commandant Comte.
1er bataillon du 1er régiment de ligne, sous les ordres du colonel Frémont.
1er bataillon du 29e de ligne, sous les ordres du lieutenant-colonel Saussier.
Deux bataillons du 59e de ligne, sous les ordres du colonel Berger.
Un peloton du 7e chasseurs à cheval, commandant WiderspachThor.
Un peloton de dragons pontificaux, commandé par le sous-lieutenant Belli.
Une demi-batterie d'artillerie.

Le total formait un effectif d'environ 2.000 hommes, de sorte que les deux colonnes ensemble s'élevaient au plus à 5.000 hommes.

Nous sortîmes de Rome à quatre heures du matin, par la porte Pie, nous dirigeant au-delà du pont Nomentano, sur la route qui conduit à Mentana. Après avoir passé ce pont, je donnai l'ordre au major de Troussures, officier supérieur très distingué du régiment des Zouaves, de se porter avec trois de ses compagnies sur la Via Salara, le long du Teverone. Il devait s'avancer avec précaution et opérer de ce côté une diversion fort utile pour attirer l'ennemi, tandis que j'aurais l'attaque du côté opposé.
L'avant-garde de la colonne principale, précédée d'un peloton de dragons sous les ordres du lieutenant de la Rochette, comprenait trois compagnies de Zouaves sous le commandement du major de Lambilly, et une section d'artillerie sous les ordres du lieutenant Cheynet.

Commandant de Troussures
Il est Tué à Loigny le 2/12/1870

L'ennemi que nous allions attaquer avait pris position militairement. Il attendait une attaque, et loin de se disposer à battre en retraite, il préparait un mouvement de concentration sur Tivoli. Prévenu par ses éclaireurs de la marche de nos colonnes, il se mit en mesure de nous tenir tête. Les barricades élevées tant à Mentana qu'à Monte Rotondo et ses postes avancés prouvèrent évidemment qu'il s'était retranché dans des positions assez fortes pour nous attendre et nous résister.
A midi trois quarts environ, et à quatre kilomètres de Mentana, l'avant-garde rencontrait les premiers postes garibaldiens établis dans des positions très favorables sur les hauteurs qui commandaient la route que nous suivions. Nos Zouaves, sans hésiter, se jetèrent sur cette première ligne ennemie, et successivement tout le régiment de cette arme se trouva sérieusement engagé. .

Dans cette première rencontre, le feu ne fut pas très parce que l'ennemi, brusquement attaqué à la baïonnette, fut refoulé de ces hauteurs sur d'autres peu éloignées. Dès le début, le capitaine de Veaux, frappé d'une balle au coeur, tombait glorieusement à la tête de sa compagnie. Cette attaque imprévue fut soutenue par le bataillon des carabiniers étrangers, dont une compagnie prit la gauche de la route, tandis que les autres étaient lancés sur la droite. En même temps, deux compagnies de la Légion, placées dans un bois voisin, par un feu habilement dirigé, repoussaient les Garibaldiens qui entretenaient une fusillade très nourrie contre le flanc gauche de notre colonne. L'ennemi, délogé de ses premières positions, se repliait en désordre et allait se reformer à couvert, en masses importantes, dans l'enceinte murée de la Vigna Santucci. Ce point important fut encore enlevé rapidement par les Zouaves qui, avec un élan irrésistible, prirent d'assaut l'enceinte et les bâtiments de cette vigne. Le lieutenant-colonel de Charette conduisait de sa personne les Zouaves à l'attaque, et son cheval reçut trois coups de feu. Le colonel Allet, durant toute l'action, s'efforçait de maintenir compacts les rangs de ses soldats emportés par leur ardeur.

Capitaine de Veaux
"De Veaux jette sa compagnie dans l’enceinte crénelée de la
vigna Santucci et tombe, frappé à mort d’une balle au coeur
"


Lieutenant Colone de Charette
commandant en second des Zouaves pontificaux


Colonel Allet
Commandant des Zouaves pontificaux

Dès le commencement, l'action avait été appuyée par le feu d'une pièce d'artillerie mise en batterie sur une hauteur, à gauche de la route. Les coups étaient dirigés sur le gros des ennemis qui se reformaient à la Vigna Santucci. Le feu de cette pièce ne cessa qu'au moment où les progrès rapides de notre infanterie en rendirent l'usage dangereux pour nos troupes. Toute la colonne arriva à la hauteur de la Vigna Santucci. Dans ce moment, sur un mamelon à la gauche de la route et à huit cents mètres environ de Mentana, on plaça un obusier. Bientôt après, deux pièces rayées de l'artillerie française s'y adjoignirent. Elles étaient appuyées par deux compagnies de chasseurs à pied. Cette artillerie battait le château de Mentana et contre-battait l'artillerie ennemie. Presque en même temps, une autre pièce d'artillerie pontificale était mise en batterie sur la route, à cinq cents mètres de Mentana. Jugeant ainsi que la Vigna Santucci présentait une position avantageuse pour placer du canon, j'y fis avancer la troisième section de la batterie Polani, qui, avec le plus grand succès, croisa ses feux avec ceux des pièces françaises situées à peu de distance du mamelon de gauche.

Cependant notre infanterie, avec une vigueur toujours croissante, s'avançait vers Mentana, cherchant à gagner du terrain, tant sur la droite que sur la gauche de cette formidable position ; mais l'ennemi, s'apercevant du mouvement, déploya deux fortes colonnes pour nous prendre de flanc des deux côtés à la fois. Sa manœuvre réussit surtout sur notre droite ; le bataillon des carabiniers, qui s'était élancé fort en avant dans une plantation d'oliviers, à très petite distance des habitations, se trouva bientôt entre deux feux, et, malgré des pertes sensibles, il ne céda pas un pouce du terrain conquis. Le brave colonel de Courten, bien que retiré du service depuis plusieurs années, suivait ce corps comme volontaire, et voulut partager à pied, comme simple soldat, les fatigues de la campagne. Le bataillon paya cher la solidité dont il fit preuve dans cette attaque. Il eut, proportionnellement aux autres corps, un plus grand nombre d'hommes mis hors de combat. Parmi ceux-ci, le commandant de Castella, à la tête de quelques compagnies, eut son cheval tué sous lui et fut lui-même blessé.

Un peloton de dragons commandé par le lieutenant de la Rochette, à la suite d'une colonne de trois compagnies de la Légion, sous les ordres du major Cirlot, prit part à l'action. Cette colonne avait été envoyée par le général de Courten pour tourner Mentana par la droite, afin de couper à l'ennemi sa communication avec Monte Rotondo; mais les nombreuses difficultés du terrain empêchèrent la cavalerie de concourir avec la rapidité voulue au but proposé.

Il était déjà trois heures et demie, notre réserve était presque épuisée ; car l'intrépide colonel d'Argy de la légion romaine, chargé de soutenir notre centre, n'avait plus à sa disposition qu'une force minime. Je fis demander à M. le général de Polhes de nous appuyer. Les soldats français, qui jusqu'à ce moment avaient assisté impatiemment à nos progrès, s'élancèrent avec leur valeur habituelle sur les lignes ennemies qui cherchaient à nous envelopper. Le colonel Frémont, du 1er de ligne, avec son bataillon, et appuyé par trois compagnies de chasseurs à pied, non seulement arrêta la colonne ennemie, mais, arrivé sur l'extrême gauche des Garibaldiens, il ouvrit contre eux un feu si vif et si meurtrier qu'il les contraignit à prendre précipitamment la fuite. Ce colonel eut de plus la hardiesse de se porter jusque derrière Mentana même, à peu de distance de Monte Rotondo, et il y serait peut-être entré avec sa colonne avant les Garibaldiens, s'il ne se fut trouvé trop isolé du reste de nos forces.
Le lieutenant-colonel Saussier, du 29e de ligne, exécutait, lui aussi, un mouvement analogue sur notre gauche. Ayant rencontré une colonne ennemie d'environ 1.500 hommes qui occupait les hauteurs de Monte Rotondo, il prit, malgré l'infériorité de ses forces, une position avantageuse qui lui permit de la contenir d'abord et ensuite de la repousser. Le détachement commandé par le major de Troussures arriva fort à propos sur ce point. Cet officier avait longé le Tibre, et, par de très habiles mouvements exécutés avec les trois seules compagnies de Zouaves dont il disposait, il contribua puissamment à intimider les Garibaldiens et à paralyser leur attaque sur notre droite. Plus tard, il établit ses compagnies sur la route, entre Monte Rotondo et Mentana, et pénétra même dans le village, où il fit plusieurs prisonniers. Ayant rencontré cependant une vigoureuse résistance, et sachant Monte Rotondo encore occupé par des bandes, il traversa avec autant de bonheur que de hardiesse la ligne ennemie, et se porta sur notre extrême droite, auprès du bataillon du 1er de ligne, où le soir il établit ses bivouacs.

Sur ces entrefaites, une section d'artillerie, commandée par le capitaine Daudier, s'établissait à trois cents mètres des murs du château de Mentana, et ouvrait un feu qui, à cette distance, eût été très efficace; mais ces pièces, trop exposées à la mousqueterie ennemie, coururent grand risque de ne pouvoir opérer leur retraite. Bravement soutenue pourtant par une compagnie de Zouaves, la position fut conservée quelque temps, tout en éprouvant des pertes sérieuses. Le maréchal des logis comte Bernardini y fut tué ; deux conducteurs et plusieurs chevaux y furent blessés. Cette section fut néanmoins dégagée et prit une position plus avantageuse.

L'infanterie, qui depuis plusieurs heures, avait soutenu et repoussé avec un indicible élan les efforts réunis de l'ennemi, s'était peu à peu massée autour de Mentana, qui maintenant était fermée dans un cercle de fer dont les défenseurs, abrités derrière les murailles, continuaient sur nous un feu très vif. Je jugeai donc le moment venu de donner un assaut décisif pour mettre fin au combat avant la venue de la nuit. Je donnai alors les ordres en conséquence, et fis prévenir M. le général de Polhes, qui, avec le colonel Berger, voulut lui-même marcher vaillamment à la tête du 59e de ligne et du 2e bataillon de chasseurs à pied. Cette colonne s'avançait dans un chemin encaissé à droite de la grande route jusqu'à une très petite distance des murs de Mentana. Elle réussit à chasser l'ennemi des vignes environnantes qu'il occupait encore ; mais, malgré les plus héroïques efforts, elle ne put pénétrer dans le village, flanqué de plusieurs maisons isolées, toutes fortement munies de barricades occupées par les ennemis.

Général de Pohles
commandant la brigade française engagée à Mentana


Colonel Berger
59e régiment d'infanterie
Ici général en 1870

Le but principal du combat de la journée me semblait atteint ; car l'ennemi, culbuté dans toutes les positions, après des pertes considérables, s'était enfermé dans Mentana, où il devait nécessairement être en proie à la plus grande démoralisation. Je résolus donc, vu l'approche de la nuit, de remettre au lendemain matin une nouvelle attaque. Je pris cette détermination avec d'autant plus de confiance qu'il était évident pour moi que les Garibaldiens, n'ayant pas de retraite libre, devaient se rendre plutôt que d'affronter un assaut qui ne pouvait que leur faire subir un échec beaucoup plus sérieux. En conséquence, je ralliai mes troupes qui se trouvaient mêlées au corps français dans les différentes positions enlevées à l'ennemi, et après avoir pris les mesures de sûreté nécessaires, je fis établir les bivouacs pour la nuit sur le terrain même occupé précédemment par les Garibaldiens. J'installai, en outre, de forts avant-postes autour de Mentana, pour avoir la certitude que l'ennemi ne pût profiter de l'obscurité pour opérer une retraite.

La nuit se passa sans incident remarquable. Les événements du lendemain prouvèrent pleinement la justesse de mes prévisions. En effet, le 4 au matin, on amenait au quartier général un parlementaire qui proposait la reddition de Mentana, demandant que les ennemis pussent se retirer avec armes et bagages. Ces conditions furent naturellement refusées. Cependant, le commandant Fauchon, du 29e de ligne, avançait dans le village de Mentana en faisant un grand nombre de prisonniers. Comme cette foule de Garibaldiens, jointe aux nombreuses captures opérées dans les engagements précédents, nous causait un grand embarras, on consentit à donner aux défenseurs restés dans le château de Mentana la faculté de se retirer au-delà de la frontière en abandonnant leurs armes. Sur la nouvelle que les Garibaldiens avaient évacué Monte Rotondo pendant la nuit, le colonel Frémont, avec un bataillon du 1er de ligne et suivi du 2e chasseurs à pied, y entra dans la matinée sans coup férir, acclamé par la population, aux cris de : Vive le Saint-Père ! et Vive l'empereur des Français !

Ce fut un douloureux spectacle pour nos troupes que l'aspect de la ville de Monte Rotondo, les églises dépouillées et profanées, les habitants remplis de terreur par les violences et les exactions dont ils avaient été victimes. Les troupes alliées furent donc accueillies comme des libérateurs et avec les plus vives acclamations. " Garibaldi, qui, avec ses fils, assistait au combat de Mentana, ne se montra jamais au premier rang, et lorsqu'il vit les siens ployer en désordre sur tous les points devant la valeur de nos soldats, il se hâta de se mettre en sûreté à Monte Rotondo, selon les informations qui nous sont parvenues. De là, le soir même, il repassa la frontière, changeant ainsi son cri de guerre impie : Rome ou la mort! en celui de : Sauve qui peut !"
Du reste il faut convenir que les mouvements de l'ennemi ont été bien dirigés et que, confiants dans leur supériorité numérique et dans l'avantage de leurs positions, les Garibaldiens se sont défendus courageusement sur plusieurs points, et surtout derrière les murs et les barricades. .

Nos pertes se montent :
Colonne de Courten.

Régiment des Zouaves : 24 morts, 57 blessés y compris le capitaine de Veaux, tué; le lieutenant Jacquemont et le sous-lieutenant Dujardin, blessés.
Légion romaine : 6 blessés ; carabiniers étrangers : 5 morts, 37 blessés. Parmi ces derniers, le major de Castella et le sous lieutenant de Deworsheck.
Artillerie : 1 mort, 2 blessés; dragons : 1 blessé. " Total : 30 morts et 103 blessés.

Colonne de Polhes
2e bataillon de chasseurs à pied : 6 blessés;
1er régiment de ligne : 2 blessés;
29e de ligne : 5 blessés;
59e de ligne : 2 morts, 22 blessés, 1 disparu. Parmi les blessés, le capitaine Marambat et le lieutenant Blanc.
Chasseurs à cheval : 1 blessé.
Total : 2 morts, 1 disparu et 36 blessés.

Lieutenant Echemann
Légion d'Antibes
Blessé d'une balle à l'épaule gauche

D'après les renseignements recueillis auprès des prisonniers et des habitants de Mentana, et à en juger par les milliers d'armes trouvées, tant dans cette localité qu'à Monte Rotondo, le nombre des Garibaldiens devait se monter à 9.000 environ. Un millier des leurs est resté tué ou blessé sur le champ de bataille ; 1.398 ont été faits prisonniers ; plusieurs centaines ont été escortés jusqu'à la frontière, et le reste a pris la fuite jetant et brisant pour la plupart leurs armes et laissant un canon. Le résultat de la victoire a donc été aussi complet qu'on pouvait le désirer.
L'humanité de l'armée ne l'a cédé en rien à son courage. Les troupes de toutes armes, bien qu'exténuées par la fatigue de la route, et par quatre heures consécutives de combat, se mirent le soir même à la recherche des blessés, et reprirent le lendemain le même service, transportant aux ambulances, avec les plus grands soins, aussi bien les Garibaldiens que leurs compagnons d'armes. Tous ces malheureux ont reçu la même assistance et les mêmes traitements, non seulement de la part des chirurgiens militaires et des infirmiers attachés à l'ambulance, mais encore de la part de l'héroïque et charitable Mme Catherine Stone, de trois Seurs de Saint-Vincent de Paul et de MM. Ozanam, docteur, le vicomte Charles de SaintPriest, Vrignault, Benoît d'Azy et de Luppé, qui s'étaient, dans ce but de dévouement, rendus pendant l'action même sur le champ de bataille.

Je remplis un devoir de reconnaissance en signalant à votre Sainteté le concours cordial et expérimenté, ainsi que le courage de M. le général de Polhes, et qu'il me soit permis d'ajouter le nom du colonel Frémont, comme s'étant particulièrement distingué par sa hardiesse et la justesse de son coup d'oeil militaire. Je dois citer encore dans la colonne française, le colonel Berger du 59e de ligne, et le lieutenant-colonel du 29e, qui ont pris part, le premier à l'attaque de droite et le second à celle de gauche.
Dans les troupes pontificales, le général de Courten, et son état major, composé de MM. le capitaine Eugène de Maistre, le capitaine Pietramellara, le sous-lieutenant de Terves. Les chefs de corps, les officiers et les soldats ont tous bravement fait leur devoir, et il serait trop long d'énumérer les actes isolés de courage de chacun d'eux.
Je ne puis cependant passer sous silence les noms de ceux qui, enflammés du noble désir de combattre pour la cause sacrée de Votre Sainteté, se sont adjoints comme volontaires à la colonne d'opérations. Je dois donc citer en première ligne S. A. R. le comte de Caserte. Dès le commencement de l'invasion des Etats de Votre Sainteté, ce prince s'était mis à ma disposition, demandant à être place aux points les plus périlleux. Dans l'expédition de Mentana, Son Altesse s'est acquis l'admiration de nos troupes par sa bravoure, son sang-froid et les preuves qu'elle a données de ses connaissances militaires. Les colonels Afan de Rivera et Ussani se sont montrés dignes de suivre leur noble prince.
Le colonel de Sonnenberg, commandant la garde suisse de Votre Sainteté, faisait partie de mon état-major; il a rendu d'utiles services en remplissant les simples fonctions d'officier d'ordonnance.
Les lieutenants - colonels Caimi, de l'artillerie, et Lepri, des dragons, ont suivi aussi la colonne, bien que les petites fractions de leurs corps qui en faisaient partie n'exigeassent pas leur présence, et, certes, ces officiers n'ont pas démenti en cette circonstance la glorieuse réputation qu'ils s'étaient acquise dans la campagne de 1860.
Le lieutenant-colonel Carpegna, employé au ministère des Armes, a rempli comme volontaire, auprès de la colonne, les fonctions d'officier d'état-major.
Je dois enfin signaler le courage, l'activité et les bons services de mes officiers d'état-major : Le chef d'escadron Ungarelli, mon aide de camp,, le capitaine François de Maistre, le capitaine de Bourbon-Chalus, et le capitaine de Maumigny.
Je ne puis manquer de féliciter M. le sous-intendant Monari de son infatigable activité et de sa prévoyance à pourvoir la colonne de ressources précieuses.
Je suis heureux de pouvoir conclure le présent rapport par l'assurance que les troupes pontificales, qui se sont montrées pendant toute cette campagne à la hauteur de la noble mission qui leur était confiée, s'empresseront de reprendre les armes avec une nouvelle ardeur, chaque fois que les ennemis du Saint-Siège les appelleront à de nouveaux combats.

J'implore, en finissant, pour la petite armée de Votre Sainteté, pour les troupes nos alliées et pour moi-même, votre bénédiction apostolique.

Je suis, Très Saint Père, de Votre Sainteté, le très humble, très fidèle et très obéissant serviteur et sujet,

 


1/ Historiques des unités françaises engagées à Mentana.

Historique du 29e régiment d'infanterie

A onze heures et demie du matin, les pontificaux qui formaient la tête de la colonne, s'engagèrent avec l'ennemi qui occupait de fortes positions à droite et à gauche de la route, en avant de Mentana. La fusillade devenant de plus en plus vive et le combat très sérieux, le général de Polhès fit immédiatement appuyer l'attaque par des troupes françaises.
Le 1er de ligne reçut l'ordre de se lancer en avant avec un demi-bataillon de chasseurs et de dessiner son mouvement sur la droite du village, en refoulant l'ennemi qu'il pourrait rencontrer. Le 29e eut la mission d'exécuter le même mouvement sur les positions de gauche de Mentana, tandis que les troupes romaines, soutenues par le 59e, allaient faire directement effort sur le village.
A peine engagé sur les positions boisées qui servent de ceinture à Mentana, le 1er bataillon du 29e y trouva l'ennemi qui cherchait à reformer ses colonnes refoulées de la route par les zouaves pontificaux. Dispersé de nouveau, l'ennemi dut battre en retraite de colline en colline en cherchant à se rapprocher du village de Mentana que les siens défendaient avec le plus grand acharnement.
De forts détachements garnissaient les hauteurs qui dominent le bourg au nord-ouest ; il était possible de paralyser leur action et d'empêcher leur concentration par le choix d'une bonne position. Celle que prit le 29e menaçait le flanc droit des volontaires et leur faisait craindre une attaque sur cette face de Mentana, il était donc important que le bataillon s'y maintînt. Bien disposés par leurs officiers, les soldats ouvrent le feu sur les tirailleurs ennemis ainsi que sur les défenseurs du village. Un double résultat fut alors obtenu, celui d'empêcher jusqu'à la nuit le ralliement des fuyards, et celui également de contenir l'aile droite des Garibaldiens et de tourner en même temps Mentana, centre de la résistance.
En réalité, le bataillon du 29e, très bien dirigé par le lieutenant-colonel Saussier, contribua dans une large part au succès de la journée et n'avait perdu que six hommes hors de combat.


Lieutenant Colonel Saussier
29e régiment d'infanterie
Futur généralissime de l'armées française (de1889 à 1897)


Lieutenant Briu (ici Capitaine après 1870)
29e régiment d'infanterie

Historique du 2e bataillon de chasseurs

Bataille de Mentana. -- La petite armée est placée sous les ordres du général pontifical Kanzler ; elle est partagée en deux brigades : la première, commandée par le général de Courten, comprend toutes les troupes pontificales; la deuxième est composée de 5 bataillons français ayant en tête le 2e bataillon de chasseurs. Le général baron de Polhès en a le commandement. On quitte Rome à 4 heures du matin; vers midi, les premiers coups de feu sc font entendre sur les devants de l'armée; d'abord isolés, ils deviennent bientôt nourris comme un vrai roulement. Notre tête de colonne vient de se heurter contre l'avant-garde garibaldienne en marche sur Tivoli. Cette rencontre presque fortuite oblige nos adversaires à occuper en toute hâte les positions qui couvrent le village de Mentana, mais ils ne peuvent tenir contre l'attaque vigoureuse des zouaves pontificaux qui nous ouvrent le passage. Nos troupes se trouvent alors en face de Mentana.
Mentana est un vieux château fort moyen âge, grand à lui seul comme un bourg; une de ces forteresses comme on n'en voit plus qu'ici. Accrochée au flanc d'une montagne à pic qu'elle couronne, elle défend merveilleusement le défilé que la route traverse à ses pieds. Nous en étions à 600 ou 700 mètres, séparés par un ravin profond'. "
Il faut faire donner l'artilleric. Les trois premières compagnies du bataillon (capitaines de Garilhe, Morin et Amiot) sont envoyées pour la soutenir. Pendant que nos pièces battent en brèche le château, les troupes pontificales, continuant leur marche en avant, engagent une vive fusillade avec les Garibaldiens.
Ceux-ci occupent une série de mamelons en avant du village. La 5e compagnie est envoyée pour soutenir la ligne des tirailleurs et l'entraîner vigoureusement au moment de l'assaut. En même temps, les 4° et 6° compagnies (capitaines Cornu et Bouvier d'Acher) paraissent sur la droite de la ligne de bataille. " Elles se déploient ", dit un témoin oculaire, " dans une manœuvre rapide et précise comme au Champ de Mars. " Dès lors la fusillade cesse, la charge sonne, toute la ligne fond au pas de course sur les Garibaldiens, qui s'enfuient de toutes parts et se réfugient dans Montana.
Nous sommes maîtres de toutes les positions eu avant du village. Mentana seul tient encore contre nous.
La 3e compagnie, jusqu'alors attachée à l'artillerie, est appelée à son tour par le général de Polhès; elle est adjointe à un bataillon du 59e de ligne avec lequel elle marche sur le village.
La défense est vigoureuse et opiniâtre. Nos hommes se fraient un passage au travers des haies et des jardins ; ils parviennent à pénétrer dans l'enceinte habitée. A leur vue, l'ennemi se débande et prend la fuite sur la route de Monte-Rotondo, où les poursuit le feu des chassepots, qui leur cause des pertes sanglantes. Ceux qui n'ont pu s'enfuir sont acculés dans l'église, où ils tombent entre nos mains après une défense désespérée.
La nuit vient mettre fin à cette brillante affaire où 600 Garibaldiens ont été pris ou tués. De notre côté, les zouaves ont été sérieusement éprouvés ; mais le bataillon ne compte qu'un petit nombre de blessés ainsi répartis : 2 à la 5compagnic, le caporal Murat et le chasseur Guillemin; 1 à la 4e compagnie, le chasseur Chanu ; 2 à la 3e, les chasseurs Charrondièrc et Ramond ; enfin le caporal-clairon Finck qui, frappé de deux balles, ne cesse de combattre que lorsque ses forces l'abandonnent. Le bataillon a été superbe d'entrain et d'énergie. Le commandant et tous les officiers ont rivalisé de zèle. Dans la troupe, citons : le vieux sergent Béhuc; les sergents-majors Boutray et Gry ; le sergent Grandmangin, qui a eu deux carabines brisées dans les mains ; le caporal Trousseau, les chasseurs Bordes, Philippe, Favier, Boulière, Gendron. La 4o compagnie (capitaine Cornu) mérite une mention spéciale : le caporal Vignod, les chasseurs Chaume, Stielle, Laurens, Vollot, Depalle, Pallant, Lanthemam et le clairon Prévost, courant en avant des autres, se sont emparés pendant l'assaut d'une pièce de canon défendue par les artilleurs ennemis et dont l'attelage avait été enlevé quelques jours auparavant à la légion d'Antibes. Dans la soirée, le bataillon s'installe au bivouac à la Vigna-Santucci.

Commandant Comte
2e bataillon de chasseurs
Cité pour sa participation lors de la journée

Sous Lieutenant Armbruster
2e bataillon de chasseurs
Nommé Lieutenant en janvier 1868

Historique du 12e régiment d'artillerie - 9e batterie

La 9. batterie, sous les ordres de : MM. Rabatel, capitaine commandant; Lepage, capitaine en 2°; Ploix, lieutenant en 1er, est embarquée à Toulon, le 20 octobre, sur le Canada et débarquée le 21 au soir, sans avoir quitté le port. Elle est complétée par l'envoi du lieutenant en 2nd Moreau, détaché à l'école de Saumur, et par un détachement de 60 hommes et 74 chevaux provenant du régiment.
La 9e batterie s'embarque de nouveau, le 25 au soir, sur le Labrador et le Canada, à l'effectif de : 4 officiers, 135 hommes et 109 chevaux; elle laissa à Toulon 1 maréchal des logis, 35 hommes et 60 chevaux, attendant de nouveaux ordres d'embarquement qui n'ont jamais été envoyés. Elle débarque à CivitaVecchia le 30 au matin et part le 2 novembre pour Rome, où elle arrive le jour même. La ge batterie est attachée à la 1re division du corps expéditionnaire.
La 1re demi-batterie prend seule part aux engagements qui eurent lieu entre les troupes alliées et celles de Garibaldi. Cette demi-batterie, sous les ordres du lieutenant en 1e Ploix, est désignée pour faire partie de la colonne commandée par le général de brigade de Polhès. Partie du fort Saint-Ange, à Rome, le 3 novembre à 2 heures et demie du matin, elle rejoint à 4 heures et demie, au camp de Makao, les autres troupes du général de Polhès. Le même jour, elle prend part au combat de Mentana.
Dans l'ordre de marche, les 3 pièces avec leurs caissons sont placées derrière le bataillon de chasseurs, la réserve, composée des autres caissons d'artillerie et d'infanterie, marche avec les bagages de la colonne d'infanterie sous les ordres d'un maréchal des logis.
Lorsque la colonne arriva devant Mentana, en chassant, de position en position, les troupes ennemies, la 1re pièce reçut l'ordre de se mettre en batterie sur un monticule, à gauche de la route et à 800 mètres environ de Mentana, d'où l'on découvrait toute la partie sud-ouest du village et deux coteaux situés de chaque côté. Des bandes ennemies se voyaient sur le coteau de gauche et deux pièces faisaient un feu assez lent sur celui de droite ; enfin des coups de feu partaient de toutes les maisons du village. La 1ere pièce dirigea d'abord son feu sur les maisons d'où partait le feu le plus vif. Dès le premier coup, la toiture de l'une d'elles était atteinte et tous les coups suivants parurent produire un bon effet. Après une trentaine de coups, le feu de la partie de Mentana que l'on voyait, se ralentit, puis cessa peu après. Alors, les projectiles de la pièce furent dirigés sur les deux canons ennemis qui se trouvaient sur le coteau de droite et, après une cinquantaine de coups, l'ennemi céda le terrain emmenant ses deux pièces avec lui.
A ce moment, le lieutenant Ploix reçut l'ordre de battre un chemin creux, vers la droite de Mentana, d'où arrivait un feu très vif à travers des broussailles et des vignes. La 2e pièce fut amenée à l'entrée du chemin, à environ 100 mètres des maisons, et tira sur la seule habitation où se trouvait encore l'ennemi. Après trois coups bien pointés par le canonnier Angelier, au milieu d'une fusillade très nourrie, le feu de l'ennemi cessa brusquement.
Pendant ce temps, la 3e pièce, en batterie sur la grande route, tirait trois coups sur Mentana.
La consommation des munitions fut de 91 obus. Quoique engagée seule pendant le combat, la demi batterie n'eut ni un homme, ni un cheval touchés.
Le lieutenant Ploix fut proposé pour la croix de la Légion d'honneur, ainsi que le maréchal des logis Coquillon (déjà médaillé en 1861), et les canonniers Dusseau, Angelier et Aubin furent proposés pour la médaille militaire, en récompense de leur belle conduite pendant le combat de Mentana.

Lieutenant Ploix
12 régiment d'artillerie
Commande la demi batterie, seule pièce française engagée
proposé pour la croix de la Légion d'Honneur
Ici Général en 1898

D'autres protagonistes français de la bataille du 59e régiment d'infanterie

Lieutenant Faure
Ici commandant vers 1885

Sergent Galli
Nommé officier en septembre 1870


Capitaine Letouze de Longuemar


Capitaine Brusley

 

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