Le siège de Zaatcha
Octobre / novembre 1849
La
prise de Zaatcha - J Bauce - 1855 - RMN
1/ Origine de l'expédition
Les nouvelles de la
révolution de 1848 en France suscitent en Algérie des troubles renouvelés,
notamment dans la région récemment occupée de Biskra, au sud de la province de
Constantine. C’est dans le Ksar de Zaatcha à une trentaine de kilometres de
Biskra que se cristallise cette révolte, commandée par le Cheick
Bouziane.
En juillet 1849, une
première colonne de 2000 hommes du colonel Carbuccia (légion et bataillon
d’Afrique) tente de pacifier l’oasis. Un assaut infructueux le 16 juillet se
heurte à la défense de la place et les Français doivent se retirer, emportant 32
tués et 115 blessés.
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Une colonne expéditionnaire est alors mise sur pied, sous le commandement du général Herbillon, commandant la province de Constantine. Elle ne peut cependant mobiliser qu’un nombre réduit de troupes (4500 hommes : le 43e régiment d'infanterie, 2 bataillons de la légion, 400 zouaves du 1er régiment, le 5e bataillon de chasseurs, le 3e bataillon d’Afrique, le bataillon de tirailleurs indigènes de la province de Constantine et des éléments d'artillerie et du génie).
Emile Herbillon Né le 23/3/1794 à Chalons sur Marne. Il commence sa carrière
militaire sous l'Empire et sert durant la campagne de France de 1814,
puis à Waterloo où il est blessé d'une balle morte à l'épaule. Officier supérieur, il combat en Algérie entre 1838 et 1846
et s'y illustre dans de nombreuses affaires. Général
de brigade en 1846, il prend le commandement de la division de
Constantine et commande les troupes durant la repression et le siège de
Zaatcha, dont le résultat lui vaut une certaine disgrâce. L'avènement de l'Empire relance sa carrière. Nommé Général de division en 1851 après la repression des
mouvements populaires contre le coup d'Etat, il sert ensuite en Orient et
gagne la bataille de Tratkir contre les Russes. Grand Croix de la légion d'Honneur, Sénateur, il cesse le
service actif en 1865 et meurt un an plus tard.
La colonne se constitue à Biskra et atteint l’oasis le 7/10/1849.
Zaatcha est un village
fortifié (Ksar), protégé par un fossé large et profond, situé au milieu d’une
dense oasis de palmiers, entrecoupée de nombreux murets, de fourrés d’arbres et
de jardins formant un dédale inextricable. Trop faible pour encercler la place,
Herbillon décide de prendre la Zaouïa – petit regroupement de masures situés à
quelque centaines de mètres du ksar, pour en faire une position de départ.
Le village et les tranchées creusées
par l'armée françaises
Tiré de l'ouvrage Relation du siège de
Zaatcha du général Herbillon
2/
La prise de la Zaouïa et les premiers combats
Le 7/10/1849, le 5e bataillon de chasseurs et le 3e bataillon d’Afrique sont lancés sur la position du Zaouïa qu’il conquièrent, mais la troupe enhardie, poursuit les Arabes dans la palmeraie et, assaillie par une nuée d’ennemis invisibles, doit reculer en désordre, perdant 25 tués et 67 blessés.
Louis Duplessis Né le 31/5/1815. Saint Cyrien, il a servi toute sa carrière en Algérie.
A Zaatcha, il est Capitaine, adjudant major du
5e bataillon de chasseurs. Le 7 octobre, il commande deux compagnies du bataillon qui
prennent la position de la Zaouïa. Après Zaatcha, il est promu Chef de
Bataillon. Il poursuit alors une carrière brillant, en Crimée, en
Italie et en 1870 où il est blessé à la bataille de Borny. Il meurt d'une chute de cheval en 1878. Sa carrière est décrite sur une page spéciale.
"Malheureusement, les chasseurs
qui avaient dépassé le village, encouragés par ce succès facile et
entraînés par un brillant officier, d'un courage à tout oser, leur
capitaine adjudant-major Duplessis, se jetèrent dans les
jardins à la poursuite des Arabes. Aucun obstacle ne les arrêtait ; les
premiers murs furent franchis bravement, mais chaque palmier, chaque
pierre, cachait un ennemi redoutable, et ce n'était pas sans beaucoup de
sang versé que l'on pouvait s'avancer dans ce labyrinthe. Bientôt les
défenseurs de la ville vinrent se mêler aux Arabes qui se
retiraient, et nos chasseurs que leur audace avait isolés, furent
contraints à une retraite plus périlleuse encore que ne l'avait été
l'attaque. On vit dans la lutte les femmes de Zaatcha se mêler aux
combattants et les exciter par des crix affreux. Plusieurs tenaient à
la main des yatagans dont elles se servaient pour achever nos
malheureux blessés que la vivacité des combats ne permettait pas
d'enlever." (Le siège de Zaatcha - Bocher - Le revue des deux
mondes).
Echaudé par ce revers sanglant, et conscient que pour une fois les Arabes résisteront sur place et sont prêts au siège, Herbillon décide de faire édifier une série de tranchées pour s’approcher de la position. Une première batterie est mise en place le 8 octobre, mais son bombardement reste sans effet sur les murs extérieurs du Ksar, comme en témoigne une reconnaissance du bataillon des tirailleurs indigènes, conduite par le commandant Bourbaki, et qui perd une cinquantaine d’hommes dans son approche de la place.
Le général Bourbaki, héros
de la conquête de l'Algérie et du Second Empire. Ici général de division, gouverneur militaire de Lyon dans les
premières années de la troisième république.
Débute alors une période de deux semaines de construction patiente et pénibles de tranchées et de batteries, sous le commandement des officiers du génie. La progression est lente et difficile, sous le feu d’un ennemi audacieux et invisible qui cause de nombreuses pertes dans une série de coups de mains de nuit comme de jour.
Le 9 octobre le colonel du génie Petit, chargé
de la direction du siège, fut blessé mortellement au moment où il venait
reconnaître l'emplacement d'une nouvelle batterie. Il était accompagné du
capitaine Cambriels (5e bataillon de chasseurs) et de M.
Séroka, l'officier adjoint au bureau arabe de
Biskra.
La même balle qui frappa M.Petit traversa le
col de M Séroka et lui fit une grave blessure.
Dans la journée on
désarticula le bras du maljeureux colonel Petit dont le moral ne faiblit
pas un instant. Il continua jusqu'à ses derniers moments à diriger de
sa tente, où il était mourant, les travaux du siège, se faisant rendre
compte de tout ce qu'il se passait et attendant, sans la craindre, cette
mort glorieuse qui couronne si noblement la vie d'un soldat (Le Siège
de Zaatcha - Bocher - revue des deux mondes).
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Le système de tranchés se développe cependant et entoure progressivement les faces nord (attaques de droite), est (attaques du centre) et sud (attaques de gauche) du Ksar fortifié. Les troupes de l’artillerie et du génie s’y distinguent régulièrement et deux brêches sont pratiquées sur les fortifications.
Jean Baptiste Gustave Marchais de
Laberge Né le 23/9/1817 à Paris, Gustave Marchais de Laberge est nommé Lieutenant au 3e régiment du génie après avoir fait
l'école polytechnique et l'école d'application de Metz. Promu Capitaine le 12/7/1848, il rejoint
l'Algérie où il participe à l'expédition des Zibans et au siège de
Zaatcha. Lors du siège, il prend le commandement des tranchées du siège de
gauche et participe notamment à l'attaque finale. Il est promu chevalier
de la Légion d'Honneur le 2/1/1850. Il servira en Crimée, en Italie et en 1870 en France et finit sa
carrière comme Général de Brigade. Il
est mort le 13/1/1892. Photographié ici en Chef de
bataillon par Huguet Moline (Montpellier)
Jean Baptiste Plombin Né le 25/4/1809 dans les Landes, officier sorti du rang, il a servi
dans les bataillons d'Afrique pendant toute la première partie de sa
carrière. Chef de Bataillon le 23/5/1847 au 43e RI, il
est blessé le 16 octobre lors du siège et est promu officier de la Légion
d'Honneur après la prise de Zaatcha. Il finit sa carrière comme Général de
Brigade.
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Photo Subercaze à Pau
Le 12 octobre, un renfort de 1500 hommes conduit par le colonel de Barral (38e régiment d'infanterie) rejoint l’armée.
3/ L'assaut manqué du 20 octobre et la poursuite du siège
Après avoir reçu l'avis de ses officier, Hebillon commande un assaut pour le 20 octobre. Mais en dépit de l’appui de l’artillerie et du courage des sapeurs et des hommes, elle échoue des deux côtés, les hommes ne parvenant pas à conserver les positions au-delà du fossé et sur les brèches des remparts. L’assaut coûte 45 tués et 145 blessés et surtout entame durablement le moral des français, peu habitués à cette résistance de l’ennemi qui reçoit régulièrement des renforts, la place n’étant pas encerclée.
Le siège se poursuit alors et les tranchées améliorées pour entourer encore plus le Ksar.
Le 25 octobre deux compagnies du 3e bataillon d'Afrique
commandées par le capitaine de Goldberg ont pour mission
d'abattre des palmiers dans l'Oasis. Les Arabes les attaquent avec fureur,
mais ils ne réussisent pas à leur faire perdre un pouce de terrain, mais
leur font éprouver des pertes sérieuses (1 caporal et 3 chasseurs sont
tués, deux officiers et onze chasseurs blessés). Dans la même affaire, le lieutenant Robillard
empêche le chasseur Dorez blessé de tomber aux mains de
l'ennemi.
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Philippe Roustan de Goldberg |
Pierre Charles Robilliard |
Une troisième brèche est pratiquée au nord-ouest du Ksar.
Le corps expéditionnaire reçoit aussi de nouveaux renforts, le 8 novembre sous les ordres du colonel Canrobert (1200 hommes, deux bataillons de zouaves), puis le 15 novembre avec le Colonel de Lourmel (8e bataillon de chasseurs, un bataillon du 8e RI et un bataillon du 51e RI). Hélas ces renforts amènent aussi le cholera qui frappe durement l'armée.
Celle-ci doit aussi lutter contre un ennemi qui assaille ses lignes de communications, protégées par la cavalerie et les troupes de la Légion.
Entre octobre et novembre, la cavalerie (Spahis et chasseurs d'Afrique) sont engagés à plusieurs reprises aux alentours de Zaatcha, comme le 31 octobre à l'oasis de Tolga, et en novembre à Bou Chagroun et sur l'oued M'Lili. |
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Louis Joseph Barabin |
Nicolas Jacques Frantz |
Le 17 novembre, les capitaines de la Légion Bataille et Souville qui ramènent un convoi de blessé à Batna sont attaqués par un parti de 1300 Arabes ; les légionnaires ne sont pas entamés et sauvent leurs camarades, en ne subissant qu'une perte de 2 tués et 7 blessés. A la fin du siège, les deux bataillons ont perdu 85 tués et 175 blessés. Souville et Bataille sont cités. |
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Henry Jules Bataille |
Joseph Souville |
4/ la prise du Ksar
Un nouvel assaut est fixé au 26 novembre au matin, par les
trois brèches, en trois colonnes d’attaques de 800 hommes (conduites par de
Barral, Canrobert et de Lourmel), appuyés par un détachement du génie de 40
sapeurs, pendant que Bourbaki et son bataillon indigène se chargent de
l’investissement des abords ouest de la place.
L’assaut est particulièrement violent, notamment à droite et à gauche.
A 9 heures, les rues, les places et les terrasses sont
occupées par la troupe et les défenseurs, poursuivis à la baïonnette, débusqués
des décombres, se réfugient dans les maisons d’où ils font un feu meurtrier sur
les assaillants. Pour les en déloger, il faut faire le siège de chacune d’entre
elle. Les sapeurs du génie essaient de percer avec la pioche le mur épais et
solide du rez de chaussé, afin de pouvoir y pénétrer ; mais à peine un trou
est-il fait que des canons de fusils en sortent et tuent ceux qui sont en face.
Il est donc difficile de chasser les Arabes de leur retraite surtout du rez de
chaussé, salle vaste et sombre, n’ayant d’entrée qu’une porte fort étroite et
basse ; encore est-elle en partie murée. Cependant il faut en finir avec un
ennemi aussi opiniâtre. C’est alors que l’on sent vivement l’intérêt des sacs de
poudre, que les sapeurs avaient déposés tout préparés à côté des brèches. En un
instant ils sont apportés et mis en œuvre. On entend alors que les détonations
de mine ; on ne voit de tout côté que des maisons qui sautent ou
s’écroulent et ensevelissent les malheureux qui s’y étaient
retirés.
Souvenirs du Colonel Canrobert |
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Un nouvel assaut est décidé. Il y a trois colonnes. Les colonels de Barral et de Lourmel commandent celles de gauche et du centre. Moi, celle de droite. Bourbaki battra la campagne pour empêcher les arabes du dehors de prêter main forte aux assaillants. Il n’y a pas d’illusions à se faire : l’affaire serait chaude et terrible, un grand nombre d’entre nous y resterait. De nos têtes de sape nous étions tout près des brèches. Elles étaient faites de décombres avec des inégalités inouïes, des pans de murailles à moitié éventrés qui menaçaient de s’écrouler, et des trous profonds. Des acrobates ou des coureurs habiles semblaient seuls pouvoir cheminer en pareil labyrinthe ; des caves et des silos que nos boulets et nos bombes avaient fouillés rendaient le sol mouvant. Partout des Arabes fanatisés, décidés à se faire tuer, pourvus de munitions, étaient prêts à nous cribler de coups de fusils à bout portant. J’étais terriblement vieux le jour et le soir qui précédèrent l’assaut. Ceux qui prétendent n’avoir jamais eu la crainte de la mort... je ne les crois pas. Je fis mon testament. Je n’avais guère que mes armes, mes chevaux et mes équipages. Je léguai le tout aux fils du général Marbot ; c’étaient mes amis les plus dévoués et les plus tendres. Puis j’écrivis une longue lettre à l’un deux ; ça n’atténua pas la fatigue de mes yeux car l’ophtalmie gagnée dans les Aurès, aux environs de Batna, me faisait cruellement souffrir ce soir là. Je m’occupai ensuite de la composition de la colonne d’assaut. Je désignai pour marcher avec moi les capitaines Bisson et Toussaint, les lieutenants Dechar et Rosetti ; derrière eux devaient venir 16 zouaves et soldats éprouvés, ils étaient commandés par un sergent du nom de Royer qui est maintenant colonel et commandeur de la légion d’honneur. La colonne d’assaut venait ensuite, composée des zouaves et du 5e bataillon de chasseurs à pied (dont j’avais été le commandant). Au lever du soleil, la colonne se masse dans la tranchée. On se forme selon l’ordre prescrit, tandis que, toutes dispositions prises, chacun attend le signal. Un zouave sort des rangs, sanglotant, pleurant, comme pris d’une attaque : « Je n’ai pas demandé à aller là, j’ai peur ! » Et le voilà gesticulant, courant dans les rangs. Tous autour de lui d’éclater de rire et de la chasser à coups de pied au ... Enfin, le moment est arrivé ! A cet instant, je me souviens de Constantine ; je revois ma vie comme un panorama ; j’ai le sentiment que je vais peut être y rester. Mais, chassant cette idée, je me tourne vers la colonne et je crie : « Zouaves ! si aujourd’hui vous entendez sonner la retraite, rappelez vous que ce n’est pas pour nous ! » puis, tirant mon sabre et jetant au loin le fourreau, ainsi qu’un objet inutile et gênant en cette occasion, je m’élance l’épée haute : « A moi zouaves ! » Nous gravissons le brèche à quatre pattes, trébuchant, tombant, nous cramponnant. Une grande partie des miens est tuée, mais le reste, moi toujours à sa tête, nous débouchons dans la ville. Là, que de ruelles, de maisons en ruines, d’obstacles ! Les coups de fusil partent de partout. Il faut fouiller chaque maison, chaque cave. Nous cheminons ainsi, perdant toujours du monde, mais passant à la baïonnette tout ce que nous rencontrons. De temps en temps, je me retourne, je regarde autour de moi. D’abord je ne vois plus ni Rosetti, ni Toussaint. Puis c’est Dechar qui tombe. Mais toujours à mon côté, le zouave Aubert tient toujours mon fanion tricolore. Je monte sur une terrasse, le fanion y est planté en même temps. Nous arrivons au bout de la ville et nous nous trouvons en présence d’une habitation plus grande, plus solide que les autres. Un feu d’enfer part de chacune des fenêtres. C’est la maison de Bou Zian. En une minute, dix zouaves tombent tués ou blessés. On amène une pièce de canon pour attaquer cette forteresse. Les canonniers sont criblés de balles avant le premier coup de canon. Un sous officier du génie se dévoue pour aller placer un sac à poudre contre la muraille et y mettre le feu. Le mur s’écroule : cinq cent Arabes, les derniers défenseurs de Zaatcha sont là. Les zouaves impatients se précipitent par la brèche béante et toute fumante produite par l’explosion, sorte de trou noir, et tuent tout, malgré la fusillade. Bou Zian est pris le dernier. Sur l’ordre du général Herbillon, on le fusille. On retrouve le cadavre de son fils traversé de deux coups de baïonnettes. C’était un jeune homme d’une rare beauté dont les yeux avaient gardé dans la mort l’expression du désespoir. La ville est prise, tous ses défenseurs sont morts. Combien nous a coûté cette conquête ? les quatre officiers qui m’accompagnaient sont tués ou blessés. Sur les seize zouaves qui me suivaient, douze sont tombés. Je suis sain et sauf. Lorsque nous nous comptons, je me sens pris d’une tristesse intense et je demeure profondément abattu. Mes pauvres camarades, mes amis perdus à jamais ! C’est l’horreur de la guerre. Je vais d’abord à la maison où l’on doit amener les blessés. Je m’assure qu’on fait l’impossible pour les soulager. Puis, épuisé moralement par la perte d’êtres auxquels je m’étais attaché, épuisé physiquement aussi, par tant d’émotions violentes, je rentre dans ma tente où mon ordonnance m’attend. Je trouve préparé mon modeste déjeune ; je comptais le partager avec les quatre officiers, mes compagnons, et je suis seul. J’ai le cœur horriblement serré : je mange à peine ; je me couche à terre où je dors comme du plomb. A mon réveil, je trouve devant ma tente, fixé à la baïonnette d’un fusil, la tête de Bou Zian. A la baguette pend celle de son fils ; à la deuxième capucine est celle de l’un des autres chefs insurgés. Avant de les exposer au camp aux yeux des Arabes, qui pourront constater que leur shérif et ses califes sont morts, les zouaves ont voulu me faire l’hommage de ce sanglant trophée. Je suis écœuré ; je me fâche à la vue de ces dépouilles dignes des barbares : « Que voulez vous ? m’objectent les zouaves ; ils se défendaient : il fallait bien les tuer si nous ne voulions pas qu’ils nous tuent. Je suis obligé de me résigner à cet usage indispensable pour frapper l’esprit des populations toujours disposées à se soulever." |
François Eugène Royer Né le 1/5/1824 à Saint Denis, Royer s'engage aux zouaves en juillet 1843. Il est sergent depuis mars 1847 lorsqu'il se présente avec son régiment devant la place de Zaatcha.
Promu officier en mai 1852, il poursuit une brillante carrière et se signale encore au Mexique lors du siège de Puébla et commande un bataillon de mobile lors du siège de Paris en 1870. Il finit sa carrière comme Lieutenant Colonel, commandant un régiment de la territoriale (ici sur la photo) et reçoit la croix de commandeur de la légion d'Honneur en 1893.
Photo Carette (Lille)
Lors de l'assaut final du Ksar, il commande le détachement de tête de la colonne du général Canrobert. Son action héroïque lui vaut la croix de la légion d'Honneur, avec une citation brillante dans son dossier personnel : "Ce détachement composé de 18 hommes de bonne volonté pris dans tous les régiments du corps d'armée a été anéanti, à l'exception du sergent Royer, du commandnt du 1er Zouaves Lamy et du chasseur Ricard. ces deux derniers furent blessés, l'un à l'épaule, l'autre au côté droit. Ricard est mort deux mois après."
Il
est mort le 2/10/1905.
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Garidel. Sous lieutenant de
Zouaves |
De
Fontanges, capitaine du 38e RI, cité lors de l'assaut
(colonne du centre). |
Marie Hippolyte de
Lartigue |
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Louis Auguste Gaday |
La repression française fut féroce ; les défenseurs du Ksar furent massacrés.
"Une fois les zouaves dans la ville, le combat devint furieux. Il fallut emporter successivement les rues et les maisons d'où partait une fusillade meurtrière. Le premier bataillon par la brèche de droite, était arrivé sur les terrasses par lesquelles il se mit à cheminer. En moins d'une heure, les rues et les terrasses étaient occupées, mais là ne se borna pas la rude tâche des assaillants. Il fallut maison par maison faire en quelque sorte le siège des rez-de-chaussée où s'était retranchés les ennemis poussés à bout. Beaucoup de ces maisons ne purent être enlevées: il fallut les faire sauter avec leurs défenseurs. Ces combats partiels coûtèrent beaucoup de monde, presque autant que l'assaut lui-même. Et, pendant ce temps, la quatrième colonne et la cavalerie eurent. de forts engagements avec les contingents venus du dehors. Le 2 bataillon - commandant de Lavarande avait découvert la maison où se tenait Bou-Zian avec d'autres personnages. La résistance y fut opiniâtre, et les balles pleuvaient sur les assaillants. On essaya d'abord de l'escalader, on amena alors une pièce d'artillerie qui ne put faire grand mal parce que en un clin d'œil les servants furent tous tués ou blessés. Finalement, on parvint à emboiter un sac de poudre dans le mur et à y mettre le feu, après mille difficultés. Un pan de mur s'écroula et découvrit une réunion d'au moins 150 individus sur lesquels les zouaves dans leur exaspération, firent une décharge qui en abattit un grand nombre. Ils s'engouffrent ensuite dans le local et tout y est massacré à la baïonnette, hommes et femmes. Celles-ci, servaient d'auxiliaires aux défenseurs, chargeaient les armes quand elles ne les tiraient pas elles-mêmes: elles étaient toutes armées de couteaux, de yatagans ou de pistolets. On sait d'ailleurs, avec quelle cruauté elles traitent les blessés lorsqu'elles peuvent les atteindre, qu'ils soient morts ou encore en vie.
En ce moment, l'on vit un Arabe, de belle stature, se détacher d'un groupe en levant la crosse de son fusil en l'air et s'appuyant sur l'épaule d'un de ses compagnons, car il portait une blessure à la jambe. Le commandant de Lavarande parvint à faire suspendre un instant le feu pour s'enquérir des demandes que cet individu pouvait avoir à faire : « Vous cherchez Bou-Zian, dit alors celui-ci, ne cherchez pas davantage, c'est moi. » Le commandant fit rendre compte que Bou-Zian était pris et reçut en réponse, l'ordre de le faire fusiller. L'ordre fut exécuté séance tenante et tout ce qui respirait encore dans cette maison fut passé au fil de l'épée.
Aucun habitant ne fut épargné, puisqu'il ne resta à la cessation de la lutte, qu'un aveugle et quelques femmes. L'oasis fut ravagée et le Ksar détruit par la mine. Bou-Zian, ses deux fils et Hadj-Moussa, son autre prétendu fils, sa femme, sa fille qui était, parait-il, d'une grande beauté, furent retrouvés parmi les cadavres : leurs têtes furent coupées, envoyées au camp et exposées sur le front de bandière pour servir d'avertissement à ceux qui auraient pu avoir l'intention d'imiter la révolte qui venait d'être si cruellement châtiée. Cette extermination se poursuivit pendant deux heures: les terrasses, les caves, les cours des maisons devinrent autant de petits champs de bataille particuliers. Les soldats. rendus furieux par la résistance et avides de vengeance, fouillaient partout et tuaient tout.
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Les Zouaves - G Gangloff (1893)