La prise des forts de Ki-Hoa (24 et 25 fevrier 1861)

Situation générale

En février 1859, Saïgon est prise par les forces franco espagnoles. Néanmoins, faute de troupes suffisantes, les européens ne peuvent déboucher de la ville, qui est bientôt assiégée par les Vietnamiens.
La situation se rétablit lorsque la fin de la campagne de Chine permet aux français de ramener en Cochinchine d'importants renforts.

A la fin de janvier 1861, l'amiral Charner vint prendre le commandement du corps expéditionnaire ; les renseignements qu'il reçut lui montraient tout le terrain compris entre l'arroyo de l'Avalanche et l'arroyo Chinois barrés par des ouvrages de fortification de campagne se prêtant un mutuel appui. C'était en quelque sorte un grand camp retranché qui dominait tout le pays et tenait les têtes de routes allant vers l'intérieur. Des sapes doubles partaient des lignes de Ki-Hoa pour se diriger vers nos positions, de telle manière que la garnison était étouffée et réduite à l'impuissance. L'enceinte du camp ennemi comprenait un épaulement en terre de 3m,50 de haut et de 2 mètres d'épaisseur ; des défenses accessoires nombreuses en défendaient les approches ; parmi ces défenses accessoires, on remarquait surtout des tiges et des touffes épineuses de bambous, des trous de loup, des chevaux de frise, des palissades, des petits piquets, etc. L'amiral passa toute la première quinzaine de février à étudier la situation, puis il arrêta son plan d'attaque. Les retranchements annamites seraient pris à revers par l'ouest ; en même temps les pagodes tiendraient l'ennemi en respect sur leur front par un feu bien nourri. Une diversion serait faite à l'est par l'amiral Page, qui remonterait le fleuve avec la flottille et tenterait de couper les lignes de retraite et de ravitaillement de l'adversaire.

Historique de l'infanterie de marine

Nos soldats étaient pleins d'entrain ; ils brûlaient du désir de venger l'assassinat du capitaine Barbet, qui avait été commis quelque temps auparavant par des maraudeurs à la solde des mandarins. L'occasion de se distinguer allait leur être offerte. Le 23 février 1861, après avoir assuré les dernières dispositions, l'amiral Charner ordonna que l'attaque des lignes de Ki-Hoa aurait lieu le lendemain.
Dès le matin, à 5 heures, nos troupes, qui ont reçu huit jours de biscuit et deux jours de viande cuite à l'avance, se rendent à leurs postes sur la route des pagodes. L'amiral et le général de Vassoigne marchent en tête. Les Espagnols sont en avant, puis viennent ensuite l'artillerie, les chasseurs à pied, le génie avec ses échelles, les marins débarqués, l'infanterie de marine, le train et l'ambulance.
Déjà, depuis un instant, les pagodes Barbet, des Clochetons et de Caï-Maï ont ouvert leur feu ; l'ennemi s'est porté à ses postes de combat et y répond avec violence; il s'excite par le gong et le tam-tam. Bientôt toute la colonne a débouché dans la plaine, se dirigeant sur le fort de la Redonde, situé à l'extrémité des lignes de Ki-Hoa. L'artillerie se met en batterie, règle son tir et bombarde le fort et deux redans voisins. Le feu redouble d'intensité. L'infanterie, après avoir repris haleine, s'avance par bataillons en masse ; l'artillerie se rapproche et n'est plus qu'à 500 mètres de l'ennemi qu'elle canonne vigoureusement.
Deux colonnes d'assaut sont formées: celle de droite comprend les chasseurs à pied, l'infanterie espagnole et l'infanterie de marine, sous le commandement du chef de bataillon du génie Allizé de Matignicourt; celle de gauche est composée des compagnies de débarquement. Les projectiles tombent dru dans nos rangs et nous font beaucoup de mal : un colonel espagnol, un aspirant, le général de Vassoigne et l'adjudant Joly sont grièvement blessés.

Amiral Charner

Général de Vassoigne
Blessé le 24 février

L'amiral prend le commandement direct des troupes et donne le signal de l'assaut ; les colonnes s'ébranlent, protégées par l'artillerie; elles s'avancent au pas de promenade, sous une fusillade très nourrie, réservant leur haleine pour le dernier moment, obliquant à droite pour ne pas s'embourber dans le marais. A 30 mètres de l'obstacle, un cri de : " Vive l'Empereur ! " domine la fusillade ; les premiers s'élancent; ils reçoivent l'arquebusade en pleine poitrine, écartent les bambous entrelacés, marchent à petits pas sur la crête des trous de loup, enjambent les chevaux de frise, sautent dans le fossé et, se frayant un passage à travers les branchages épineux, les mains et le visage en sang, les vêtements en lambeaux, paraissent victorieux sur le dernier obstacle.
Cette affaire nous coûtait 6 tués et 30 blessés.
Vers 9 heures, nos troupes reprenaient leurs sacs, qu'elles avaient laissés pour monter à l'assaut, et s'établissaient dans des cases occupées quelques heures auparavant par les Annamites. La chaleur était accablante, le repos fut ordonné jusqu'à 3 heures.
Le soir, l'armée se rapproche du camp ennemi en allant bivouaquer devant la face ouest. Elle est mise en éveil fort tard par des tentatives de tirailleurs, mais néanmoins elle occupe les revers des lignes de Ki-Hoa.
La nuit du 24 au 25 se passa sans incidents remarquables, et les troupes purent jouir d'un sommeil réparateur. Dès 5 heures du matin, tout le monde est sous les armes, mais ce n'est qu'à 10 heures que l'on prend position. L'artillerie est placée entre deux colonnes d'infanterie : celle de gauche comprend l'infanterie de marine, les chasseurs et le génie ; celle de droite, l'infanterie espagnole et les marins des compagnies de débarquement.

Tout est calme aujourd'hui, les clairons ont cessé leurs sonneries et les gongs et les tams-tams, si bruyants hier, paraissent avoir été mis de côté dans le camp de l'adversaire. On sent de part et d'autre qu'une action décisive est proche.
Mais voici que la scène change ; la grosse voix du canon se fait entendre et les projectiles déchirent l'air avec des sifflements aigus. Des blessés, des mourants tombent de tous côtés ; rien pourtant n'arrête la marche méthodique de nos soldats qui semblent dédaigner le danger.
L'artillerie, établie d'abord à 1,000 mètres, s'est rapprochée, à 500, à 200, puis à 100 mètres ; à cette distance, elle tire à mitraille. L'infanterie, qui a ouvert le feu, couvre aussi la position de ses projectiles.

Pour éviter les pertes qui se produisent en grand nombre, l'amiral connaissant la valeur de ses hommes, se décide à leur faire mettre les sacs à terre pour donner l'assaut.
Jusqu'à présent, l'armée s'est heurtée contre une ligne d'une longueur de 1,000 mètres, l'un des petits côtés du vaste rectangle qui s'appelle Ki-Hoa. Cette face, qui forme le revers de l'ennemi, est garnie de saillants aux deux extrémités ; un fort fermé, appelé fort du Centre, s'appuie à la gorge sur le milieu de la ligne. Les deux saillants et le fort du Centre se flanquent mutuellement. Leurs feux balayent les approches par lesquelles les colonnes d'assaut ont dû cheminer. En outre, ces approches sont couvertes, sur une largeur de 100 mètres, de trous de loup, de fossés et de chevaux de frise. Vu à une certaine distance, tout ce système de saillants et de forts se projette sur un même fond et figure une ligne sans angles rentrants ni sortants. Le camp de Ki-Hoa, en cet endroit, est partagé, à l'intérieur, en deux compartiments par un rempart perpendiculaire au premier, garni de banquettes, percé de meurtrières, défendu par un fossé et un large espace couvert de piquets entre-croisés. Cette ligne d'enceinte est munie de deux redans. Une porte remplie d'embûches, pratiquée au pied de la perpendiculaire, établit en temps ordinaire la communication entre les deux enceintes. Le compartiment de gauche fut appelé le camp du Mandarin, du nom d'un réduit qui s'y trouvait et dont les défenses accessoires étaient décuplées. Le compartiment de droite est battu par le compartiment de gauche, c'est-à-dire par la courtine et les redans, et, en troisième lieu, par un fort situé dans une encoignure, à l'extrémité de la diagonale de l'enceinte de droite.
L'armée expéditionnaire se heurta à droite, au centre, puis à gauche de la ligne ennemie, une partie des réserves (infanterie de marine) s'étant portée sur le saillant de gauche et ayant formé une troisième attaque.
Le choc de la colonne de droite fut si furieux qu'elle pénétra dans les lignes en moins d'un quart d'heure. Les autres attaques furent plus longues, car, arrivées au pied de l'escarpe, elles rencontrèrent une résistance plus énergique ; les échelles étaient repoussées avec des hallebardes, et le feu redoublait d'intensité.
En ce moment, la lutte, par le temps qu'elle durait, par le redoublement de violence de l'attaque et de la défense, prenait un caractère sinistre. L'indifférence et la sérénité de la nature faisaient ressortir l'acharnement des hommes, et le combat se déchaînait comme un ouragan furieux sous un ciel impassible. Les cris de "< Vive l'Empereur ! " depuis longtemps avaient cessé ; la crépitation non interrompue de la fusillade, le bruit aigu des balles, quelquefois, mais rarement, l'imprécation ou le cri de douleur d'un mourant, attestaient seuls le choc de deux volontés, l'acharnement de 25,000 hommes séparés par une mince barrière de terre, par la distance à laquelle on peut se tendre la main, et que les uns voulaient franchir quand les autres s'y opposaient. A ces termes aboutissaient, dans une simplicité terrible, tant de proclamations, de mouvements d'hommes et de navires, un chemin de 6,000 lieues et tant d'or prodigué ! Un assaut qui dure trois quarts d'heure est singulièrement compromis ; après l'élan, la réaction déjà se faisait sentir. L'énergie de l'attaque diminua et celle de la résistance augmenta. "
Pourtant, le courage de nos soldats n'était point épuisé ; à droite, l'action suivait son cours normal, quoique la colonne combattît à découvert dans l'enceinte ; mais à gauche et au centre la lutte était plus acharnée. Enfin, un dernier effort des trois colonnes fait aboutir l'attaque sur tous les points à la fois ; pendant que le lieutenant de vaisseau Jaurès défonce une porte à coups de hache, à la tête de quelques hommes, l'infanterie de marine, le génie, les chasseurs à pied et la compagnie indigène, commandés par le chef de bataillon DELAVEAU, enlèvent le fort du centre. Les Annamites fuient maintenant dans toutes les directions, cherchant à s'abriter des projectiles qui les couchent par terre comme des blés. Ceux qui ne peuvent courir assez vite sont rejoints par nos soldats qui les massacrent à la baïonnette.

Cependant, ce grand drame a pris fin ; à la fureur du combat a succédé un calme relatif; on n'entend plus maintenant que les gémissements des blessés que l'on transporte à l'ambulance. Après l'appel, on constate que le nombre d'hommes hors de combat est de 300, dont 17 tués. Au nombre des blessés grièvement se trouvait le lieutenant-colonel TESTARD, de l'infanterie de marine, qui avait reçu une balle dans la tempe gauche et une à l'épaule. Il mourut le lendemain, 26 février, vers 3 heures de l'après-midi, à l'hôpital de Choquan.
Un grand nombre d'autres blessés moururent des suites de leurs blessures.
150 canons, 2,000 fusils et une grande quantité de munitions étaient tombés en notre pouvoir. L'armée ennemie, démoralisée, se dispersa ; quelques bandes seulement allèrent se reformer dans l'intérieur, où nous n'allions pas tarder à les poursuivre.

Aussitôt après l'affaire de Ki-Hoa, l'amiral commandant en chef adressait à l'Empereur une demande tendant à récompenser les militaires qui s'étaient particulièrement distingués. Dans l'infanterie de marine furent nommés :
1 - Avancement.
Chef de bataillon : le capitaine Guillot ; Capitaines les lieutenants Lagrange-Platelet de la Tuilerie et Miche de Malleraye ; Lieutenant le sous-lieutenant Hebrais.
2 - Légion d'honneur. Officier de la Légion d'honneur : le capitaine Brunet; Chevaliers de la Légion d'honneur : le capitaine Pasquet de la broue; les lieutenants Campi, Gabet, Hun et Viard; les sous lieutenants Cornette de Saint Cyr, Lestrade et Legras; le sergent-major Landeau; les sergents Fossard et Rey; le soldat Le Bellour; Médaillés militaires : le sergent-major Auger; les sergents Chanfreau, Creche, Gelley, Gillot, Sanaure, Sicard, Sureaud, Waquet; les caporaux Brian, Carreau, Dunas; les soldats Audiguier, Brun-Bellest, Besseyre, Bobin, Crest, Catto, Devaire, Duhamel, Dubois, Eckert, Galland, Granger, Gailet, Gerard, Hamel, Husson, Imbert, Julin, Krebs, Lemouze, Moindrot, Prégigont, Perroche, Rocart, Soussiel.

Capitaine de Barolet
Adjudant major
4e régiment d'infanterie de marine

Lieutenant Cornette de Saint Cyr
Fait chevalier de la légion d'Honneur

Historique du 2e bataillon de chasseurs

Le traité du 25 octobre 1860 laissait disponible une partie des forces françaises. Le Gouvernement résolut d'en profiter pour frapper un grand coup en Cochinchine et assurer définitivement dans cette contrée la domination de la France.
Le général de Montauban désigna pour cette expédition le 2o bataillon de chasseurs, à l'effectif de 778 hommes (cadres compris), et 565 fantassins et artilleurs; ces forces, jointes à l'infanterie de marine et à un faible contingent espagnol, portèrent à 4,000 fusils le corps expéditionnaire de Cochinchine, dont le vice-amiral Charner reçut le commandement.
21 janvier. Le bataillon quitta Woosung le 21 janvier 1861, emportant les adieux émus de son ancien général. Le Rhône le débarqua à Saïgon après 15 jours de traversée. Les Annamites bloquaient cette ville. Ils l'enserraient dans un réseau de fortifications formé de deux lignes concentriques, appuyées à droite au fort de Ki-hoa et à gauche au fort des Mandarins. De distance en distance, des ouvrages en terre garnis d'artillerie assuraient le flanquement de tout le système. C'étaient ces formidables défenses qu'il s'agissait d'enlever.
Les opérations commencèrent le 24 février. A 5 heures du matin, les troupes se mettent en marche dans l'ordre suivant: en tête, l'infanterie espagnole; puis 2 compagnies de chasseurs précédant l'artillerie en colonne par pièce; derrière l'artillerie, le reste du bataillon; le corps de débarquement; l'infanterie de marine; les convois. Arrivées à bonne portée de canon, les troupes s'arrêtent et démasquent l'artillerie : les pièces, soutenues par la 1o compagnie de chasseurs, ouvrent sur le fort un feu vif et précis. Les canons annamites ne tardent pas à être réduits au silence. Notre infanteric a obliqué à droite pour éviter les marais et s'est portée à hauteur de l'artillerie.
Elle se divise en deux colonnes d'assaut; celle de droite est chargée de l'attaque principale; elle comprend 6 compagnies du bataillon et une section du génie. M. de Matignicourt, commandant du génie, en prend la direction.
A 500 mètres de la position, l'amiral donne le signal de l'assaut : " Nos hommes s'avancent alors " au pas de promenade, sous une fusillade très nourrie, réservant leur haleine pour le dernier moment, et obliquant légèrement à droite pour éviter les marais. A 30 mètres de l'obstacle, un cri de Vive l'Empereur ! domine la fusillade; les premiers s'élancent, reçoivent l'arquebusade en pleine poitrine, écartent les bambous entrelacés, marchent à petits pas sur la crête des trous de loups, enjambent les chevaux de frise, sautent dans le fossé et, se frayant un passage à travers les branchages épineux, les mains et le visage en << sang, les vêtements en lambeaux, paraissent victorieux sur le dernier obstacle. "
Le rôle de la colonne de gauche s'est borné à appuyer l'attaque principale. Les Annamites, débusqués de la redoute, se retirent en bon ordre et à pas lents, laissant un grand nombre de cadavres sur les parapets; le bataillon a eu 10 hommes hors de combat.
Il est 9 heures: un long repos est donné aux troupes. On ne repart qu'à 3 heures de l'après-midi; à 6 heures du soir, le bataillon campe devant Ki-Hoa.

L'action, entamée seulement le 24 février, est reprise le lendemain avec une nouvelle ardeur.
L'ouvrage de Ki-Hoa est un fort bastionné, protégé en avant par une courtine garnie d'artillerie, et littéralement couvert de défenses accessoires ; les troupes s'avancent sur la première enceinte dans la formation suivante :
Deux colonnes d'infanterie, l'une à droite, l'autre à gauche de l'artillerie; le bataillon de chasseurs constitue la réserve en arrière du centre.
L'artillerie ouvre le feu ; les pointeurs ont le soleil dans les yeux. Les pièces annamites ripostent avec assez d'avantage. Ordre est alors donné à nos pièces de pousser coûte que coûte jusqu'à 200 mètres du rempart. Le mouvement est exécuté avec un entrain superbe : la charge sonne, l'infanterie s'ébranle, se rue sur les retranchements et les enlève en dépit d'une défense opiniâtre. Le premier obstacle franchi, les troupes se trouvent en face du fort proprement dit. Les Annamites se sont retirés dans ce réduit central ; le feu des bastions balaie les approches; trois colonnes d'attaque sont formées sous la mitraille. Le bataillon, jusqu'alors en réserve, est appelé en première ligne ; il se fractionne, pour prendre la tête des colonnes d'assaut de droite et de gauche; la lutte s'engage de part et d'autre avec un acharnement indicible; le tir des défenseurs, repéré à l'avance, nous cause des pertes sensibles ; pendant trois quarts d'heure, on se bat presque corps à corps.
Enfin un dernier effort est donné sur le bastion de droite par les 6° et 7e compagnies et l'infanterie de marine; les Français entrent dans la forteresse et terminent le combat par une épouvantable scène de carnage.
La prise des lignes de Ki-Hoa fut une affaire des plus brillantes pour nos armes ; l'opiniâtre résistance des Annamites n'en coûta pas moins au corps expéditionnaire 300 hommes mis hors de combat dans les journées du 24 et du 25 février. Le bataillon figure dans ce total pour un officier, M. Audié, et 10 hommes blessés.

Lieutenant Lagroua
Décoré

Capitaine Etienne
7e compagnie

Lieutenant Audié
Blessé au bras gauche et décoré

L'ennemi battit lentement en retraite. L'obligation où nous avions été de porter en ligne toutes les réserves et l'absence de cavalerie dans notre petite armée empêchèrent de procéder à la poursuite ; le défilé des éléphants et des machines de guerre sur les hauteurs de Ki-Hoa offrit pendant quelques instants un spectacle qui rappelait les armées d'Alexandre ou de Pyrrhus. 150 pièces de canon et 2,000 fusils restaient en notre pouvoir.

Capitaine Garnier des Garet

Lettres de Chine
"Enfin on donne l'ordre aux 6e et 7e compagnies de chasseurs de mettre sac à terre et de monter à l'assaut. Nous arrivons au secours de l'infanterie de marine qui était épuisée aux pieds des parapets. Le lieutenant colonel tombait, ainsi que plusieurs offiers et soldats. Nous essuyons trois décharges à mitraille. Nous nous rallions sur un petit fortin et là nous nous précipitons sur le parapet, renversant les buissons, les chevaux de frise, marchant à quatre pattes entre les trous de loup, pour ne pas être précipités au fond. Nous arrivons au fossé où nous nous laissons glisser entre les piquets. Nous nous mettons en train de les arracher et de nous créer un passage à travers ces enchevêtrements incroyables de défense. Les Annamites nous flanquent des coups de lance. Enfin nous arrions en haut en nous glissant come des serpents dessous ces amas de bambous et nous nous jetons dans le grand fort central.
Désormais, il n'y a plus de resistance, tous fuient, se jettent par dessous les parapets et quelques uns restent accroché aux piquet plantés contre nous. Nous gagnons la face opposée, et de là nous tirons sur les fuyards et éteignons le feu d'un petit fortin qui gênait beaucoup les marins arrivant par un autre côté.
Nous étions dans un camp admirablement propre, régulier, fortifié comme en Europe, avec redans, courtines, embrasures casematées, des cavaliers flanquant les côtés ; à l'interieur, un réduit prodigieusement fortifié, puis dans celui-ci, encore un autre tout petit mais étaonnant. S'il eût été défendu, nous n'aurions pu le prendre que difficilement.
Les Annamites sont infiniment supérieurs aux Chinois comme bravoure et comme art. je dirai même qu'en France nous ne serions pas capables de faire comme eux les défenses accessoires.

J'ai risqué carrément ma vie. je suis arrivé un des premiers au parapet ; j'ai pratiqué de mes propres mains une brèche dans les obstacles, les bambous, frayaont ainsi le passage à la colonne d'assaut. Je suis cité à l'ordre du jour de l'armée. Eh bien, je ne crois pas être porté pour la croix. Pourquoi ? Parceque, lorsque nous étions en réserve, l'arme au pied, à causer et à rire en attendant qu'on voulut bien nous employer, des projectiles maladroits ont atteint légèrement deux offisiers. On s'est cru obligé de les porter. J'admets très bien qu'on dédommage d'une blessure, mais ce n'est pas une action d'éclat, il n'y a pas acte de courage. Un individu appelé par les cris de la natyure derrière un buisson, peut y recevoir un éclat d'obus, ou de n'importe quoi, sans pour cela devoir être récompensé pour service rendu à la partie par action d'éclat. je ne vois pas là d'action d'éclat, que de la part de l'obus.".

   

Historique de l'artillerie

Journée du 25 février 1861

"A 5h du matin l'artillerie montait à cheval et l'infanterie prenait les armes. Deux colonne d'infanterie se forment l'une à droite et l'autre à gauche de l'artillerie. Trois obusiers de montagne sous les ordres de M le Lt Gailhoust marchent avec la colonne de droite avec l'ordre de l'appuyer et puis quand le moment serait venu, d'enfiler si possible la position ennemie. Les 4 canons de 12, les 3 obusiers de 4 et les 2 obusiers de montagne ne formant qu'une seule ligne de bataille marchent droit sur l'ennemi. La colonne de gauche suit le mouvement en longeant d'épais taillis.
Presque aussitôt, l'ennemi ouvre son feu, ses projectiles arrivent presque tous trop courts ou trop longs, mais en bonne direction. Nous avançons à mille mètres environ, nous mettons en batterie. Le feu commencé lentement d'abord devient plus rapide à mesure que les pointeurs peuvent juger de leurs coups. Nous avions malheureusement le soleil levant dans les yeux qui nous gênait beaucoup et nous empêchait de voir. Le feu de l'ennemi se règle et devient très vif. Quelques hommes et quelques chevaux sont atteints ; une roue de caisson vole en éclats.
Il fallait changer cet état de choses. Je fais remettre les avants trains et lançant toute la ligne au grand trot, nous venons nous mettre en batterie à 500 mètres. Nous ouvrons notre feu et en quelques minutes nous pouvons juger de l'efficacité de nos coups au ralentissement du feu de l'ennemi. Nous n'avions qu'à tirer droit devant nous, tous nos coups portraient. Nous continuons de tirer avec ardeur. Les canons de l'ennemi se taisent, leurs embrasures étant obstruées, mais la fusillade tenait encore. Nous avançons alors de 200 mètres, nous tirons à mitraille vers le haut des épaulements.
Averti que le feu de l'ennemi était éteint, l'Amiral lance les colonnes d'assaut ; mais les trous de loup, les palissades, les obstacles de toutes nature étaient si nombreux que ces colonnes mirent un peu de temps à arriver sur le haut des retranchements. Il fallut se servir des échelles d'assaut, enfoncer des portes à coups de hache, livrer des combats à corps à corps. Tous les obstacles furent enfin surmontés et à 7h le grand camp de Kio-Ha qui le matin contenait 12 000 hommes et 150 pièces de canon, était à nous.
En entrant dans ce camp nous pûmes juger du bon effet de notre artillerie, presque toutes les embrasures qui étaient devant nous étaient bouleversées et obstruées et plus de 300 cadavres étaient étendus autour de ces embrasures et au pied es talus. Les 3 obusiers de montagne qui avaient marché avec la colonne de droite étaient pour beaucoup dans ce résultat, car ils étaient parvenus à tirer d'enfilade.
Ce combat très court et très violent fut assez meurtrier. L'artillerie eut un homme tué et 10 blessés, autant de chevaux et de mulets furent tués et blessés. L'infanterie eut 250 hommes hors de combat. Nous avions tiré 204 obus et 36 boites à balles."
(Historique des opérations de guerre exécutées en Cochinchine - Colonel Crouzat)

Colonel Crouzat
Ici général en 1871

Historique du génie

Le 25, trois colonnes sont organisées pour donner l'assaut. Le détachement du 2e régiment du génie fait partie de la colonne du center. Il est dirigé par le commandant Alize de Martignicourt.
Arrivée devant le fort, cette colonne se trouve en présence d'une nombreuse accumulation d'obstacles : six lignes de trous de loups séparés par des palissades, avec sept zones de petits piquets, deux large fossés garnis de bambous pointus, puis encore l'escarpe en hérisson, couronnée d'une ligne de chevaux de frise. C'est à travers cette foret de défenses accessoires que les sapeurs doivent s'avancer chargés des échelles et des passerelles, en renversant les palissades à coups de hache et de pioche, sous un feu violent d'artillerie et de mousqueterie.
Cependant, ils parviennent au pied de l'escarpe. Mais la résistance devient de plus en plus vive, le feu redouble d'intensité ; les défenseurs repoussent les échelles à l'aide de longues fourches et dirigent contre l'assaillant des fusées placées à l'extrémité de longs bambous. Par trois fois les échelles sont renverses. Le sergent Dieulerie est blessé, ainsi que le sapeur Saenger. Mais malgré tout, les échelles sont dressées ; les sapeurs percent le parapet à coups de pioche et pratiquent un passage pour trois hommes de front. Alors commence la déroute. L'ennemi s'enfuit, tout ce qui ne se dérobe pas est passé par les armes.

Capitaine Pluvier
Génie

Dès l'aube, les sapeurs du génie procédèrent à la visite des forts: ils y découvrirent une quantité de machines infernales et de bombes qui furent aussitôt détruites. Le lendemain, les troupes s'installèrent à PehTang; une reconnaissance, sous les ordres du général Collineau, fut chargée d'explorer la chaussée qui mène à TaKou. Quelques coups de fusil furent échangés avec les Tartares, dont la retraite nous révéla l'existence du camp retranché de Sin-Ko.
L'armée fut immobilisée à Pé-Tang jusqu'au 12 aout. Ce délai était nécessaire pour débarquer l'artillerie, les munitions et les subsistances.

 

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