La bataille de Magenta (4/6/1859)

La bataille au nord du Naviglio Grande



La bataille de Magenta- Gerolamo Induno (musée de l'armée)


Evénements de la division la Motterouge à Magenta

Souvenirs du général de la Motte Rouge (1889)

Il était plus de 2 heures lorsque le commandant du 2 e corps, mandant près de lui le général de la Motte Rouge, lui fit examiner, sur sa carte, la position de Buffalora dont il s'agissait de chasser l'ennemi qui semblait l'occuper avec des forces considérables. Cette petite ville appuyée au Naviglio était entourée, du côté où nous allions 1'attaquer, par un ravin assez profond traversé par la chaussée qu'il fallait suivre pour y pénétrer. Les abords de ce ravin, de même que la route, étaient de facile défense, dominés qu'ils étaient par les maisons et quelques ouvrages en terre qui paraissaient avoir été élevés pour cette défense.
Après quelques détails rapides sur cette topographie du terrain, le commandant en chef s'arrêta aux dispositions suivantes : Porter immédiatement la lere division sur les positions déjà occupées par les tirailleurs algériens, positions, comme nous l'avons dit, dominant la ville ; Former sur cet emplacement, en se couvrant de nombrcux tirailleurs, une ligne de bataille de dix bataillons, en colonne par division et conservant entre eux demi-distance de déploiement. Cette ligne de bataille serait établie de manière à être perpendiculaire à la route, ayant cinq bataillons à droite, cinq bataillons à gauche, deux solides bataillons en réserve au centre, à petite distance de la lere ligne et prêts à faire effort sur la chaussée au moment du passage du ravin, pendant que les tirailleurs du bataillon de chaque aile occuperaient l'ennemi et chercheraient eux- mêmes à franchir le ravin ou à le tourner par ses extrémités. L'artillerie divisionnaire, sur la route et en arrière, prête à prendre part à l'attaque suivant les circonstances. Et, tirant sa montre, le général de Mac-Mahon ajouta : " Il est déjà deux heures et demie, le temps presse, ne perdez pas un instant pour l'exécution de votre mouvement ; toutefois vous ne commencerez l'attaque de la ville que quand je vous aurai rejoint. "

   

Joseph Edouard de la Motterouge

A la tête de la 1ere division du corps d'armée du général de Mac Mahon, le général de la Motte-rouge s'est déjà illustré lors de la guerre de Crimée et la prise de Sébastopol

Sa division s'illustre durant la bataille de Magenta et il est fait Grand Officier de la Légion d'Honneur pour sa participation à la victoire.

Ca n'est pas sans orgueil qu'il relate dans ses mémoires le témoignage de satisfaction qu'il reçoit de l'Empereur après la bataille :

"Le 6 juin au matin, vers les 10 heures, la division prenait les armes pour aller camper à San-Pietro a l'Olmo, sur la route de Milan ; sa tête de colonne allait s'ébranler lorsqu'on annonça le passage de l'Empereur. Le général de la Motte Rouge, suivi de ses généraux de brigade et de son état major, se porta rapidement sur la route et lorsque l'Empereur passa près de lui, Sa Majesté voulut bien l'inviter à s'approcher de sa personne et le féliciter, en lui donnant une cordiale poignée de main, sur la belle conduite de ses troupes dans la journée du 4 juin. Quelques instants après, la 1ere division, dans son ordre de marche habituel, travesait magenta et défilait aux cris de "Vive l'Empereur !" devant Sa Majesté établie à une des fenêtres de la maison qui lui servait de quartier général.

Le 7 juin, les troupes du 2e corps prenaient les armes à 4 heures du matin et quittaient leurs bivouacs en avant de San Pietro a l'Olmo pour faire leur entrée dans Milan. La 1ere division formait la tête de la colonne ; l'Empereur, pour récompenser ces vaillantes troupes de leur héroïque conduite à Magenta, avait voulu qu'elle fussent les premières à montrer leurs drapeaux dans la capitale de la Lombardie."

Prise de Buffalora et de la Ferme de Casa Nuova.

Il n'y eut pas de temps perdu ; en effet, les 45e, 65e et 70e s'ébranlèrent en même temps aux ordres du général de la Motte Rouge et arrivèrent rapidement sur l'emplacement déjà occupé par les tirailleurs algériens. L'ordre de bataille prescrit par le commandant en chef fut immédiatement établi par les soins des généraux de brigade et du chef d'état-major de la division. Les troupes pleines d'élan, d'entrain et d'énergie, attendaient l'arrivée du commandant du 2e corps pour se jeter sur Buffalora qu'on découvrait dans toutes ses parties, lorsque des officiers signalèrent, dans l'intérieur de cette petite ville, un mouvement d'hommes qui paraissait d'autant moins hostile que ces hommes marchaient à découvert bien qu'à très petite portée de notre artillerie ; ils avaient l'air d'appartenir aux corps français dont nous entendions le canon depuis plus d'une heure. Une compagnie de voltigeurs, envoyée immédiatement en reconnaissance, confirma aussitôt le dire des officiers qui commandaient la ligne de tirailleurs ; c'étaient des compagnies du 2e régiment de grenadiers de la garde qui, après le brillant combat de ce régiment sur l'autre rive du Naviglio contre les forces autrichiennes chargées de défendre le Pont de Buffalora, étaient parvenues à franchir le canal et à prendre possession de la ville évacuée par les troupes de la brigade Baltin, lorsque notre mouvement offensif sur les hauteurs s'était dessiné et lui avait donné des craintes pour son flanc droit et sa ligne de retraite sur Magenta. Le général de Mac-Mahon arriva dans ce moment. Informé par le général de la Motte Rouge de l'abandon de Buffalora par l'ennemi, il lui prescrivit de reformer ses troupes en une seule colonne de marche sur la route et de se diriger sur la ville.
Tout annonçait donc un choc prochain et rude ; aussi, après avoir marché quelques centaines de mètres, l'avant-garde du général de la Motte Rouge se heurta- t-elle contre les tirailleurs autrichiens, répandus dans tous ces massifs de si facile défense qui s'étendaient jusqu'à la gauche de la route.

Le 1er et le 2e bataillon du 45e , précédés de leurs tirailleurs, entrèrent aussitôt en ligne sur ce terrain couvert et poussèrent devant eux les tirailleurs de l'ennemi ; mais ils n'étaient pas à 100 mètres de la route qu'ils venaient de quitter, qu'ils furent assaillis par une fusillade intense, partie des abords et des différents bâtiments d'une ferme qui leur apparut à travers les arbres et qui s'appelait la Casa-Nuova; ils se précipitèrent tête baissée et au pas de course sur cette ferme, tuant tout ce qui se présentait devant eux, arrivèrent promptement au pied de ses murs et se disposaient à donner l'assaut, lorsque les défenseurs, au nombre d'un millier d'hommes, mirent bas les armes et se rendirent prisonniers. Tout ce qui parvint à s'échapper fut poursuivi la baïonnette dans les reins, jusque sur les tirailleurs du 2° régiment de zouaves qui, dans ce moment, faisait jonction avec le 45° et contribuait à prendre un drapeau ennemi.
La ferme prise, deux compagnies y furent laissées pour conduire les prisonniers qu'on venait de faire sur les derrières de la colonne et les remettre aux troupes qui suivaient ; puis les deux bataillons s'étant reformés, ils reçurent l'ordre de se rapprocher de la route, tandis que le 65e , de la 2e brigade, qui, au bruit de la fusillade, avait hâté sa marche, entrait en ligne à la gauche du 45e, en colonne par bataillon à demi-distance de déploiement ; l'artillerie, soutenue par le 3e bataillon du 45e , prenait position sur la route conduisant à Magenta et le 70e se disposait, dans le même ordre, à droite de l'artillerie. Les tirailleurs algériens n'avaient pas tardé de leur coté à arriver au feu et étaient en colonne sur la route, se préparant à entrer en ligne, lorsque le général de Mac-Mahon donna au général de la Motte Rouge le clocher de Magenta comme point de direction et se porta de sa personne vers les autres divisions pour leur donner ses ordres.

Il pouvait être 3 heures 1/4 ; les tirailleurs algériens s'étant, en grand nombre, débarrassés de leurs sacs au moment de leur premier engagement avec les Autrichiens, il fallut leur donner le temps de les retrouver, ce qu'ils firent rapidement, grâce à cet instinct tout particulier qui les distingue pour reconnaître les lieux. Le 45e prit la tête de la colonne, l'artillerie divisionnaire marcha immédiatement après ce régiment ; les 65e et 70e suivirent l'artillerie, les tirailleurs fermèrent la marche, ayant derrière eux à petite distance l'artillerie de réserve et la cavalerie du général Gaudin de Villaine (4e et 7e chasseurs). Le général de Mac-Mahon marchait en tète de la colonne avec le général de division. La canonnade du côté du Tessin était de plus en plus violente et annonçait une grande résistance de la part de l'ennemi ; de fréquentes détonations se faisaient aussi entendre sur notre gauche, dans la direction de Marcallo. Bientôt ce fut un redoublement de feux et la première division du 2e corps, traversant rapidement Buffalora, déboucha sur la route de celte ville à Magenta dont les maisons s'apercevaient parfaitement et dont les abords étaient garnis de troupes nombreuses, très visibles à l'œil.

L'assaut vers Magenta.

Le général de division marche à l'aile gauche, derrière les 45e et 65e de ligne, le général de Polhès est avec le 70e , le général Lefèvre dirige les tirailleurs algériens sur la droite du 70e . Tous ces corps, animés par la présence de leurs chefs, par la confiance qu'ils ont en eux, culbutent tous les obstacles que l'ennemi leur oppose ; les tambours, les clairons battent et sonnent la charge sur toute la ligne ; un instant le 3e bataillon du 65e rencontre devant lui une telle masse d'ennemis qu'il est arrêté court et semble hésiter. Le général de la Motte Rouge, suivi de son état-major, se porte vers lui au galop, le harangue, l'électrise et bientôt, reprenant son élan, ce brave bataillon passe sur le ventre des masses qui veulent l'arrêter ; c'est un combat à outrance, à coups de baïonnettes, à coups de crosses ; le terrain est jonché de cadavres et de blessés. A la droite, le 2e bataillon, sous les ordres de son colonel, est attaqué de toutes parts et arrêté par les colonnes ennemies qui font cercle autour de lui. Devant ces forces supérieures qui résistent avec un acharnement incroyable, nos soldats n'hésitent pas à tenter un suprême effort à la baïonnette. Ils s'engagent corps à corps avec les Autrichiens, font arme de tout et cherchent à pénétrer dans leurs masses profondes pour les désorganiser.

Général de Polhes

Capitaine Péan
Tirailleurs algériens
Officier d'ordonnance du général de Pohles
Promu chevalier de la Légion d'Honneur

Le combat se poursuit avec rage et furie, l'aigle du régiment est brisé par des balles, la hampe du drapeau est rompue en deux parties, l'ennemi fait des efforts inouïs pour s'en emparer, mais vainement ; tout ce qui veut approcher de l'arche sainte est tué ! Dans ce moment arrive le général de division ; il a jugé que là, comme tout à l'heure à la gauche, il faut un élan suprême; mêlé aux serre-files du bataillon, l'épée à la main, il excite ses soldats du geste et de la voix et les entraîne à la victoire. Cette dernière charge entame la ligne ennemie qui flotte, hésitante, un moment, et bientôt se rompt devant nos baïonnettes ; découragés par tant de persévérance et de bravoure, les Autrichiens se retirent en toute hâte sur Magenta, laissant sur le terrain des monceaux de cadavres et suivis de près par nos intrépides soldats. Les scènes émouvantes de l'aile gauche se reproduisent alors sur toute la ligne ; le 45e le 70e , les tirailleurs algériens ne sont arrêtés par aucun obstacle, leurs baïonnettes ont raison de tous les efforts de l'ennemi. Les généraux Lefèvre et de Polhes, les chefs de corps enlèvent leurs soldats avec un élan, un entrain admirable. Le chef d'état-major, colonel de Laveaucoupet, les aides de camp du général de division, capitaine Multzer, sous- lieutenants de cavalerie Arnous-Rivière et de l'Estoile, les officiers d'état-major Fèvre, chef d'escadrons, et Lesieur, capitaine, se multiplient pour la transmission des ordres et le maintien des rapports des diverses colonnes entre elles.


Colonel de Laveaucoupet
Chef d'état major de la division
Blessé d'un coup de feu à l'épaule gauche
"Officier supérieur d'un grand talent"

Capitaine Multzer
Aide de camp du général de la Motterouge
Avait été blessé aupres de la
Motterouge lors de la prise de Malakoff

Capitaine Lesieur
Etat major du général

L'artillerie divisionnaire (commandant Beaudouin), d'abord en batterie sur la route, à petite portée de Magenta qu'elle couvre d'obus, est bientôt ralliée par l'artillerie de réserve. S'établissant sur la route, face à droite, elle balaie tout l'espace boisé qui sépare Magenta de Ponte-Vecchio, occasionne des pertes considérables dans les corps autrichiens échelonnés entre ces deux points, bien qu'ils soient pour ainsi dire invisibles à nos yeux, et protège ainsi le flanc droit et les derrières de l'aile droite de la division de la Motte Rouge.

Tandis que cette aile droite aborde Magenta par la grande route et les maisons qui en occupent la gauche, le centre et l'aile gauche traversent rapidement la voie ferrée et se jettent, à travers tous les obstacles de terrain, les déblais et les remblais de la ligne, à la suite de l'ennemi qui se replie en toute hâte sur les nombreux bataillons occupant les débouchés, les enclos, les maisons et les défenses de la ville. Ce n'est qu'après des assauts répétés, de nombreuses positions enlevées, que les tirailleurs algériens et le 70e peuvent aborder l'église et les habitations qui l'avoisinent. L'église est défendue avec un acharnement extrême ; de nombreux tirailleurs embusqués dans le clocher entretiennent une fusillade meurtrière sur nos soldats qui laissent un grand nombre des leurs sur le terrain balayé parce feu plongeant ; ce n'est qu'après des efforts répétés qu'ils parviennent enfin à l'entourer et à s'en rendre maîtres, passant au fil de la baïonnette tout ce qui ne leur rend pas les armes.

Commandant Gibon
Tirailleurs algériens
Blessé lors de la prise de la gare
Il sera tué en 1870.

Sous Lieutenant Boulanger
Tirailleurs Algériens
Blessé
Chevalier de la Légion d'Honneur

Capitaine Estelle
Tirailleurs Algériens
Blessé dans les rues de Magenta

Sergent Alel Bou korso
Tirailleurs algériens
Médaillé militaire

Sous Lieutenant Mustaphe Ben Ali
Tirailleurs Algériens
Chevalier de la Légion d'Honneur


Capitaine Bergeron
Adjudant major du 70e RI
Blessé d'un coup de feu à la jambe gauche

Colonel Douay
70e RI
Fait commandeur de la LH

A la gauche, le 65e et le 45e attaquent Magenta par la gare du chemin de fer, sous une pluie de mitraille vomie par deux pièces de canon qui couvrent cette gare, mais ni le feu de ces pièces, ni celui des nombreux tirailleurs embusqués dans les jardins, derrière les murs et les haies de ces jardins, ne peuvent arrêter leur élan. Ils franchissent la voie ferrée dont les berges offrent, en ce point, un relief assez marqué au-dessus du terrain par lequel ils débouchent, formant ainsi un parapet de facile défense, se précipitent sur la gare et ses dépendances, s'établissent à toutes les fenêtres de cette gare, s'embusquent sur la voie ferrée et derrière les divers obstacles de terrain qui peuvent les couvrir et là, à moins de 100 mètres de distance, commencent un feu des plus vifs, contre l'ennemi qui occupe d'une manière formidable les maisons situées devant eux, surtout celles qui commandent l'entrée de la rue principale conduisant de la gare à la ville.

La gare de Magenta
Photo Méhédin - Gallica

Le général de la Motte Rouge, dans le trajet que vient de parcourir son aile gauche, a eu deux officiers de son état-major blessés grièvement, le chef d escadrons Fèvre et le lieutenant de Brye, et deux hommes de son escorte mis hors de combat ; il a dû suivre et diriger les mouvements de cette aile, rallier les hommes qui, dans la chaleur de faction, s'étaient écartés de la direction de leurs bataillons; ce n'est qu'après avoir affronté, traversé un violent ouragan de mitraille que vomissaient les pièces dont ses braves soldats viennent de s'emparer, qu'il parvient à très petite distance des gares et débouche dans un chemin qui prolonge dans la campagne la rue de la ville à la gare. Ce chemin, enfilé par les obus, est rempli de cadavres, de blessés et d'hommes arrêtés par le feu de l'ennemi ; il s'y engage et se porte rapidement derrière le bâtiment de gauche de la gare occupé par 200 de ses hommes environ qui en ont débusqué l'ennemi et font le coup de feu avec lui.


Commandant Fevre
Gravement blessé à la cuisse

Lieutenant de Brye
Stagiaire d'état major
Blessé d'un coup de feu à la jambe gauche
Chevalier de la LH le 17 juin
Futur général sous la République

La gare est prise.

A 150 pas sur la droite, est la gare principale, où se sont ralliés un millier d'hommes des 65e et 45e, sous les ordres du lieutenant-colonel d'Argy, du 65e , remplaçant le colonel Drouhot qui vient de succomber bravement, frappé successivement de deux balles.

Lieutenant Colonel d'Argy
65e RI

Capitaine Tartrat
65e RI
Blessé d'un coup de feu à la jambe gauche et de contusions à la face

Le général, jugeant sa présence plus utile sur ce point qui se trouve être, à ce moment, le pivot de l'action de son aile gauche, s'y porte au galop ; mais à peine est-il aperçu par les tirailleurs embusqués dans les maisons qu'il devient leur point de mire ; son cheval atteint de deux balles, dont l'une dans le flanc gauche et l'autre dans la cuisse, s'abat sur le talus de la voie ferrée; le général, qui instinctivement a pu dégager ses pieds des étriers, est d'abord précipité sur la pente du talus, mais son corps n'ayant pas de point d'appui suffisant, roule jusqu'à la voie, à une profondeur de 1 m. 50 ; il en est quitte pour le déboîtement du doigt médium de la main droite. Sa chute n'est pas de longue durée ; il se relève et, couvert par le talus de la voie ferrée, rallie rapidement ses soldats qui, témoins de ce qui vient de se passer, l'ont cru tué et l'acclament par des hurrahs enthousiastes et frénétiques. Ses officicrs le rejoignent ; son cheval reste étendu sur la berge de la voie et meurt au bout de quelques minutes.
Tous les abords de la gare étaient remplis de soldats qui arrivaient successivement et profitaient de tous les accidents de terrain pour s'abriter contre les feux plongeants de l'ennemi. Plusieurs maisons, surtout celles qui défendaient l'entrée de la rue conduisant à la ville, étaient des plus dangereuses pour nos hommes ; elles étaient occupées, sans nul doute, par des tirailleurs de choix, car les coups qui en partaient étaient presque toujours meurtriers. Le général voulut s'en rendre maître sans sacrifier un trop grand nombre de ses soldats, ce qui fut infailliblement arrivé, s'il avait jeté contre ces murs, crénelés dans toutes les directions, ces groupes d'hommes encore tout en désordre qui se ralliaient autour de la gare et il envoya chercher par le lieutenant Dufour du 65e , qui s'était offert pour remplir cette périlleuse mission, une section de son artillerie, afin de pouvoir les battre en brèche et en faciliter ainsi l'assaut. Après quelque temps d'une attente occasionnée par la difficulté de rejoindre les batteries de la division et par les obstacles que la voie ferrée leur présentait, deux pièces, sous les ordres du lieutenant Serraz de la 7e batterie du 11e régiment, vinrent s'établir derrière la gare. Les hisser sur la berge, les mettre en batterie dans le rez-de-chaussée même de la gare, les fenêtres servant d'embrasures, fut l'affaire de quelques instants. Bientôt leur feu commença ; vif, énergique, rapide, il eut promptement fait brèche dans les maisons, mis en désordre leurs défenseurs, et au ralentissement des feux qui partent de leurs fenêtres et de leurs créneaux, il est permis de juger que la défense mollit et que l'attaque va devenir possible.
Pendant que ces choses se passaient à la gare, les tirailleurs algériens et le 70e , ainsi que nous l'avons dit, s'emparaient de l'église, de différentes rues, pénétraient en ville, malgré la vigoureuse défense des Autrichiens et se maintenaient dans les positions prises. Le général Lefèvrc en faisait informer le général de division ; le général de Polhès, commandant la 2° brigade, confirmait ces informations.

Fin de la bataille et bilan.

D'un autre côté, le 2e zouaves et les autres corps de la brigade Castagny, de la division Espinasse, avaient attaqué Magenta à quelques centaines de mètres au-dessus delà gare, tandis que la lere brigade, sous les ordres du général Gault, forçait l'entrée de la ville par la route de Marcallo. Ces deux attaques, dans l'une desquelles périt glorieusement le général Espinasse, ayant eu un plein succès, les Autrichiens refoulés dans toutes les directions et voulant conserver leurs communications avec les corps qui combattaient à Ponte-Vecchio, sous les ordres du général en chef en personne, se mirent en pleine retraite, évacuèrent Magenta, laissant entre nos mains 2,000 prisonniers et cette importante position qui nous rendait maîtres de la route de Milan et devait décider de la bataille en faveur de l'armée française. La ville fut complètement évacuée par l'ennemi, vers les 7 heures, et toutes les issues furent occupées par les deux divisions qui venaient d'y pénétrer.

La division de la Motte Rouge avait fait de nombreuses et douloureuses pertes pendant les sanglantes et émouvantes péripéties de cette bataille de quatre grandes heures, presque constamment corps à corps. Le brave colonel Drouhot, du 65e , tué à la tête de son 2e bataillon dans le rude combat qu'il avait eu à soutenir en arrivant à Magenta, le lieutenant-colonel Ménessier, du 70e , officier plein de distinction et d'avenir, grièvement blessé à peu près au môme moment, le chef d'escadron d'état-major Fèvre obligé de quitter le champ de bataille par suite d'une grave blessure à la cuisse, 15 officiers tues, 41 blessés, 108 sous-officiers et soldais tués, 658 blessés, 288 disparus, c'est-à-dire tués pour la plupart, étaient un témoignage énergique et sanglant de la glorieuse part que cette division avait prise dans celte grande et à jamais mémorable journée.
Le général de la Motte Rouge cita en tête les généraux Lefèvre et de Polhès, vraiment dignes par leur énergie, leur calme, leur exemple, de commander à des soldats ; le colonel de Laveaucoupet, son chef d'état-major, dont une balle avait effleuré l'épaule, officier supérieur d'un grand talent et d'une grande activité ; le commandant Beaudouin de l'artillerie divisionnaire, homme de guerre dans toute l'acception du mot, véritable officier d'artillerie sur le champ de bataille ; le chef d'escadron Fèvre, de son état-major, blessé; le lieutenant de Brye, également blessé d'une balle à la cuisse ; ses chefs de corps et les officiers de son état- major, qui tous, certes, se distinguèrent dans cette journée. Enfin il tâcha, dans la demande des récompenses (grades et décorations), qu'aucun de ceux qui avaient le plus mérité ne fût oublié ; chose difficile cependant, car dans ces grandes et solennelles

Auguste Henri Lefèvre

Né le 21/2/1801 à Paris, le futur général Lefevre est un officier sorti du rang.

Engagé en 1819, il a conquis ses galons de sous officiers lors de la campagne d'Espagne de 1823. Promu officier en 1828, il a participé à l'expédition d'Alger en 1830 et a été promu Lieutenant après la prise d'Alger.

A l'avènement du Second Empire, il est Lieutenant Colonel et fait la campagne de Crimée, participant à la bataille de l'Alma et au siège de Sébastopol dont il est nommé commandant supérieur après la prise de la ville.

Promu général de brigade en mars 1859, il s'illustre à Magenta, puis à Solférino, à la tête de sa brigade et est promu Grand Officier de la Légion d'Honneur.

De retour en France, il est mis à la tête du Prytannée militaire qu'il dirige jusqu'en 1871.

Il est mort en 1874.

   

Colonel Duportal
71e RI
Fait commandeur de la LH

Lieutenant Auger Laclartie
71e RI
Promu chevalier de la LH

 


 

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