La bataille de Montebello (20/5/1859)



La bataille de Montebello - Henri Felix Emmanuel Philippoteaux
Conduits par le général Forey, le 17e bataillon et les 74e et 84e de ligne s'élancent sur le village de Montebello.


Première victoire française de la campagne d'Italie


Plan de la bataille
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Librement inspiré des ouvrages de Bazancourt (la campagne d'Italie de 1859), de la relation de la campagne rédigée par le dépôt de la guerre.

Le 20, vers midi environ, les deux escadrons du colonel de Sonnaz placés à Montebello, et dont les vedettes s'avançaient jusqu'à Casteggio, firent savoir qu'une colonne autrichienne, dont les dispositions du terrain extrêmement boisé ne permettaient pas d'apprécier la force numérique, se dirigeait sur Casteggio.
Le général Forey, commandant la 1ere division, crut d'abord à une simple reconnaissance. Toutefois, montant immédiatement à cheval, il partit au galop sur la route de Voghera à Montebello, entraînant au pas de course avec lui les deux bataillons du 74e qui allaient relever les avant-postes du 84e placés à hauteur du ruisseau de Fossagazzo. Son aide de camp, le capitaine Piquemal, allait à Ponte Curone prévenir le maréchal Baraguey d'Hilliers que l'ennemi s'avançait sur Casteggio et que, selon les forces qu'il déploierait, l'affaire pourrait prendre des proportions sérieuses.
Le général Forey fit également avancer deux pièces d'artillerie, qui prirent la tête avec deux escadrons des chevau-légers du colonel de Sonnaz, laissant derrière lui l'ordre à sa division de prendre les armes, et de se réunir en avant du pont de la Staffora, à 500 mètres environ de Voghera. Lorsque le général atteignait la hauteur du petit pont jeté sur le ruisseau de Fossagazzo, il vit venir à lui les avant-postes de la cavalerie piémontaise qui se repliaient en bon ordre devant les colonnes autrichiennes, après leur avoir longtemps opposé une Vigoureuse résistance. L'ennemi, dont le nombre augmentait à chaque instant, s'était emparé de Casteggio, et s'était étendu dans les terrains montueux qui entourent ce village. En même temps il envoyait une brigade au pas de course sur Montebello; cette brigade occupait ce village et se portait en avant sur Genestrelli qu'elle envahissait, disséminant ses tirailleurs dans les plis de terrains, dans les blés, et au milieu des plantations et des vergers.
Déjà deux masses imposantes marchaient résolument, vers Voghera, l'une par la grand-route, et l'autre par la chaussée du chemin de fer. Il n'y avait plus à en douter, c'était un mouvement offensif sérieux, appuyé, sur la droite et sur la gauche, par des forces compactes. Le général Forey l'avait jugé ainsi, dès qu'il avait atteint le ponceau de Fossagazzo, et en avait fait prévenir de nouveau le maréchal par le capitaine Jumel.
Le terrain offrait à l'ennemi de grandes ressources et des abris nombreux ; les blés étaient très-élevés, et s'étendaient en vastes champs. Des vignes grimpaient le long des mûriers, entourant leurs troncs d'un vert feuillage ; des carrés de plantations coupaient à chaque instant la vue, et de larges fossés creusaient le sol en tous sens.

   

Elie Frédéric Forey

Né en 1804, Forey a fait la première partie de sa carrière sous la monarchie de juillet et s'est illustré en Algérie.
Protagoniste du coup d'Etat de 1851, il y a gagné la confiance du souverain.
Après une participation décriée à la guerre de Crimée, la campagne d'Italie signe sa réhabilitation : A Montebello, il remporte la première victoire de la campagne, alors qu'il est en sensible infériorité numérique. Cette victoire lui vaut d'être promu Grand Croix de la Légion d'Honneur et nommé Sénateur. Il publie alors un ordre du jour élogieux pour ses troupes, mais aussi pour lui même :
"J'avais le pressentiment que j'aurais le prmier engagement avec l'ennemi ! Hier, le plus ardent de mes voeux s'est réalisé. Soldats de la 1ere division, je suis fier de votre succès qui inaugure si bien la campagne et qui n'est que le précurseur de ceux qui nous attendent. je dois le dire ici hautement, nous avons tous fait notre devoir. Sodlats, merci du fond du coeur, ce jour est et sera à jamais le plus beau de ma vie !"

Après la campagne d'Italie, Forey prend le commandement du corps expéditionnaire du Mexique entre juillet 1862 et juin 1863. A sa tête, il prend Puebla et occupe Mexico, mais son caractère difficile oblige à son rappel en France. Il est cependant nommé Maréchal de France le 2/7/1863 et reçoit la médaille militaire.

Frappé de congestion cérébrale en 1867, il se retire du service actif. Il est mort le 20/7/1872

Forey prend les premières dispositions.

Le général Forey prescrit au lieutenant-colonel d'Auvergne, son chef d'état-major, de faire couvrir par le bataillon du 74e de grand'garde la chaussée du chemin de fer à la ferme Cascina-Nuova; puis de porter en avant les deux bataillons, également de grand'garde, du 84e, à droite et à gauche de la route, et de placer en échelons, à droite, les deux bataillons du 74e qu'il avait amenés avec lui. - En même temps il donne ordre au lieutenant de Saint-Germain de ranger ses deux pièces en batterie sur la route elle-même, et de canonner tout ce qui apparaîtra dans cette direction. Bientôt ces pièces d'artillerie sont criblées de mitraille, et le lieutenant de Saint-Germain tombe grièvement blessé ; mais les canonniers qui servent ces pièces, malgré ce feu violent qui les accable des hauteurs de Genestrelli, continuent résolument leur tir.
Les mouvements des Autrichiens se dessinent ; ils se déploient et forment un large demi-cercle. Leur intention est de nous envelopper, en trouant le centre de notre position par une attaque vigoureuse.
Une des colonnes ennemies s'est établie à droite, sur un petit mouvement de terrain qui nous domine. - Une pièce d'artillerie, dirigée aussitôt contre elle, la force de se retirer, pendant que la ligne de tirailleurs qui couvrait en avant ce régiment est vigoureusement repoussée par une compagnie de voltigeurs du 74e, enlevée avec élan par le capitaine Barrachin. Mais, dans la pensée de l'ennemi, la démonstration de droite n'est point l'attaque sérieuse ; sur le centre et sur la gauche la fusillade prend tout à coup une proportion menaçante.

Louis Henri d'Auvergne

Né en 1813, cet officier d'état major sert auprès du général Forey depuis la guerre de Crimée.

Ce dernier n'a pas toujours été tendre avec son subordonné, comme en témoigne une de ses notations : "Il ferait un officier parfait s'il avait plus de santé. On pourrait désirer chez lui plus de liant avec ses subordonnés et ses égaux qui ne l'aiment pas, et moins d'obséquiosité vis à vis de ses supérieurs. Il a le caractère envahissant, quelque peu personnel et égoïste. Ces défauts n'empêchent pas que ce soit un officier très honorable et pour lequel je professe une haute estime."
Il est promu Colonel après Montebello et va de nouveau s'illustrer à Solférino.

Chef d'état major du corps expéditionnaire du Mexique (1862-1864), il fait la guerre de 1870 comme chef de l'état major de la Garde Impériale.

Général de division en 1874, il est mort Grand Officier de la Légion d'Honneur en 1897.

Photo Bertall (Paris)

   

La situation est rétablie au centre.

Le bataillon du commandant de Behagle (84e) a rencontré le 3e régiment de l'archiduc Charles; les compagnies qui couvrent le front de ce bataillon sont sérieusement compromises et perdent du terrain. - Quelque faibles qu'elles soient numériquement, si elles ne résistent pas à l'ennemi jusqu'à l'arrivée des troupes qui accourent de leurs campements de Voghera, les colonnes autrichiennes en profiteront pour nous envelopper, et il ne sera plus possible de les entraver dans leur marche. - A tout prix il faut les arrêter.
Le général Forey s'élance vers ces compagnies, pendant que le colonel Cambriels ralliant énergiquement tout ce qu'il rencontre (deux cents hommes environ), groupe ce petit nombre de combattants autour du général qui les anime par l'exemple de son ardent courage, et tous deux, dans cette position incroyable d'audace, tiennent tête à l'ennemi.
La lutte était inégale; déjà le commandant Lacretelle est tombé mortellement frappé ; il fallait défendre un à un chaque épi de blé que l'on foulait à ses pieds, pour empêcher l'ennemi de nous déborder et donner le temps au reste de la division d'arriver sur le lieu du combat.
C'est alors que la cavalerie piémontaise sous les ordres directs du colonel de Sonnaz vint prendre une glorieuse part à la lutte. Le colonel, qui remplit les fonctions de général, se dévoue avec une complète abnégation à l'énergique résolution du général Forey. Sans consulter les difficultés du terrain inondé par de nombreuses rizières, et malgré les plantations d'arbres qui désorganisent à tout instant la marche de ses escadrons, cette vaillante brigade s'élance plusieurs fois à la charge contre les têtes de colonnes ennemies, donnant et recevant la mort avec un égal courage ; elle combat avec une vaillance indomptable, se ralliant au cri de ses chefs ardents au combat, et se rejetant, sans reprendre haleine, contre les masses qui se concentraient sur ce point important pour y faire une trouée.
Telle fut la première phase du combat de Montebello, belle page militaire, qui a porté si haut le nom du général Forey. Nous avons dit que la colonne qui menaçait la droite avait quitté sa position, et que le bataillon déployé en tirailleurs s'était replié. Ce mouvement rétrograde entraîna bientôt celui du régiment de l'archiduc Charles, qui se rejeta aussi en arrière, craignant d'être pris, à la fois, en face et par son flanc gauche.


Commandant de Béhagle
84e RI
tué à Beaumont le 30/8/1870


Colonel Cambriels
84e RI
Fait commandeur de la Légion d'Honneur


Lieutenant d'état major Schasseré
Stagiaire au 84e RI
Reçoit la croix de la valeur militaire de Sardaigne

L'arrivée de renforts permet le mouvement sur Montebello.

Dans le même moment, arrivait le reste de la division, le général Beuret avec cinq compagnies du 17e bataillon de chasseurs et le 3e bataillon du 74e, en tête duquel marchait le colonel Guyot de Lespart, ayant avec lui le drapeau; puis le général Blanchard avec deux bataillons du 98e et un bataillon du 91e. · Avec ces renforts, le général Forey pouvait enfin prendre de sérieuses dispositions d'attaque et se frayer un passage sur Genestrelli et Montebello, quelque considérables que pussent être les masses qu'il rencontrerait devant lui. - A la guerre, une résolution inébranlablement arrêtée est le premier pas dans la victoire.
Le colonel d'Auvergne apporte l'ordre au général Beuret de se placer à droite de la route, se reliant aux autres troupes de sa brigade; et le général Blanchard déploie une partie de la sienne en échelons à gauche de la route, pendant qu'il va avec le surplus occuper fortement la chaussée du chemin de fer, à la ferme de Cascina Nuova. - Le général Forey, rassuré ainsi de ce côté, et sûr de ne point être coupé, s'apprête à pousser vigoureusement en avant, dans la direction de Genestrelli, sa droite formée de trois bataillons en échelons.
Des réseaux de tirailleurs se jettent dans les champs, s'embusquent derrière les groupes d'arbres, franchissent les fossés et les haies; mais, du milieu des blés immobiles partaient tout à coup de terribles fusillades, qui semaient la mort.
De son côté, le général Beuret entamait avec sa brigade la gauche des Autrichiens. - L'ennemi, supérieur en nombre et dans une excellente position, défend avec acharnement, étage par étage, les hauteurs qui dominent la position de Genestrelli. - Mais nos hardis bataillons reviennent plusieurs fois audacieusement à la charge. Le 17e chasseurs, que mène au feu le commandant d'Audebard de Férussac, voit tomber un à un presque tous ses chefs.

Commandant de Ferussac
Commande le 17e bataillon de chasseurs
Promu Lieutenant Colonel le 31 mai

Capitaine Lemoing
17e bcp
décoré de la Légion d'Honneur
Tué en 1871

Sous Lieutenant Paget-Blanc
17e bcp. Promu Lieutenant
Ici Colonel en 1891

Le 74e, le 84e rivalisent d'ardeur et d'élan.
De toutes parts le combat est engagé. A travers la fusillade et les détonations de l'artillerie, on entend les hurrahs des Autrichiens qui s'excitent au combat, et le cri de victoire de nos soldats : Vive l'Empereur ! - Les blés et les champs de maïs, qui avaient si longtemps abrité les dangereuses carabines des Tyroliens, sont couchés à terre et brisés sous les pas pressés de nos bataillons. Partout, la lutte laisse derrière soi des traces de sang et de combat acharné ; mais à chaque pas, sur ce terrain perfide, apparaissent de nouveaux ennemis qui semblent tout à coup surgir du sol entr'ouvert. C'est ainsi que marchèrent de tous côtés nos braves régiments, dédaigneux de la mort, combattant pied à pied, et enlevant, morceau par morceau, chacune des hauteurs qu'occupaient les troupes autrichiennes. Celles-là aussi combattaient avec vaillance, ayant à leur tête, leurs officiers, les premiers au danger. - Si elles abandonnaient une position longtemps défendue ; elles ne la laissaient que jonchée de morts, et derrière les fossés, derrière les pans de murs, derrière les arbres, elles recommençaient le combat.
Le terrain conquis s'achetait chèrement. - Enfin nous atteignons Genestrelli.

Le général Forey fait aussitôt placer à gauche de la route 4 pièces de canon pour balayer le terrain dans la direction de Montebello ; mais l'artillerie ennemie rangée sur les hauteurs n'attendait que notre approche pour nous couvrir de ses boulets. Plusieurs projectiles, arrivés coup sur coup, jettent le désordre dans les attelages et dans les servants. - Ce désordre est vite réparé, et nos pièces répondent vigoureusement à l'artillerie ennemie. Genestrelii occupé, il fallait enlever le village de Montebello. " Jugeant alors qu'en suivant avec le gros de l'infanterie la ligne des crêtes, et la route avec mon artillerie, protégée par la cavalerie piémontaise, je m'emparerais plus facilement de Montebello, j'organisai mes colonnes d'attaques. Le 17e bataillon de chasseurs, soutenu par le 84e et le 74e disposés en échelons, s'élancèrent sur la partie sud de Montebello où l'ennemi s'était fortifié. "
Mais les soldats étaient épuisés de fatigue et de combat. - Avant de recommencer la lutte qui cette fois sera décisive, le général Forey leur laisse quelques instants de repos, et en profite pour inspecter avec soin les terrains qu'il faut parcourir pour arriver jusqu'à Montebello; le sol est profondément creusé; il est inégal, coupé par des ravins, des fossés, et d'un accès presque impossible à la cavalerie; le général se voit forcé de descendre de cheval, et, l'épée à la main, il vient, avec les officiers de son état-major, se placer sur la ligne même des tirailleurs. - Le général Beuret est aussi descendu de cheval, et, avec cette calme intrépidité qui ne l'abandonne jamais, il désigne de la main à ses troupes les crêtes qu'il faut franchir et attend le signal de l'attaque. - Depuis longtemps les soldats ont jeté leurs sacs à terre pour combattre plus aisément.
Sur un signe du général Forey, les clairons sonnent la charge ; le cri : en avant! sort à la fois de toutes les poitrines comme une seule acclamation, et les bataillons intrépides s'élancent vers les hauteurs.
En un instant, les crêtes sont couronnées ; et !'on voit de toutes parts les compagnies hors d'haleine les gravir à l'envi. Les officiers toujours à leur tête se multiplient ; ici, c'est le colonel de Lespart et son lieutenant-colonel Bartel; là le colonel d'Auvergne qui transmet sur tous les points, avec autant de sang-froid que de courage, les ordres du général; tous ces vaillants coeurs donnent à l'âme de ceux qu'ils commandent le courage qui les anime. - Mais celui que parmi tous chacun regarde avec admiration, c'est le général Forey courant au feu comme un soldat, toujours au plus rude du combat ; les balles sifflent autour de lui et le respectent ; la mitraille semble avoir peur de tant d'audace.

Lieutenant Colonel Bartel
74e régiment d'infanterie
Ici dans la Garde Impériale en 1863

Sous Lieutenant Greys
74e RI
Blessé et décoré de la Légion d'Honneur

Prise de Montebello.

Déjà, nous avons atteint les premières maisons de Montebello; les soldats se réunissent en groupes; ceux-ci derrière une maison, ceux-là dans une cour; ils rechargent leurs armes, puis s'élancent par la grande rue. Les Autrichiens, embusqués derrière des murs crénelés, font pleuvoir sur eux des grêles de balles. Toutes les fenêtres sont garnies de fusils, chaque maison est une redoute à enlever. Pendant ce temps, les positions étaient attaquées à revers par des compagnies du 84e qui, soutenues par l'artillerie, repoussaient l'ennemi devant elles, malgré le feu incessant de trois batteries. En vain deux escadrons autrichiens essayent une charge ; rien n'arrête l'élan de nos soldats.
C'est ainsi qu'entrant à la fois par toutes les issues, après avoir enveloppé le village, la brigade Beuret s'empare une à une des maisons. Les colonnes autrichiennes, en se repliant pas à pas vers l'autre extrémité de Montebello, font en pleine rue des feux de pelotons qui couchent à terre nos premiers rangs; nos soldats bondissent par-dessus les cadavres étendus et continuent leur route sans s'arrêter.
Que de traits de courage il faudrait citer dans cette lutte corps à corps, à la baïonnette ! Quel profond dédain de la mort dans ces hommes qui tombent, et dont la voix excite encore au combat ceux qui restent debout! Soldats, officiers de tous grades, généraux, sont confondus dans cette mêlée sanglante.
Le village est à nous ! L'ennemi, toutefois, s'est réservé un dernier refuge dans le cimetière de Montebello, pour protéger sa retraite : il a fait de ce dernier point une véritable redoute, dont les dispositions du terrain protègent efficacement la défense. A partir des dernières maisons du village jusqu'au cimetière, le sol monte. En arrière du cimetière, une élévation de terrain forme un monticule ; là, des pièces de canon sont rangées en batterie et vomissent des flots de mitraille sur la route et sur le village que les Autrichiens ont évacué. A droite, des compagnies, échelonnées à cent mètres au plus, croisent leur feu avec celui du cimetière. -Cette dernière position, suprême défense de nos ennemis, est terrible à enlever. Déjà, par toutes les rues de Montebello, nos soldats se rejoignent ; ralliés par leurs officiers, ils affluent à l'extrémité du village. Quelques résolus qu'ils soient, ils hésitent et s'arrêtent devant cet orage de fer et de feu qui tonne autour d'eux. - Mais sur la route même, en avant des maisons dont les balles déchirent les murailles, s'est placé le général Forey, indomptable dans son courage et dans sa résolution. Près de lui accourt le général Beuret avec son aide de camp, le capitaine Fabre. " -C'est ici, mon cher Beuret, lui dit le général, qu'il faut enlever nos jeunes soldats! " Puis se retournant Vers eux : " - Allons, mes enfants, leur crie-t-il, arrachons à l'ennemi son dernier abri! Suivez votre général. " - Et il s'élance sur la route. Alors, comme s'il eût été poussé par une puissance invisible, ce flot humain se jette avec des cris sur le cimetière, laissant derrière lui une longue traînée de corps mutilés. Un des premiers, le général Beuret est frappé mortellement. - Il tombe vaillamment, en soldat, comme il avait vécu. On l'entoure, on le relève presque mourant déjà et on le porte dans une des premières maisons. Mais, de toutes parts, les clairons sonnent la charge, l'air est rempli de cris tumultueux ; le combat appelle tous les combattants;- nul ne veut, nul ne peut rester en arrière. Les murs du cimetière sont envahis et enlevés à la baïonnette. Tout ce qui ne cherche pas son salut dans la fuite tombe sous les coups de nos soldats.
L'ennemi est en pleine déroute. - Nos quatre pièces d'artillerie accourent au grand galop de leurs attelages et poursuivent de leurs boulets les colonnes autrichiennes qui regagnent précipitamment Casteggio. Il était alors six heures et demie.

Lieutenant Colonel Villermain
84e régiment
Promu officier de la Légion d'Honneur
et passe au 3e régiment des voltigeurs de la Garde en juillet.
Il en porte ici l'uniforme.

Capitaine Bourlet
84e régiment

Capitaine Charton
84e régiment

La brigade Blanchard tient la gauche.

A l'extrême gauche, le général Blanchard avait constamment tenu l'ennemi en échec ; celui-ci était revenu plusieurs fois à la charge sur la chaussée du chemin de fer, espérant tourner par ce point les troupes qui attaquaient Montebello et pouvoir les prendre à revers.
Cette résistance acharnée contre un ennemi si supérieur en nombre avait été bien chèrement payée. A la tête de son régiment, avait été frappé mortellement le colonel Méric de Bellefon , un de ces vaillants chefs de corps dont la perte est à jamais regrettable; le colonel Conseil Dumesnil, du 98e est blessé ; son chef de bataillon, le commandant Duchet, s'est fait bravement tuer à la tête de son bataillon dont le capitaine Laffon, qui en a pris le commandement, tombe lui-même quelques instants après atteint d'une blessure mortelle. Le général Blanchard, comprenant l'importance de la position qui lui est confiée, a donné ordre à son aide de camp de réunir toutes les ressources dont il peut disposer. Celui-ci rencontre près de Voghera un bataillon du 93e que commande le lieutenant-colonel Mangin; ce brave régiment, quoique ne faisant pas partie de la division Forey et n'ayant reçu aucun ordre, accourait au canon. - Son assistance, inattendue dans ce moment décisif, permit au général de prendre à son tour l'offensive et de refouler énergiquement les Autrichiens .

Georges Eugène Blanchard

Né en 1805, ce "beau et robuste militaire" comme indiqué dans ses états de services a servi sur tous les champs de bataille. Distingué en Algérie et au siège de Rome, il a l'insigne honneur d'être le premier colonel du 1er régiment des Grenadiers de la Garde à la tête duquel il est blessé à la prise de Sébastopol.
Durant la campagne d'Italie, il est fait commandeur de la Légion d'Honneur après Montebello et va prendre le commandement d'une brigade de la garde Impériale.

Général de division en 1866, il combat au siège de Paris en 1870 et s'y distingue, prenant le commandement d'un corps d'armée. Il est mort en 1876.

Colonel Conseil Dumesnil
98e RI
Blessé d'un coup de feu au sourcil gauche
et d'un coup de feu au médium droit

Lieutenant Colonel Maire
98e régiment
Contusionné d'un éclat d'obus à l'oeil

Les hommes étaient harassés ; les réserves manquaient ; il était prudent de ne pas pousser plus loin. Les troupes se rallièrent alors derrière le cimetière, soutenues en avant par de nombreux tirailleurs qui repoussèrent les colonnes ennemies dans Casteggio. Mais ces colonnes s'arrêteront-elles à l'abri de ce village pour se reformer et tenter un retour offensif, ou bien continueront-elles sur la route de Casatisma ? Le général Forey, pour s'en assurer, monte sur un belvédère qui domine une grande étendue de pays. De cet observatoire, il ne tarda pas à Voir les Autrichiens évacuer en toute hâte Casteggio, ne laissant après eux qu'une arrière-garde, pour couvrir leur retraite. Dès lors, il était évident qu'ils ne songeaient pas à reprendre les positions que nous leur avions enlevées. Le général redescendit pour prendre les mesures que la prudence lui commandait. Lorsqu'il arriva devant le front des troupes, de toutes parts les acclamations l'accueillirent avec un enthousiasme difficile à décrire. - C'était à qui s'approcherait de lui ; chacun voulait toucher la main du chef intrépide qui, dans cette rude journée, s'était toujours exposé, le premier, aux coups de l'ennemi .

 


 

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