La prise de Bomarsund (Aout 1854)

Un corps de 10,000 hommes, commandé par le général Baraguey-d'Hilliers, s'embarqua les 14 et 15 juillet à Calais, sur les bâtiments des deux puissances alliées pour être transportés dans la Baltique pour agir vigoureusement et s'emparer des îles d'Aland, de Sweaborg et de Bomarsund.
Il devait être rejoint par l'artillerie et l'infanterie de marine, ainsi que les compagnies de débarquement de l'escadre déjà en route sous le commandement du Vice Amiral Parseval Deschèsnes (2.500 hommes).
Le 24, les escadres anglaise et française jetent l'ancre devant les îles d'Aland, et le 31 elles sont rejointes par le général Baraguey-d'Hilliers, embarqué, avec son état-major, à bord de la Reine-Ilortense. Le lendemain, les amiraux, le général en chef, le général Niel, commandant le génie du corps expéditionnaire, le colonel de Rochebouët, commandant l'artillerie, et le général anglais Harry Jones prennent passage sur ce navire pour aller reconnaître la position et les défenses de Bomarsund, du côté de la baie de Lumpar.

L'état major.

Amiral Parseval-Deschenes

Lieutenant Colonel Grimaudet de la Rochebouet
Commandant l'artillerie
Finit sa carrière comme général et Président du Conseil
"le coeur le plus généreux et le meilleur des chefs" (Gl du Barail)

Général Niel
Commandant le génie
Futur maréchal de France

La forteresse de Bomarsund comprend un vaste réduit, pouvant loger de 3 à 4,000 hommes, et trois tours circulaires d'environ 40 mètres de diamètre, portant deux étages de casemates, revêtues extérieurement de gros blocs de granit. Le réduit est approvisionné pour un long siège et une défense opiniâtre. L'approche de ces défenses est interdite par un large fossé d'enceinte.
Trois autres tours situées, l'une dans l'île de Presto et les deux autres dans l'île de Lumpar, complètent la défense extérieure de l'ouvrage principal. Elles sont aussi à deux étages, croisent leurs feux sur la forteresse et commandent l'entrée du chenal par le nord.
Dans l'ouvrage principal, on ne comptait pas moins de soixante-douze embrasures de canon.
Les Russes avaient commencé à élever des redoutes en terre, pour former une seconde ligne de batteries en avant de la tour ronde; mais ils n'avaient pas eu le temps de les achever, à l'exception d'une seule, qui comportait cing canons.
Dans cette reconnaissance, trois points favorables au débarquement avaient été choisis : le premier, situé au nord, à lahauteur de Halta; le deuxième, sur le versant oriental de la montagne, au sud de la baie de Tranvik; le troisième, au sudouest de cette même montagne.

Reconstitution de la citadele de Bomarsund
Source internet

Les troupes débarquées pour la prise de la forteresse de Bomarsund vont effectuer des opérations de siège qui, bien que préfigurant les futures opérations devant Sébastopol, restent relativement peu couteuses en hommes, les troupes Russes démoralisées décidant de se rendre dès les premières brêches réalisées.
La campagne laissera des traces dans les historiques régimentaires et par l'instauration de la médaille de la Baltique, décoration britannique largement distribuées aux troupes françaises.


Le mystère de la prise de la tour sud.

La prise de Bormarsund a été réalisée sans beaucoup d'exploits militaires, à l'exception d'une action menée le 14 aout pour la prise de la tour sud. Cette petite escarmouche (si on la rapporte aux combat effectuées durant le siège de Sébastopol), a laissé deux relations différentes dans les historiques des 12e bataillon de chasseurs et 51e régiment d'infanterie, les deux unités réclamant toutes les deux le bénéfice de cette action.
L'imbroglio de la situation s'explique probablement aussi par la presque homonymie des deux officiers mis en avant dans chacun des deux corps : Le lieutenant Gigot pour le 12e bataillon et le Sous Lieutenant Gibon pour le 51e régiment.
Les deux officiers reçevront la croix de la Légion d'Honneur, signe peut être de l'incapacité du ministère de la guerre d'éclaircir la situation.

La version de l'historique du 12e bataillon de chasseurs

Le 14 août, comme la 1ere compagnie était seule de garde à la tranchée, vers 4 heures du matin, le capitaine Ceccaldi, commandant cette unité, remarque que la tour du Sud ne répond plus à notre feu et veut alors s'assurer qu'elle n'est plus occupée.
Le sous-lieutenant Gigot s'élance en avant, suivi d'une dizaine de chasseurs, pénètre résolument dans l'ouvrage par une embrasure de canon et se trouve face au gouverneur de la place qui court sur lui l'épée à la main.
Une lutte s'engage entre eux et, deux autres officiers russes étant accourus au secours de leur commandant, notre sous-lieutenant allait succomber, lorsque ses chasseurs, arrivant à leur tour, le dégagent en mettant ses adversaires hors de combat.
Quelques instants après, toute la compagnie entrait dans le bastion par la même voie et s'en rendait entièrement maîtresse, capturant une trentaine de prisonniers.

   

Lieutenant Auguste Gigot, 12 bataillon de chasseurs

Après avoir servi comme chasseur au 5e bataillon en Afrique, Auguste Gigot a été nommé Sous Lieutenant en 1852 et a rejoint le 12e bataillon de chasseurs en janvier 1854.

Durant le siège de Bormarsund, il est décoré de la légion d'honneur avec une belle citation : "a pénétré le premier dans la tour à Bomarsund le 14/8/1854 et suivi de quelques hommes determinés s'est rendu maître de la position en faisant prisonnier le commandant du poste russe et 32 hommes qui n'avaient pu s'echapper"
Il poursuit sa carrière dans la Garde, au bataillon de chasseurs en Crimée, puis au 3e régiment des voltigeurs en Italie. Promu Capîtaine en juillet 1862 au 72e régiment d'infanterie, il est une nouvelle fois blessé lors de la bataille de Wissembourg en aout 1870.

La version de l'historique du 51e régiment d'infanterie

Le 14 aout, la tour du Sud était devenue tellement silencieuse, que l'on commençait à douter qu'elle renfermât encore des défenseurs. Aussi, à trois heures et demie du matin, le colonel Perrin-Jonquière fit tirer sur elle, afin d'y éveiller les défenseurs endormis. Toujours même silence.
Le colonel donna alors l'ordre à une section de voltigeurs de s'approcher de la tour, et d'y entrer, non pas par la porte, qui était exposée à tout le feu de la place de Bomarsund, mais par les embrasures démolies.
Ce petit détachement, ayant à sa tête le lieutenant-colonel Ferru du 51e, se dirigea aussitôt sur la tour du Sud, et y entra par les embrasures, presque sans résistance, Le commandant du fort seul essaya de se défendre, et allait tuer le sous-lieutenant de voltigeurs Gibon, quand le caporal Armand s'élança à son secours et frappa l'officier russe de deux coups de baïonnette. Privée de son chef, la garnison de la tour mit bas les armes; mais une partie des défenseurs s'étant enfuie la veille, il ne resta en notre pouvoir que 40 prisonniers. Le drapeau du 51e fut aussitôt arboré au sommet de la tour du Sud.
Ce fait d'armes ne coûta au 51e que 2 blessés, parmi lesquels le caporal Lecoat, qui mourut quelques jours après des suites de ses blessures.

Lieutenant Edmond Gibon, 51e régiment d'infanterie

Edouard Gibon est nommé Sous lieutenant en 1850 à sa sortie de Saint Cyr et rejoint le 51e régiment d'infanterie.

Il est lui aussi décoré de la légion d'honneur avec une belle citation : "est entré le premier dans la tour sud à Bomarsund et compte six ans de services effectifs"
Il poursuit sa carrière jusqu'en 1870 avant d'être tué le 6/8/1870 à la bataille de Froeschwiller, comme chef de bataillon du 78e régiment d'infanterie.

   


Extrait de l'historique du 12e bataillon de chasseurs à pied.

A la fin de juin 1854, moins d'un an après sa création, le 12e bataillon était appelé à participer à sa première expédition. Il allait bientôt montrer de quoi il était capable.
L'expédition de la Baltique est organisée; les troupes sont placées sous les ordres du général de division Baraguey d'Hilliers; elles viennent se concentrer au camp de Boulogne. , Le 12 juillet, l'empereur Napoléon III passe en revue le corps expéditionnaire et, à cette occasion, remet la croix de chevalier de la Légion d'honneur au capitaine Zentz d'Alnois et la médaille militaire au sergent Paoletti.
Du 15 au 18 juillet 1854, le 12e bataillon s'embarque à Boulogne à bord des vaisseaux anglais Royal-William, Clipton, Termagan, à l'effectif de 24 officiers et 940 chasseurs, puis il fait route pour les mers du Nord. Après une heureuse traversée de trois semaines, le débarquement a lieu le 7 août, dans l'île d'Aland. Immédiatement, le bataillon est appelé à participer à l'investissement de la place forte de Bomarsund.
Peu à peu, les travaux d'approche, commencés à la distance de 2.000 mètres, vers la tour du Sud, objectif du bataillon, s'avancent vers ce redan. Le 9 août, le général Niel, désirant opérer lui-même une reconnaissance d'artillerie, se confie à la compagnie Nattiez du 12e bataillon et, avec elle, s'approche jusqu'à 150 mètres de l'ouvrage. A cette occasion, le futur maréchal adressa ses vifs compliments à cette compagnie pour l'intelligence qu'elle avait montrée dans cette opération hardie.
Le 10 août, quatre des compagnies du bataillon sont alertées, les 11e 2e, 3e et 7e, et partent avec le commandant pour s'installer à 100 mètres de la tour et couvrir l'ouverture d'une des dernières parallèles. A minuit, comme les chasseurs arrivent en position, ils sont accueillis par une fusillade des plus vives. Tout d'abord émus, les chasseurs reprennent vite leur sang-froid à l'appel de leurs chefs et se replient sur une Position voisine, défilée au feu de la place. Le sous-lieutenant Gigot, placé avec ses hommes à moins de 60 mètres des fossés, restait en position malgré ce feu. Dans cette affaire, le chasseur Bruneteau, de la 2e était tué ; le lieutenant Nolfe, de la 7e, blessé mortellement, expirait trois jours après ; le capitaine Ceccaldi et douze chasseurs étaient blessés. Le 12, le bataillon avait encore quatre blessés.
Le 13, ce sont les 4e, 5e, 6e et 8e qui sont de service à la tranchée et, par leur tir habile sur les embrasures, couvrent avec efficacité nos artilleurs et nos sapeurs qui poussent en avant leurs travaux. A 2 heures de l'après-midi, la place arborait le pavillon parlementaire et envoyait un officier. Mais l'affaire n'ayant pas eu de suites, le feu reprenait. Ce soir-là le 12e eut encore trois blessés.
L'historique du bataillon place ici la relation du 14 aout (cf ci dessus)

Deux jours après, la place, serrée de très près, se rendait à discrétion. Le 22, un détachement comprenant quatre compagnies fit une expédition dans l'intérieur de l'île pour forcer les habitants à vendre les bestiaux nécessaires à l'armée. Le résultait fut tel que les vivres en viande fraîche ne manquèrent pas pour la traversée du retour.
Le 3 septembre, le 12e bataillon s'embarquait à bord du transport anglais l'Herefordshire, dernier de tous les corps de l'armée de la Baltique. Le 23 septembre 1854, après une traversée pénible et dangereuse, le bataillon arrivait en rade de Cherbourg.

Le commandant de Bretteville trouvait en arrivant sa nomination de lieutenant-colonel. Il était remplacé, à la tête du 12e bataillon, par M. Zentz, capitaine au corps, qui devint par la suite général de division. A titre de faits de guerre, le bataillon recevait cinq croix de la Légion d'honneur, dont une pour le sous-lieutenant Gigot et le sapeur Maire, et seize médailles militaires.

Commandant Lenormand de Bretteville
12e bataillon
Futut général de division

Capitaine Zents d'Allnois
12e bataillon
prend le commandement du bataillon après la campagne

Capitaine Mathieu
12e bataillon


Extrait de l'historique du 51e régiment d'infanterie.

D'après les ordres du général Baraguey-d'Hilliers, les troupes du corps expéditionnaire, divisées en trois colonnes, devaient débarquer sur trois points différents, et, aussitôt à terre, manœuvrer de manière à investir complètement la place de Bomarsund. Le débarquement commença le 8 août, à trois heures et demie du matin à sept heures et demie, le 51e, qui devait former la colonne de gauche, avait pris pied en entier dans la partie sud, à peu près au centre de l'ile, sans aucune résistance de la part de l'ennemi : aussitôt débarqué, le 51e marcha directement vers le Nord, sur le petit village de Tranwick, qu'il atteignit à neuf heures du matin, après s'être frayé péniblement un chemin à travers des bois épais de sapins, escaladant des troncs d'arbres renversés dans tous les sens, et des rocs.
De Tranwick, le régiment, conduit par un guide, se dirigea par un petit chemin carrossable sur Fenby, à trois milles de la tour du Sud, et dressa ses tentes derrière ce village, vers trois heures et demie.
Le lendemain 9 août, les quatre compagnies de droite du 2e bataillon partirent de Fenby, sous les ordres du commandant Bouvin, pour se rendre à Castellum, point stratégique très important, situé à l'ouest de Bomarsund, et y restèrent jusqu'au 15 août.
Le 11 août, le bruit courant que quelques troupes russes étaient parvenues à débarquer dans l'ile, le commandant d'Arricau du 1er bataillon partit en reconnaissance dans l'intérieur de l'ile avec ses quatre compagnies de droite, tandis que le capitaine Amadieu se dirigeait avec trois autres compagnies sur le village de Sund, pour le fouiller et y rester en observation. Ces reconnaissances restèrent sans résultat.
Le jour même du départ de ces reconnaissances, le 11 août, la tranchée fut ouverte devant la tour du Sud, et, le 13, nos batteries ouvraient le feu.
Pendant ces trois journées, les cinq compagnies du 51e, restées en position à Fenby, furent occupées aux travaux de siège par le génie et l'artillerie. Enfin, le 14 août, à deux heures du matin, elles partirent pour la tranchée, sous les ordres du colonel Perrin-Jonquière.
L'historique du régiment place ici la relation du 14 aout (cf ci dessus)
Vers dix heures du matin, le 51° prit position non loin de Bomarsund, pour protéger l'établissement d'une batterie d'obusiers et de mortiers. Dans la soirée, la garde de la tour du Sud fut confiée aux voltigeurs du 1er bataillon, Malheureusement, les bombes de la place y mirent le feu, et, vers onze heures du soir, ces soldats durent rejoindre le reste du régiment. Le lendemain 15 août, à onze heures et demie du matin, la tour du Sud sautait, et, comme par miracle, personne n'était blessé. Pendant toute cette journée, le 51o, rallié le matin par les compagnies détachées à Castellum et à Sund, resta en position entre la tour du Sud et Bomarsund.
Le même jour, la tour du Nord se rendit, et, le lendemain, 16 août, Bomarsund et la tour Presto imitèrent son exemple. Toute la garnison, 2,500 Russes environ, fut faite prisonnière de guerre.
Les jours suivants furent employés à raser complètement les fortifications, et, le 30 août, nos troupes reçurent l'ordre de retourner en France.
Nous avions perdu peu de soldats par le feu, mais en revanche, le choléra, qui avait fait son apparition dès le commencement du siège, nous avait enlevé plus de 500 hommes en quelques jours; le 51e, un des corps les plus éprouvés, perdit 132 hommes et 2 officiers: le capitaine Remy et le lieutenant Defrance.
Embarqués sur le Donawerth, la Sirène et la Cléopâtre, les bataillons du 51e furent débarqués à Cherbourg les 22 et 23 septembre 1854.
A la suite de cette expédition, le commandant d'Arricau fut nommé officier de la Légion d'honneur ; les capitaines Joannès, Delate et Tritschler, le lieutenant Evo, le sous-lieutenant Gibon, l'aide-major Nogués et le caporal de voltigeurs Armand reçurent la croix de chevalier de la Légion d'honneur; le sergent-major chef de musique Douard, les sergents Chabre et Robini, le voltigeur Morin, le fusilier Cordelier (amputé) et le musicien Mellon reçurent la médaille militaire.

Capitaine Basso
51e régiment

Lieutenant Voinot

Sous Lieutenant Barnéond


Extrait de l'historique du 3e régiment d'infanterie.

Le 3e régiment embarque sur trois navires anglais entre le 15 et le 20 juillet. La traversée est excellente et le 2 aout les navires entrent dans les eaux russes. Le 8 aout commencent les opérations de débarquement dans la baie de Tranvick, le régiment devant ensuite remonter vers ce village puis débarrasser la route de Finby des abatis construits par les Russes. La tour qui regarde Finby tire de temps en temps quelques coups de canons sur nos troupes, mais sans faire de dégâts.
Pendant la nuit, le général Niel pousse une reconnaissance jusqu'à 140 mètres de la place ; l'emplacement des batteries est arrêté et le colonel Ducrot reçoit ordre d'ouvrir les travaux de siège contre la tour du sud. Le 3e RI a l'honneur d'être le premier de garde à la tranchée.

En deux nuits (12 et 13 aout) deux batteries sont terminées. Le matin dimanche 13/8 les batteries ouvrent le feu. L'ennemi a d'abord riposté très vigoureusement, puis son feu s'est peu à peu ralenti. De gros morceaux de blocs de granit commencent à se détacher des murailles et plusieurs bombes sont tombées sur la tour.
Ce même jour vers 4h1/2 de l'après midi, le drapeau blanc est hissé au sommet de la tour sud ; le feu cesse immédiatement de part et d'autre. Plusieurs russes sortent pour parlementer, mais le général en chef leur fait connaître qu'il n'y a pas à parlementer. Vers 5h1/2 le feu reprend, mais de plus en plus faible du côté des Russes. On sentait que les défenseurs de la tour étaient complètement démoralisés. Vers 9h le feu cesse complètement, la majeure partie des défenseurs quittent la tour pendant la nuit et se réfugient dans Bomarsund après avoir encloué les canons. Le lendemain quelques hommes de nos avants postes du 12e bataillon de chasseurs s'avancent résolument et prennent possession de la tour.

Le 15 au point du jour, une nouvelle batterie ouvre son feu contre la place qui répond vigoureusement. Le 3e de ligne de garde à la tranchée assiste à ce grandiose spectacle. Vers midi, la tour sud prise la veille et incendiée par une bombe tirée du corps de place saute avec fracas épouvantable lançant au loin des débris de toutes sortes, sans faire de victimes. Le feu continue jusque vers 5h du soir, plusieurs hommes de l'artillerie et du 3e de ligne sont blessés par la mitraille. Dans la nuit du 15 au 16, on commence à établir la batterie de brèche, à 500m de la place. Dans la matinée du 16 plusieurs hommes du 3e de ligne sont blessés par la mitraille, en concourant à la construction de cette batterie.

Bomarsund se rend le 16 aout à 11h. La garnison forte d'environ 2400 hommes était faite prisonnière de guerre. Le 2e léger et le 3e de ligne occupèrent immédiatement le fort.
Cependant la campagne n'était pas finie pour le 3e de ligne ; il fallait lutter contre un ennemi bien plus redoutable : le choléra qui commença son ravage dans le corps expéditionnaire.
Le 28 aout le rembarquement commence, cette nouvelle est accueillie avec joie et produit un effet salutaire sur la santé des hommes. La forteresse est détruite par le génie.

Colonel Auguste Ducrot, 3e régiment d'infanterie

Nommé colonel du régiment en décembre 1853, Ducrot a déjà une belle carrière africaine derrière lui.

Durant la campagne, il ecrit plusieurs lettres à sa femme et il decrit la forteresse : "La citadelle est reellement un beau monument d'architecture militaire ; les murailles en briques et en granit ont en moyenne trois metres d'épaisseur ; il y a du logement pour 3.000 hommes au moins, 150 pièces de canon, des obusiers, des mortiers, des approvisionnements énormes de toute espèces." (lettre du 17/8/1854)

"Nous avons assisté hier à l'un des plus beaux et en même temps l'un des plus horribles spectacles qu'il soit possible de voir. A 7h du soir, au moment du coucher du soleil, la grande citadelle de Bomarsund s'abimait tout à coup au milieu d'un nuage épais de poussière et de débris de toute espèce ; quoique placés à près de 2.000 metres, nous avons été enveloppés pendant plus d'une heure d'une telle fumée que l'on ne voyait pas d'un bout du navire à l'autre ; puis l'aspect a changé et, au milieu d'une mer de feu, nous avons vu reparaître les debris de cette superbe forteresse. Ainsi, il a suffi d'une seconde pour réduire à néant ce que des milliers d'hommes ont mis des années à construire. J'ai passé une partie de la nuit sur le pont à contempler ce spectacle ; à la lueur de l'incendie, on distinguait les forts avancés ; à chaque instant les détonations des bombes, des obus, lancaient vers le ciel de nouvelles gerbes de feu et ravivaient l'incendie ; aujourd'hui tout cela brûle encore et brûlera peut-etre pendant 15 jours, car il est impossible d'imaginer la quantité d'huile, de farine, de vêtements, de matériels accumulée dans cet immense bâtiment." (lettre du 2 septembre).

   

Parti à l'effectif de 58 officiers et 2326 hommes de troupe, le régiment rentrait avec 56 officiers et 2153 hommes. 2 officiers et 173 hommes étaient morts du choléra. Le colonel Ducrot, le chef de bataillon Eudes de Boistertre étaient nommé officiers de la Légion d'Honneur ; les capitaines Roux, Bêche, Jeanson, le soldat gaillard (amputé) étaient faits chevaliers. Les grenadiers Gilbert, Wolff, le sapeur Ghys, le voltigeur Guillot et le fusilier Damon, qui s'étaient particulièrement distingués étaient décores de la médaille militaire. Par décision de l'Empereur, le nom de Bomarsund fut inscrit sur le drapeau du régiment.

Commandant Eudes de Boistertre
3e RI

Sous Lieutenant Maillard
3e Régiment d'infanterie
Il sera tué en 1870, capitaine au même régiment

Sous Lieutenant Castellini
Porte drapeau du 3e Régiment d'infanterie
Passe dans la Garde en 1856

Lieutenant Léon Pierre Duval
Futur général

Adjudant Boudot
Promu officier en décembre
Passe dans la Garde en 1858
tué en 1870 à Wissembourg


Extrait de l'historique de l'infanterie de Marine.

Sur les vingt-deux compagnies d'infanterie de marine engagées dans cette expédition, douze provenaient du 1er régiment à Brest; dix du 2e régiment, dont cinq de Cherbourg et 5 de Rochefort. Les cadres de l'infanterie de marine comprenaient : Etat-major : MM. Féron, colonel; De Vassoigne, lieutenant-colonel; Guillabert, Avezac-Lavigne et Moucher, chefs de bataillon.
Embarquées du 10 au 15 avril 1854, les troupes furent réparties dans la proportion de deux compagnies par vaisseau, et de une compagnie par frégate

Le 8 août, à 3 heures du matin, la frégate anglaise l'Amphion et la corvette française le Phlégélon ouvrent le feu contre une batterie de quatre pièces construite sur une pointe avancée, qui commande une baie plus rapprochée du fort; mais l'ouvrage reste silencieux. Des canots sont mis à la mer et on s'aperçoit aussitôt que la batterie a été bouleversée et les pièces enfouies sous les décombres, après avoir été enclouées.
Déjà le Duperré et l'Edimburg fouillent de leurs projectiles les approches de la côte, qui sont très boisées; peine inutile, tout est désert. En conséquence, le feu cesse et les embarcations sont mises à la mer ; les soldats descendent avec 60 cartouches et trois jours de vivres. Dès qu'on a accosté le rivage, les hommes sautent à terre, les colonnes sont formées et mises en marche sur le village de Tranvik.
Pendant ce temps, pour faire diversion, le régiment d'infanterie de marine, ayant à sa tête les colonels Fiéron et De Vassoigne, va débarquer, avec 800 hommes de troupes anglaises sous le commandement supérieur du général Harry Jones, à trois lieues au nord du grand réduit de Bomarsund. Après avoir trouvé deux redoutes abandonnées, ce corps s'avance au pas de course vers l'isthme pour fermer la retraite à la garnison et s'opposer à l'arrivée de tout secours du dehors. Il ne tarde pas à a faire sa jonction avec le corps principal et, dès lors, les deux colonnes se trouvent réunies en vue de la tour du Sud, qui domine tous les ouvrages de la place.

Vers 4 heures de l'après-midi, elles se portent en avant, s'approchent de la forteresse et en font le complet investissement du côté de la terre. Le général Harry Jones couvre la gauche des assiégeants avec l'infanterie de marine. Bientôt le camp est dressé ; les tentes s'élèvent de tous côtés, habilement dissimulées dans les plis de terrain, et la nuit ne tarde pas à apporter le repos après les rudes fatigues de la journée. On avait dû, en effet, frayer pas à pas un passage à l'artilterie, à travers un pays accidenté et couvert de bois et de broussailles.
La journée du 9 est employée à faire des reconnaissances sous le feu de la place et sous celui des tirailleurs finlandais, dont le tir est des plus précis aux grandes distances. Les commandants du génie et de l'artillerie déterminent le point d'attaque, ainsi que la position des premières batteries à établir.
Le général Baraguey-d'Hilliers fait appuyer la droite de la ligne par 500 hommes d'infanterie de marine, afin de renforcer les avant-postes. Les reconnaissances continuées pendant la nuit font connaître que la tour du Sud, qui domine la campagne, et le réduit de Bomarsund forment la clef de la position, et que c'est sur elle que les premières attaques doivent être dirigées. En conséquence, il est arrêté entre les généraux et chefs de service réunis en conseil : Qu'on établira contre la tour du Sud, à 600 mètres environ, une première batterie de quatre pièces de 16 et de quatre mortiers en un endroit facile à aborder ; Qu'une seconde batterie de quatre pièces de 30, empruntées à la marine, sera établie ensuite à 200 mètres, sur un point déterminé, et ouvrira le feu sur la tour, si les revêtements en granit sont attaquables par l'artillerie; Que, pendant ce temps, les Anglais dirigeront leurs attaques sur la tour Nord, qui a des vues sur les approches de la place; Enfin, que, dès que la tour Nord sera prise, on se glissera vers la droite pour aller établir des batteries de brèche formidables contre la gorge du grand réduit.

Toute la journée du 10 août est employée à la construction des ouvrages. A 10 heures du soir, le général en chef est prévenu que les Russes ont tenté un débarquement au nord de l'île; il y envoie immédiatement 700 hommes d'infanterie de marine, qui rentrent le 11 au soir, après avoir parcouru tout le terrain sans avoir rencontré l'ennemi signalé. Pendant ce temps, les travailleurs construisent les batteries de brèche qui sont armées dans la nuit du 12. Mais les Russes ont découvert le point sur lequel nos fortifications s'élèvent et, depuis lors, ils en couvrent les abords d'une grêle de balles et de projectiles.

Le 13, à 3 heures du matin, les batteries ouvrent le feu sur la tour du Sud. Bientôt les ravages sont tels, que toutes les embrasures sont détruites et les murailles ébranlées par les coups répétés de l'artillerie. Le soir, quelques pièces seulement ripostaient encore et le lendemain l'ouvrage était en notre possession. Le commandant, 3 officiers et 32 soldats avaient été fait prisonniers, le reste de la garnison ayant pu se réfugier dans la place.
Le 15, après un bombardement qui avait bouleversé complètement les casemates de la tour du Nord, les défenseurs de cette dernière étaient obligés de se rendre au général Harry Jones, qui fit aussitôt occuper l'ouvrage. Ainsi, deux des sentinelles avancées de la place venaient de tomber en quelques jours; sa ruine complète était imminente si des secours n'arrivaient bientôt du dehors. C'est ce que comprennent les Russes; aussi se préparent-ils à débarquer des renforts, comptant sans la vigilance de nos croiseurs et sans le concours de nos espions qui prévinrent l'amiral Parseval.
Dans la nuit, un détachement de 500 hommes d'infanterie de marine, avec 400 marins des compagnies de débarquement et 180 soldats de marine anglaise, partent en toute hâte, sous le commandement supérieur du colonel de Vassoigne, pour aller occuper l'ile de Presto. La mission de ces troupes est d'intercerpter toute communication avec le fort et de couper la retraite à l'ennemi s'il tentait de s'échapper. C'était la dernière chance des Russes qui s'évanouissait; la démoralisation qui en résultait ne devait pas être sans influence sur la reddition de la place.
Le lendemain, dès la pointe du jour, le feu recommence du côté de la terre avec une énergie nouvelle. L'ennemi répond vigoureusement; les obus et la mitraille qu'il lance à profusion nous mettent des hommes hors de combat. Mais c'est l'agonie de la défense, le suprême effort des canons qui doivent bientôt rester silencieux. Pour chacun, il était évident que l'ennemi était à bout de forces, et que les prises successives des deux tours, jointes à l'investissement de l'ile de Presto, l'avaient moralement frappé du plus amer découragement.
De son côté, la flotte ne restait pas inactive; les bâtiments étaient venus s'embosser devant la forteresse, d'où leurs canons frappaient sans relâche les murailles de l'enceinte. A midi, le feu était dans toute son intensité aussi bien sur terre que sur mer, lorsque tout à coup on vit le pavillon blanc flotter au-dessus de la citadelle. C'était son gouverneur, le général Bodisko, un vieux brave, qui, réduit à l'impuissance, demandait à capituler. Il dut accepter les conditions du vainqueur; les officiers supérieurs, seuls, purent conserver leur épée. Le même jour, le colonel de Vassoigne recevait la capitulation de la tour de Presto et en prenait possession au nom des puissances alliées. Il la fit occuper par 100 hommes d'infanterie de marine, sous le commandement d'un chef de bataillon.

Colonel de Vassoigne
Ici général vers 1865

La reddition de la place laissait en notre pouvoir 2,400 prisonniers, 190 bouches à feu de tous calibres, des armes et des munitions en quantité. Nos pertes avaient été presque nulles.
En prévision de la mauvaise saison, qui approchait à grands pas, une dépêche ministérielle, en date du 30 août, prescrivit le retour des bâtiments de l'escadre dans leurs ports d'hivernage. Comme on n'aurait pu laisser à Bomarsund qu'une garnison de 3 à 4,000 hommes, qui eût été insuffisante pour résister aux attaques que la Russie n'aurait pas manqué de diriger contre elle, pendant les trois mois où l'on ne circule qu'en traîneau d'Abo à Aland, il fut décidé que les fortifications de la place seraient rasées. Le 2 septembre 1854, à 7 heures du soir, l'oeuvre infernale, triste nécessité des lois de la guerre, était consommée, et la rade de Bomarsund était privée de ses moyens de défense. Depuis le 18 août, l'infanterie et l'artillerie de marine étaient remontées à bord de l'escadre; le reste du corps expéditionnaire fut embarqué sur six frégates le 2 septembre. L'ordre d'appareiller fut donné et, le 20, les bâtiments arrivaient en rade de Cherbourg et de Brest.

Jules Achille Lemarechal
Sous officier lors de la campagne de la Baltique
ici capitaine en 1865

Caporal Cornette de Saint Cyr
2e régiment d'infanterie de marine
ici Lieutenant en 1864

Capitaine non identifié du 1er régiment d'infanterie de marine.

Lieutenant non identifié d'infanterie de marine.


D'autres participants à la campagne.

48e régiment d'infanterie.

Capitaine Granderye
Fait chevalier de la Légion d'Honneur
Passe dans la Garde (ici sur la photo)

Lieutenant La Rouvière

Capitaine Billard
Connu plus tard sous le nom Carrey de Bellemare

Commandant Metman
S'illustrera à Magenta en 1859, devient général.

2e régiment d'infanterie légère.

Lieutenant Colonel Plombin

Colonel Suau
Promu officier de la Légion d'Honneur
Puis général en 1859

Autres protagonistes.

Capitaine Granthil
Etat major du corps expéditionnaire
Chevalier de la légion d'Honneur en 1856

Capitaine Henry Ducrot
Officier d'ordonnance du général d'Hugues
Frère du colonel puis général Ducrot
Promu chevalier de la légion d'Honneur

Capitaine Karth
Officier du génie

Capitaine Petit
Aide de camp du général Niel

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