La campagne de Chine (1860)

 

Le 1er aout 1860 le corps expéditionnaire débarque sans resistance sur la côte chinoise à l'embouchure du fleuve Pe-Tang, en amont des forts de Ta Kou. L'armée se présente le 14 aout au revers des premières positions (camp retranché de Tang Hoo) bloquant le fleuve.

Carte des opérations - forts du Pei Ho
Tirée de l'ouvrage des mémoires du général Montauban

Prise du camp retranché de Tang Hoo (14/8/1860).

L'assaut du camp retranché est commandé. la colonne française est menée par 200 marins, des sapeurs et deux bataillons (infanterie de marine et 2e bataillon de chasseurs). Vers 8h l'artillerie ouvre le feu et deux pièces de 4, appuyées par le bataillon d'infanterie de marine du commandat Domenech Diego, s'avance pour ouvrir une brêche.
Vers 9h le feu des Chinois s'éteint et un colonne d'assaut est formée :
"Le fort est entouré de deux fossés parallèles remplis d'eau et séparés par une forte palissade où aucune brêche n'a été pratiquée. Le colonel Schmitz, chef d'état major, malgré une fièvre ardente qui le dévore est chargé de former la colonne d'assaut avec le 2e bataillon de chasseurs. Sans hésiter il se jette à l'eau, le froid le saisit, il disparaît ; Le sergent Laîné et le sergent major Gée du 2e bataillon qui l'ont suivi, le retirent de l'eau ; à leur suite deux compagnies s'élancent, les chasseurs se font la courte echelle, abattent la palissade, disparaissent dans le second fossé grimpent sur le talus d'escarpe et s'engouffrent dans les embrasures, pendant que les sapeurs du génie enfoncent les portes à coup de hache. A ce moment, le drapeau tricolore flotte au sommet du fort, le Colonel Schmitz vient de l'y planter à la vue des deux armées qui battent des mains (Historique du 2e bataillon de chasseurs)"

Lieutenant Colonel Schmitz héros de l'assaut
Il est promu Colonel

Commandant Diego-Domenech
2e bataillon d'infanterie de marine
Fait officier de la LH le 7/11/1860

Capitaine Chanoine
Officier attaché à l'état major
Cité pour son courage lors
de la prise du fort
Ici général de division

Lieutenant Bouvier (1er régiment du génie)
décoré après la campagne, il passe un an à la légation
à Pekin. Ici général sous la République

.

La rive nord (gauche) du Pei Ho étant atteinte, une reconnaissance sur la rive droite est décidée pour le 18 aout. Elle est de nouveau confiée au 2e bataillon, dont deux compagies accompagnent le colonel du génie Livet dans sa reconnaissance. Elle rencontre des forces considérables qu'elle met en fuite.

   

Gustave de Boissieu

Sous Lieutenant au bataillon, il est cité à l'ordre du corps exéditionnaire pour la journée du 18 aout .
Lui aussi a décrit cette journée dans ses lettres à sa famille :
"Nous étions en tout peut être 120 hommes et nous avions certainement affaire à 3 ou 4000 cavaliers soutenus par une quinzaine de pièces de canon qui tiraient sur nous sans relâche.
Heureusement ces cavaliers étaient des Tartares... Nous sommes restés ainsi plus d'une heure, déployés en tirailleurs, abrités autant que possible par des tumuli et maintenant par notre tir à six et huit cent metres ces bandes de cavaliers qui supportaient notre feu avec un aplomb imperturbable, mais sans avancer. Les balles pleuvaient comme grêle tout autour de nous. Nous étions à près d'un kilometre des vergers, notre seule resource en cas de charge de la part des tartares qui n'auraient pas pu nous y suivre... Et le reste du bataillon n'apparaissait pas.
Nos hommes, tout en faisant bien leurs devoirs, etaient inquièts et se retournaient sans cesse vers le côté d'où le secours devait nous venir.
Je vous assure que moi aussi je n'etais pas sans une certaine anxiété, et les balles, que tout à l'heure je saluais au passage, sifflaient maintenant à mes oreilles, inaperçues et sans le moindre hommeur de ma part. Je me rassurais en rassurant mes hommes et en m'occupant à diriger leurs coups, la lorgnette à la main, je rectifiais leur hausse et leur désignais les points à viser.
Enfin, après plus d'une longue heure, deux compagnies du bataillon débouchent dans la plaine. A ce moment l'élan de nos soldats devient magnifique. On crie "en avant !" et tout le monde s'élance au pas de course sur les Tartares, qui tournent bride, et sur les canons que les artilleurs abandonnent."
.

Assuré sur ses deux ailes, le corps expéditionnaire prépare l'assaut des forts de Ta Kou, qui vérrouillent le fleuve. A l'embouchure du fleuve, sur l'une et l'autre rive, s'élève deux forts dont l'artillerie bat la mer. En amont de chacun de ces deux ouvrages se dressent deux autres forts couvrant des feux les premiers et enfilant la rivière. Enfin le système se complète d'un vaste camp retranché qui s'étend jusqu'à la jonction des marais et le la terre ferme. C'est le 102e régiment d'infanterie et un bataillon d'infanterie de marine qui se chargent de l'attaque du côté français. .

Prise des forts de Ta Kou (21/8/1860).

L'assaut du camp retranché est commandé :
"Le général Collineau prit les dispositions suivantes : deux pièces, joignant leur feu à celui des pièces de siège anglaises, furent dirigées contre le fort attaqué ; les quatre autres pièces, placées sur la rive même du fleuve, commencèrent à contre -battre les batteries de rive droite dont les feux nous prenaient d'écharpe.
Le 1er bataillon du 102e (colonel O'Malley), le 1er bataillon d'infanterie de marine (colonel de Vassoigne), étaient déployés en arrière et abrités par un pli de terrain. Le 2e bataillon d'infanterie de marine (commandant Domenech-Diégo) était resté en réserve à Tang-kou.
Vers sept heures, une explosion formidable se produisit dans le fort que nous attaquions ; le général Collineau fit avancer immédiatement trois compagnies du 102e, qui prirent position derrière un petit épaulement à environ trois cents mètres de la contrescarpe. Le feu de notre artillerie redoubla de force. Vers sept heures et demie, une explosion plus terrible que la première bouleversa le deuxième fort de la rive gauche. Cependant le feu des forts de droite nous gênait beaucoup ; deux pièces de douze et deux obusiers anglais furent amenées sur l'alignement des troupes les plus avancées et dirigés contre eux.
Le moment décisif approchait. Le capitaine Lesergent d'Hendecourt, aide de camp du général Collineau, fut envoyé par lui pour reconnaître les obstacles : ils consistaient en trois fossés pleins d'eau traversant un terrain fangeux, et abordables par deux chaussées glissantes ayant à peine, deux mètres de largeur. L'intervalle entre les deux derniers fossés et le pied des remparts où le feu de notre artillerie n'avait pu parvenir à faire brèche, était couvert de défenses accessoires de toute nature.

Le fort de Taku
Photo felice Beato

D'un commun accord, les généraux Collineau et Napier lancèrent leurs colonnes d'assaut.
La compagnie de voltigeurs du 102e fut jetée en avant, tandis que les coolies, porteurs d'échelles, sous la direction d'une section du génie commandée par le capitaine Bovet, marchaient vers la contrescarpe. La 4e; compagnie du 1er bataillon du 102e suivit de près les voltigeurs, et le colonel O'Malley prit le commandement de cette colonne.- Cependant le feu de la mousqueterie nous faisait éprouver des pertes sensibles : les coolies, dont plusieurs avaient été frappés, hésitaient, et une nouvelle section du génie dut porter en avant les échelles abandonnées.
Grâce à l'intelligence et à l'activité du génie, grâce à l'intrépidité de nos hommes, les obstacles furent enfin franchis, quelques échelles s'appliquèrent au rempart. Aussitôt le général Collineau lança une colonne de soutien composée de trois compagnies d'infanterie de marine. Alors s'engagea une de ces luttes mémorables qu'il est bien difficile de décrire. D'un côté, quelques hommes du 102e et de l'infanterie de marine montant, un par un, sur les échelles, la baïonnette en avant; de l'autre, un ennemi acharné luttant avec la mousqueterie, les piques, les flèches, et roulant des boulets du haut. du rempart. Le drapeau français est planté sur la crête par le tambour Fachard, de la 4e compagnie du 1er bataillon du 102e, arrivé l'un des premiers et qui soutient une lutte héroïque. Le colonel O'Mallev, le chef de bataillon Testard, de l'infanterie de marine, le chef d'escadron Campenon, envoyé par le général Collineau, peu après le début de l'action, pour activer le mouvement, le lieutenant de vaisseau Rouvier, commandant des coolies, le lieutenant-colonel d'état-major Dupin, qui avait revendiqué l'honneur de marcher avec la colonne d'assaut, entraînent nos soldats à leur suite. L'énergie de nos troupes l'emporte, elles pénètrent dans l'ouvrage, et là un nouveau combat recommence sur ce terrain que l'ennemi défend pied à pied avec un acharnement indicible.
Enfin le fort est conquis, les Anglais y pénètrent également de leur côté ; l'ennemi se précipite par toutes les issues, se jetant par les embrasures dans les fossés, et fuit dans la direction du deuxième fort, sous une grêle de balles qui jonche le terrain de ses morts et de ses blessés.
Mais nos pertes étaient sérieuses et cruelles. Le lieutenant Grandperrier, des voltigeurs du 102e, le maréchal des logis Blanquet du Chayla, attaché au corps des coolies, ont été frappés mortellement; les lieutenants Balme et Porte, l'adjudant sous-officier Lunet, du 102e, sont grièvement blessés.
Sur huit officiers des deux compagnies du 102e deux seulement ont été épargnés par le feu ; la seule compagnie de voltigeurs compte 62 hommes tués ou blessés. Le commandant Testard n'est parvenu à entrer dans le fort que couvert de coups de lance et de contusions, et après avoir été renversé par un boulet qui lui a été jeté sur la tête. (Rapport officier du général Montauban)

Commandant Souville
102e RI
Sur la photo en lieutenant colonel

Capitaine Thoni de Reinach
102e RI
Chevalier de la LH en 1862
Ici colonel

Capitaine d'Escayrac Lauture
102e RI
frère du parlementaire
supplicié par les chinois

Sous lieutenant Moulin
102e RI
Chevalier de la LH en 1862

Commandant Rossel
102e RI
Officier de la Légion d'Honneur en 1861
Père du futur communard Louis Rossel

Chef d'escadrons Crouzat
Commandant l'artillerie
Cité lors de l'assaut
Ici général en 1871

Chef d'escadrons Campenon
Cité lors de l'assaut
Promu Lieutenant Colonel
à la fin de la campagne

Après la prise de ce premier fort, les chinois évacuent le reste de la position. Des soldats tartares essayant de gagner les jonques pour évacuer, le colonel de Vassoigne les fait rentrer et les suit à la tête de deux compagnies d'infanterie de marine. Il se heurte alors contre une troupe en désordre qui se précipite vers la ports du fort pour l'évacuer. Il les arrète et leur fait mettre bas les armes. Ce second succès laisse entre les mains du corps expéditionnaire plus de 3000 prisonniers.

Colonel de Vassoigne
commande le régiment d'infanterie de Marine
Promu général après la prise des forts

Sous Lieutenant de Clausade
Infanterie de marine
Officier d'ordonnance du général de Montauban
Chevalier de la Légion d'Honneur

Lieutenant d'infanterie de marine
non identifié

Capitaine Devau
2e bataillon du régiment d'infanterie de marine
Cité pour sa belle conduite à la prise
du fort principal de Takou

François Alexandre Deschiens

Premier aide de camp du général Montauban dont il suit la carrière de 1856 à 1870

Promu Lieutenant Colonel

Part pour la France porter le traité de reddition des forts de TaKou

   




L'embouchure du fleuve Pei Ho étant libre, le corps expéditionnaire est désormais mieux ravitaillé et peut se diriger vers le nord. Tien Tsin est occupé le 9 septembre sans oppositions chinoise. Après l'ecehc des négociations diplomatiques avec les emmissaires chinois, le movement se poursuit vers Pekin.
Le 18/9 l'armée rencontre un corps de 15.000 Tartares qui est attaqué et dispersé.

Combat de Tchang Kia Oan (18/9/1860).

"Une décision prompte et rigoureuse pouvait seule nous sortir d'embarras, et je fis dire au général Grant que, suivant le plan que nous avions arrêté, j'allais attaquer de suite le premier village avec mon infanterie et le faire tourner par ma cavalerie. De son côté, le général Grant ouvrit le feu des grosses pièces sur le front de la fortification chinoise, et fit porter sa cavalerie sur la route de Tchang-kia-ouan. Je délogeai l'ennemi du village de Yao-tchang après un feu assez vif de ma batterie de 4 et de mon infanterie. Les Chinois se retirèrent sur le second village et dans la plaine entre ce village et le canal, espérant avoir le temps de le traverser ; mais ma cavalerie les ramassa dans cette plaine et en tua un grand nombre. Ce fut dans cette charge que le lieutenant de Damas, du 2e chasseurs d'Afrique, fut blessé mortellement d'un coup de feu tiré à bout portant. Le sous-lieutenant du même corps d'Estremont reçut une balle qui lui fit un sillon sur la figure, et le colonel Fowley, commissaire anglais attaché à mon quartier général, eut son cheval blessé gravement de deux coups de feu.
Pendant ce temps, avec le général Jamin et le 101e régiment, commandé par son brave colonel Pouget, je m'emparai du deuxième village nommé Lé-o-sou. Ce village dominant la position tartare et prenant à revers toutes ses défenses, je fis mettre en batterie l'artillerie du colonel de Bentzmann.
L'artillerie anglaise battait de front la position ennemie, mais, comme nous avions tourné cette position, les boulets des alliés devenaient menaçants pour nous. Je dépêchai immédiatement un cavalier au général Grant pour l'engager à cesser son feu et lui dire que l'ennemi, après s'être vu tourné, abandonnait son retranchement et ses pièces et se retirait en grand désordre, l'infanterie après avoir passé le canal sur des bateaux formant plusieurs ponts, la cavalerie après avoir gagné la grande route de Tchang-kia-ouan. Nous nous emparâmes du retranchement tartare et des 84 pièces de canon qui le garnissaient ; les Anglais poursuivirent les Tartares sur la route de Tchang-kia-ouan jusqu'à cette ville où ils s'établirent
(Souvenirs du général de Montauban)

"L'armée tartare tout entière, retranchée dans une position défendue par un grand nombre de pièces de canon, a voulu s'opposer au passage d'une colonne franco nglaise qui se rendait à Pekin. Ces hordes amenées au combat par des chefs perfides ont été dispersées enquelques heures. L'histoire dira que 2.000 européens ont triomphé par leur courage d'une armée défendant sa capitale avec des forces qui leur étaient dix fois supérieures en nombre (Ordre du jour du corps expéditionnaire)""

Capitaine Mocquard
Commandant la cavalerie
A fait plusieurs charges brillantes

Maréchal des logis Braux
Décoré après la journée
promu officier durant la campagne

Sous lieutenant d'Estremont
Blessé d'une balle qui lui fait
"un sillon à la figure"

Commandant Blot, 101e régiment
Cité au combat du 18/09

Colonel Pouget
"remarqué par tous par la vigueur
qu'il a imprimée à sa troupe dans le
combat du 18/09 contre les Tartares"

Le 21/9 l'armée tout entière se porte sur Pékin. A deux kilometres de Palikao, les vedettes tartares sont aperçues et le général en chef ordonne ses dispositions de combat .

Bataille de Palikao 21/9/1860.

" Le 21, à 5 heures et demie du matin, je passai en avant de l'armée anglaise où mon tour de marche m'appelait, et je laissai mes bagages sous la protection de deux compagnies d'infanterie, dans un village situé une lieue en avant de Tchang-kia-ouan. Je m'avançai ensuite jusqu'à environ 3 kilomètres de Pa-li-kiao, et nous rencontrâmes sur ce point les premières vedettes tartares ; je pris alors les dispositions suivantes : Une petite colonne d'avant-garde, composée d'une compagnie du génie, de deux compagnies de chasseurs à pied, d'un détachement de pontonniers, d'une batterie de 4 et de deux pelotons d'artillerie à cheval, reçut l'ordre de se porter en avant, sous le commandement du général Collineau, Le général Jamin, avec le reste du bataillon de chasseurs à pied, des fuséens, la batterie de 12 et le 101e de ligne, suivit immédiatement le mouvement. L'avant-garde se trouva bientôt arrêtée devant de fortes masses de cavalerie, qui débordaient sa gauche, à la hauteur de laquelle l'armée anglaise n'était pas encore arrivée. Le général Collineau s'arrêta et mit ses pièces en batterie. Je m'apprêtais à le soutenir avec le reste de mes troupes, lorsqu'un feu d'artillerie assez nourri s'ouvrit tout à coup sur ma droite.
Mon chef d'état-major général, le colonel Schmitz, se porta de lui-même en avant dans la direction du canon de l'ennemi et vint me rendre compte que le point d'où partait la canonnade semblait être le centre de la première ligne de défense. Cet officier supérieur n'hésita pas à désigner ce point comme indiquant la véritable position du pont qui devait nous être caché quelque temps encore par des groupes de maisons entourées d'arbres et par les masses profondes qui dissimulaient ses abords. J'ordonnai au général Jamin de faire déployer à droite, face au canon, le bataillon de chasseurs, les fuséens, la batterie de 12 et de faire avancer le plus promptement possible, pour former notre droite, les bataillons du 101e. Ce mouvement laissait entre le petit corps du général Collineau et moi un intervalle qu'il était urgent de remplir. J'envoyai le chef d'escadron Campenon, de l'état-major général, porter l'ordre à ces troupes de se rabattre sur nous ; mais cet ordre ne put s'exécuter avant l'entrée en ligne de l'armée anglaise, car, en ce moment, la cavalerie ennemie débordait nos deux ailes.
Le Seng-ouan profita habilement de ces circonstances pour charger en masse et nous envelopper de toutes parts ; au centre, la charge, répétée plusieurs fois avec des cris sauvages, fut repoussée par les fuséens, la batterie de 12 et les chasseurs à pied. À gauche, elle vint se briser contre la petite poignée d'hommes du général Collineau, devant la précision du tir de la batterie Jamont et devant la cavalerie anglaise qui débouchait sur le champ de bataille. Les cavaliers tartares échouèrent également à notre droite, où ils furent reçus par le 101e de ligne, disposé avec habileté et sang-froid par son chef, le colonel Pouget.
Comme le 18, nos troupes étaient sorties de ce cercle de cavaliers ; ces charges repoussées, la position de ma gauche, où l'armée anglaise venait de se déployer, ne me laissaient plus d'inquiétudes
Je pouvais rapprocher de moi le petit corps du général Collineau, et je lui ordonnai de tourner le village de Pa-li-kiao par un mouvement de conversion à droite, en gagnant le bord du canal, tandis que le général Jamin attaquerait de front en marchant droit au pont ; le village, abordé avec la plus grande vigueur, fut défendu pied à pied par l'infanterie chinoise ; on ne peut réellement expliquer que par l'infériorité de son armement les pertes peu considérables qu'un ennemi aussi nombreux et tenace nous a fait subir. Mais la prise du village ne devait pas terminer la lutte ; pendant que le général Collineau, arrivé sur les bords du canal, apercevait le pont de Pa-li-kiao et le prenait d'écharpe avec son artillerie, j'ordonnai au colonel de Bentzmann de faire avancer les fuséens et la batterie de 12 pour battre le pont d'enfilade et pour tirer sur les pièces qui le défendaient. Notre infanterie, marchant de maison en maison, était parvenue à s'emparer de celles qui sont sur le bord du canal et couvrait de son feu tous les abords.
En ce moment le pont de Pa-li-kiao offrit un spectacle qui certainement, est un des épisodes les plus remarquables de la journée. Tous les cavaliers, si ardents le matin, avaient disparu. Sur la chaussée du pont, monument grandiose d'une civilisation vieillie, des fantassins richement vêtus agitaient des étendards et répondaient, à découvert, par un feu heureusement impuissant, à celui de nos pièces, à notre mousqueterie ; c'était l'élite de l'armée tartare qui se dévouait pour couvrir une retraite précipitée. Au bout d'une demi-heure, le feu concentré de nos batteries fit taire le canon de l'ennemi. Le général Collineau, joignant à son avant-garde la compagnie du 101e du capitaine de Moncetz, passa le pont. Il s'engagea sur la droite de la route de Pékin dans la direction prise par la masse des fuyards, et je le suivis avec le reste de mes troupes. Il était midi et, depuis 7 heures du matin, nous n'avions pas cessé de combattre ; l'ennemi avait disparu dans p.280 un état de désorganisation complète, couvrant de ses morts le champ de bataille .
J'ordonnai de faire halte et, après deux heures de repos, mes troupes étaient établies dans les camps et sous les tentes des soldats du Seng-ouan à 20 kilomètres de Pékin. Les journées des 18 et 21 ont valu aux armées alliées 100 pièces de canon. En terminant ce rapport, monsieur le maréchal, je sens bien que la plume est impuissante à donner une idée vraie de ce qui se passe autour de nous. L'ennemi nous entourait à perte de vue ; les rapports des prisonniers et des espions, reçus après ma première dépêche, pour ne pas parler des plus exagérés, varient dans l'évaluation des forces chinoises de 40 à 60.000 hommes. Tout cela est si étrange que, pour se rendre compte de nos succès, il faut remonter bien haut dans le passé et se rappeler les victoires constantes de quelques poignées de soldats romains sur les hordes barbares. Je ne peux pas décerner de nouveaux éloges aux troupes que je commande. Je prie Votre Excellence d'appeler sur tous la bienveillance de l'Empereur et l'intérêt du pays.
(Rapport du général Montauban)

Sergent Auboin, 101e RI
Fait officier à la fin de la campagne

Sous lieutenant Portenseigne
101e RI
Cité à Palikao

Fusilier Boluix
101e RI - Cité à Palikao
Décoré en 1870
passé comme Capitaine au 125e régiment territorial

Lieutenant Avezard
101e RI
Cité à Palikao

Sous lieutenant Chevroton, 101e RI
Nommé instructeur à Saint Cyr au retour de la campagne.

Sous lieutenant Mareschal
101e RI
Passé comme Lieutenant au 3e régiment des voltigeurs
de la Garde au retour de la campagne

Capitaine de Bouillé
Aide de camp du général de Montauban
Cité pour sa bravoure

Lieutenant Prud'homme
commande une compagnie durant la bataille

L'armée chinoise est mise en déroute, elle ne reparaîtra plus.
Le corps expéditionnaire s'installe dans le camp laissé vacant par les troupes chinoises jusqu'au 5 octobre, date de la reprise de la marche sur la capitale en raison de nouvelles tergiversations de la diplomatie du celeste empire.
Le 7 octobre le palais d'été de l'empereur de Chine est atteint et l'armée y decouvre d'inestimables trésors. Une partie est confisqué pour en faire cadeau à l'empereur et l'impératrice francais, ainsi qu'à la reine Victoria, 800.000 francs sont distribués aux troupe.
Le lendemain, la palais est mis à sac :
Il y eut aux postes gardées une poussée irresistible, les sentinelles furent enlevées ; tout le monde entra malgré les efforts des officiers et fit main basse sur les objets d'art et les trésors. En un jour tout fut enlevé, brisé ou souillé ; ce qui ne put être pris ni emporté fut saccagé et mis en pièces. On circulait sur un fumier de soie, d'argent de porcelaines, d'émaux et de tentures. On sortait de ce palais dévasté, fouillés, pillés, le coeur plein de tristesse, tant ce spectacle d'une ruine subite, succédant si tôt et si brutalement à la richesse et à la splendeur, était quelque chose de navrant.
(Historique du 2e bataillon de chasseurs)"

Le 14 octobre 1860, l'armée entre dans Pekin. La campagne militaire est terminée.




Autres personalités de la campagne

 

Barthélémy Béchade

Né le 23/3/1816 en Gironde Barthélémy Béchade est docteur en médecine de le faculté de Montpellier. Médecin militaire, il a fait plusieurs campagne en Algérie et a recu un témoignage de satisfaction pour sa belle conduite lors du Choléra en Algérie en 1856.

Il est médecin major de 2e classe quand il embarque pour la Chine en novembre 1859 pour rejoindre le corps expéditionnaire. Il y reçoit la croix de la légion d'Honneur le 16/8/1860 ("19 ans de service effectif, 13 campagnes.")

Après avoir servi en 1870 à l'armée du Rhin, de la Loire et de l'Est, il finit sa carrière comme médecin principal de 2e classe à l'hopital de Versailles, officier de la Légion d'Honneur.

Il est mort en 1893

   

   

Lieutenant Colonel Dupin

Chef des services topographique du corps expéditionnaire, il réalise, au péril de sa vie, plusieurs reconnaissances pour le corps expéditionnaire, d'abord le 31 juillet pour reconnaitre la position du débarquement de Pe Tang, puis après le débarquement, en reconnaissant les positions tartares devant les forts du Pei Ho, action pour laquelle il recevra les remontrances du général de Montaubon pour son imprudence.
Il se signale aussi lors de la prise des forts de Ta-Kou en demandant de faire partie de l'assaut. Il est cité pour son rôle cette journée et promu Colonel à la fin de la campagne.

Charles Cousin de Montauban

Fils du chef du corps expéditionnaire, il accompagne son père comme aide de camp.
Il bénéficie à deux titres de la campagne, en premier lieu par une promotion facile au grade de chef d'escadons, après seulement cinq ans d'ancienneté comme Capitaine. Mais aussi ramenant de la campagne une partie des tresors dérobés après le sac du palais d'été. ."le jeune Palikao a été le pillard le plus effronté de l'armée de Chine" et qu'il est revenu "précédé de deux cent grandes caisses contenant les produits de sa razzia" (Memoires de Viel Castel).

   

   

Maurice d'Irisson

Choisi par le général Montauban comme interprête durant l'expédition, il sert administrativement au 2e régiment de Spahis dont il poste ici la tenue
Il participe aux premières loges à tous les événements de la campagne, il a raconté ses souvenirs imagés dans "un journal d'un interprète en Chine".

Louis Conrad Sengenwald

Né le 2/6/1839, cet héritier d'une importante famille de négociants strasbourgeois s'engage à 20 ans comme cannonier au 6e régiment de pontonniers, un mois seulement avant la désignation de sa compagnie pour l'expédition de Chine.
Ayant quitté Strasbourg le 26/11/1859, la troupe rejoint Shanghai le 24/5/1860 et s'attèle à la construction d'un équipage de ponts de chevalets qui va accompagner le corps expéditionnaire durant toute la campagne, assurer le passage de nombreux cours d'eau jusqu'à Pekin et faisant occasionellement le coup de feu contre les Chinois.

Après de nombreuses péripeties, la compagnie rentre en France après une absence de deux ans. Le jeune Sengenwald revient de l'expédition avec de nombreux souvenirs, la médaille de Chine et un goût pour l'aventure qui le motive à se présenter à l'école de Saint Cyr dont il suit la scolarité en 1863/1864. Nommé Sous Lieutenant le 1/10/1864, il rejoint alors l'Algérie et le 3e régiment de chasseurs d'Afrique dont il porte la tenue sur ce cliché de l'atelier Baudelaire à Strasbourg, probablement pris peu avant son départ pour l'Afrique.

Sengenwald sert alors quatre années en Algérie où il est notamment détaché dans les bureaux arabes. Sa carrière s'interrompt prématurément le 14/3/1868 par sa noyade accidentelle dans le Rhumel, cours d'eau de la province de Constantine.

   

   

Joseph Nicolas Jénat

Sous Lieutenant du train des équipages, Joseph Jénat a été promu officier en 1855 au 5e escadron. Il fait partie du détachement de l'escadron envoyé en Chine pour la campagne et reçoit la croix d'officier de la Légion d'Honneur le 29/12/1860 ("13 ans de services, 12 campagnes"). Seuls deux officiers du train sont décorés lors de la campagne.

Jénat fait ensuite campagne en Cochinchine, où il reçoit la croix espagnole d'Isabelle la catholique. Promu capitaine en 1868 (notre photo), puis chef d'escadrons en 1878, il prend sa retraite en 1882.

Retour de campagne
 
27 novembre 1860. Le Fullong part aujourd'hui pour Suez. Il porte à bord les membres de la commission militaire chargés d'offrir à LL.MM l'empereur et l'impératrice les présents envoyés par l'armée de Chine.
Cette commission est composée de MM Campenon, lieutenant colonel d'état major, Bourcart, capitaine d'infanterie et de Braux d'Anglure, sous lieutenant de chasseurs à cheval, attaché à l'état major général. Tous ces officiers cités plusieurs fois à l'ordre du jour pendant la brillante campagne de Chine ont bravement contribué à tenir haut le drapeau de la France. On ne pouvait donc faire un meilleur choix.
(Journal de la campagne de Chine - Charles de Mutrécy).

Photo Disdéri (Paris)

   

 

Le 2e bataillon de chasseurs dans la campagne de Chine

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