L'assaut manqué de Puebla (5/5/1862)
Après avoir pris le commandement du corps
expéditionnaire du Mexique en avril 1862, le Général de Lorencez se trouve à la
tête d’un petit contingent de 7.500 hommes, composé du 1er bataillon de
chasseurs à pied, de deux bataillons du 2e régiment de zouaves, du 99e régiment
d’infanterie de ligne, d’un régiment d’infanterie de marine, d’un bataillon de
fusiliers marins et de quelques troupes de support (un escadron de cavalerie, 3
batteries d’artillerie).
Trompé par l’optimisme des diplomates qui sont
persuadés que les Mexicains se rallieront à l’armée française, et persuadé de ne
faire qu’une bouchée des troupes ennemies, de Lorencez entame sa progression
vers Mexico avec ce petit corps expéditionnaire. Parti d’Orizaba, l’armée
franchit l’obstacle des Cumbres le 28 avril et se présente devant Puebla le 5
mai. Ses espoirs de ralliement sont cependant déçus et la ville semble vouloir
se défendre. N’ayant pas d’autre alternative que la retraite, de Lorencez se
décide à tenter l’assaut, bien que ses troupes soient en infériorité numérique
importante.
Extraits du "Corps Lorencez devant Puebla - Prince Bibesco"
Cependant, le regard tourné vers la ville, le général semblait attendre l'effet de ces promesses tant de fois répétées depuis le jour de son débarquement. Vainement il cherche dans cette plaine devenue tout à coup silencieuse « l'enthousiasme de Puebla l'antijuariste », les « dix mille hommes de Marquez », qui auraient dû s'y trouver en même temps que lui ; et ce « grand parti de l'intervention», qui, depuis trois mois, lui était annoncé, chaque jour, pour le lendemain! Rien dans la plaine, rien sur la route. Soudain, retentit un coup de canon, un seul. Il est parti du fort de Guadalupe. A ce signal, qui est peut-être pour l'ennemi celui du combat, le général prend ses dispositions d'attaque.
Trois colonnes sont formées :
La première comprend deux
bataillons du 2e régiment de zouaves et dix pièces. Elle a ordre de franchir le
ravin, de marcher parallèlement au fort de Guadalupe dans la direction de droite
; puis, une fois arrivée à la hauteur du fort, de tourner à gauche et de se
diriger vers lui.
La seconde, composée du bataillon de marins et d'une
batterie de montagne servie par la marine, a pour mission de suivre la première
et de s'opposer, pendant sa marche, à tout mouvement tournant sur son flanc
droit.
La troisième, forte d'un bataillon d'infanterie de marine, devra
s'établir en arrière de la ligne formée par les zouaves, et se tenir prête à les
appuyer.
De son côté, l'intendant Raoul est chargé d'installer provisoirement l'ambulance derrière une maison en ruine, et de faire transporter l'ambulance volante à quinze cents mètres plus en avant, dans une grande ferme, la Rementeria, propre à abriter les blessés. La garde du convoi massé sur la route de Puebla, en arrière de la garrita de Amozoc, et la surveillance de cette route sont confiées aux quatre seuls bataillons qui restent encore disponibles. L'escadron de cavalerie est particulièrement chargé d'éclairer les flancs et les derrières de la brigade. Le général donne l'ordre de commencer le mouvement. Aussitôt, les trois colonnes franchissent le ravin, et marchent à travers la plaine, dans la direction qui leur est indiquée.
En ce moment une ligne de feu
éclaire la face du fort qui a vue sur notre attaque, et des boulets bien dirigés
viennent ricocher au milieu de nos lignes, Plus de doute, c'est la lutte ! Il
est midi. Voilà notre colonne de tête qui arrive au changement de direction;
elle fait un à gauche, et, pendant que l'artillerie prend position à deux mille
deux cents mètres de Guadalupe, les zouaves se déploient des deux côtés de nos
batteries, attendant, l'arme au pied, l'ouverture d'une brèche qu'ils sont
impatients de franchir. Le feu de notre artillerie
commence; celui de l'ennemi devient plus vif. D'un point de la campagne qu'il a
choisi pour mieux juger de ce combat, le général a bientôt constaté que notre
tir, malgré sa justesse, est menacé de rester sans effet. Il envoie aussitôt au
commandant de l'artillerie l'ordre de se porter en avant, et de recommencer le
feu. Toutefois, la disposition du terrain est telle, qu'on perd complètement de
vue le fort quand on s'en approche, et qu'il n'est pas possible, pour le
canonner, de placer les dix pièces d'artillerie montées à une distance plus
proche que deux mille mètres. Au delà se présente une nouvelle barranca (ravin),
au sortir de laquelle commencent les pentes qui conduisent à Guadalupe. Aussi
l'ennemi, dont les pièces sont parfaitement servies, a-t-il, dès le
commencement, l'avantage du tir; et nous nous voyons forcés, au bout de cinq
quarts d'heure d'une canonnade qui a épuisé la moitié de nos munitions sans
endommager les défenses de Guadalupe, de remettre le sort de la journée à
l'intrépidité de notre infanterie seule.
Le général est déjà accouru; déjà il a formé deux
colonnes avec toutes les troupes présentes sur le lieu du combat, et il leur a
montré les faces de Guadalupe, sur lesquelles elles reçoivent l'ordre de
s'élancer.
D'un côté, c'est le commandant Cousin qui, à la tête d'un
bataillon de zouaves, franchit à gauche les formidables mouvements de terrain
placés devant lui, et va atteindre le pied du glacis; de l'autre, c'est le
commandant Morand qui se dirige obliquement à droite avec un autre bataillon de
zouaves, pour se rabattre ensuite sur Guadalupe, en cherchant à s'abriter des
feux de Loretto. Deux détachements de sapeurs suivent chaque colonne. Ils
emportent chacun une planche garnie d'échelons cloués, moyen d'escalade bien
insuffisant, mais le seul que la précipitation des événements permette de leur
procurer. Le détachement de gauche est muni, en outre, d'un sac de poudre
destiné à faire sauter la porte du réduit.
Sentant que la victoire dépend du coup d'audace tenté en
ce moment, le général n'hésite pas à envoyer chercher le bataillon de chasseurs
à pied resté à la défense du convoi, et à le faire conduire sur la position. Il
sera le soutien du bataillon Cousin. Le général et son état-major suivent le
mouvement des troupes pour aller s'établir sur un point d'où il soit aisé de
tout voir et de tout diriger. Reconnu par l'ennemi à son fanion, depuis qu'il
est en plaine, le général n'a point cessé d'être le point de mire des artilleurs
mexicains, mais la mort n'a encore fait que menacer, voilà maintenant qu'elle
frappe à ses côtés. Un boulet arrive, ricoche, enlève de cheval le sous
intendant Raoul, et le jette expirant dans la poussière. L'abbé de la division
passe en ce moment; il voit le malheur, il accourt, met pied à terre; et,
soutenant le mourant d'une main, il le bénit de l'autre. Touchant spectacle que
celui de cette calme et sereine bénédiction du prêtre au milieu de la mort qui
l'environne.
Cependant la lutte continue plus terrible. A mesure que
nos colonnes approchent du fort, la défense se multiplie, le feu redouble; ce
n'est bientôt plus dans l'air qu'un sifflement non interrompu de boulets et de
balles. A gauche, les chasseurs à pied viennent de paraître sur la position ;
les voilà qui s'élancent à côté des zouaves. Quelle lutte d'héroïsme entre ces
hommes pour escalader les formidables murailles encore intactes de Guadalupe!
Ils sont électrisés par la vue de leur drapeau, qui s'est planté fièrement sur
le rebord de la contrescarpe, à quelques pas de la gueule des canons mexicains.
Une balle frappe mortellement le porte-drapeau; un sous-officier le remplace et
tombe à son tour. Alors, un vieux zouave, auquel son ancienneté et sa réputation
de bravoure ont acquis le singulier privilége d'appeler ses officiers : « Mes
enfants », saisit à son tour le drapeau, et, le brandissant au-dessus de sa tête
avec un geste de défi : « Venez le chercher! » s'écrie-t-il d'une voix tonnante.
Mais aussitôt, serrant, par un mouvement convulsif, son précieux trésor contre
sa poitrine, il s'affaisse et roule avec lui dans le fond du fossé. En vain nos
soldats franchissent le fossé et couronnent en grand nombre la partie du parapet
qui est en terre ; tous les efforts viennent se briser contre un réduit
inexpugnable, dont l'église forme le centre et dans lequel sont disposés trois
étages de feu. Enfin, comme pour rendre impuissants nos derniers efforts, un
violent orage accompagné de torrents de grêle et de pluie s'abat sur la plaine :
le sol, détrempé en quelques instants, cède sous les pas de nos hommes, qui
glissent dans le fond du fossé, d'où ils sont rejetés sur le
glacis.
Pendant que cet assaut prodigieux se livre à la gauche,
la colonne Morand attaque la droite de la position. Mais, de ce côté, le terrain
n'est pas moins hérissé de défenses de toute nature, défenses infranchissables
pour nos troupes, dans les conditions où elles se trouvent. Deux lignes
d'infanterie mexicaine, bien embusquées, appuyées par une nombreuse cavalerie,
sont déployées sur la crête qui rejoint le fort Guadalupe à celui de
San-Loretto. Nous marchons droit sur l'ennemi ; mais nous sommes pris aussitôt
en flanc par la batterie de Loretto, invisible jusqu'alors, et qui nous cause
des pertes sensibles. Les marins et la batterie de montagne, tenus en réserve,
sont envoyés succesbivement au secours des zouaves, et le combat reprend avec un
nouvel acharnement. Un moment, nous croyons à un secours; une cavalerie aux
insignes de la suite du général Almonte s'élance du fort vers nous, au cri de :
« Almonte! Almonte! » Sans doute ce sont des amis. Quelle joie de leur ouvrir
nos rangs ! L'illusion n'est que trop courte. Les cavaliers nous chargent à
outrance, et, revenant sur leurs pas pour rentrer au fort, ils achèvent
impitoyablement les blessés qu'ils trouvent étendus sur leur passage. D'autre
part, nos troupes, prises entre les feux croisés du fort et des masses
accumulées sur la hauteur, fléchissent sous la mitraille, et finissent par se
replier derrière les premiers mouvements de terrain. Leur concours manque donc à
l'attaque de gauche.
Au même moment, un combat héroïque se livrait dans la
plaine, entre deux compagnies de chasseurs à pied et une partie de la cavalerie
mexicaine. Restées en arrière de leur bataillon, qui montait à l'assaut,
déployées en tirailleurs, face aux jardins de Puebla, pour protéger le flanc des
chasseurs, ces deux compagnies s'étaient vues, tout à coup, assaillies par une
nuée de cavaliers : se rallier au pas de course autour de leur chef, faire face
à l'ennemi et le recevoir à bout portant furent l'affaire d'un moment. Les
escadrons mexicains lancés à bride abattue vinrent se heurter contre les
baïonnettes des chasseurs, sans pouvoir rompre leur faisceau. Une seconde charge
eut le même sort que la première ; et l'on put voir, après quelques moments
d'angoisse, les deux compagnies françaises (cent trente hommes environ) sortir
victorieuses et sans s'être laissé entamer, d'un combat livré contre quatorze à
quinze cents cavaliers.
Il est quatre heures. On marche depuis cinq heures du matin, et l'on se bat depuis midi. Témoin des efforts surhumains de ses troupes, pendant cette lutte inégale, reconnaissant l'impossibilité de faire une tentative nouvelle sur Guadalupe, le général de Lorencez donne le signal de la retraite. La victoire n'était plus possible; il fallait subir notre échec en songeant à le réparer. Cependant ce fut loin d'être une déroute; ce fut une retraite, où il n'y eut pas que l'honneur de sauf : la gloire elle-même fut sauve.
Historique du 2e régiment de Zouaves
L'oeil constamment fixé à sa lorgnette, le général de
Lorencez regarde les forts de la ville et constate avec dépit le peu de succès
de notre artillerie. Comme le tir dure depuis une heure et demie te que cette
situation désavantageuse de nos batteries ne peu que s'accentuer, le général se
résoud à tenter un coup d'audace et donne enfin l'ordre à ses colonnes d'assaut
de se mettre en mouvement.
Le 1er bataillon du régiment à droite, commence à
s'élever sur les pentes, marchant dansla direction du fort Loreto des feux
duquel il s'abrite le mieux possible en profitant des formes du terrain ; avant
d'atteindre ce fort, il doit opérerun changement de direction à gauche et se
lancer avec impétuosité sur le Guadalupe.
Pendant ce temps, le 2e bataillon,
avec le colonel Gambier à sa tête, s'avance droit sur le fort de Guadalupe. Le
bataillon est déjà arrivé à mi côte, lorsque le général donne l'ordre à 4
compagnies du 1er chasseurs à pied de soutenir sa gauche car l'effort à fournir
de ce côté va être énorme tout à l'heure.
des deux xôtés les boulets ennemis
viennent s'abbatre sur le terrain que parcourent la bataillons d'assaut. En
arrière, l'infanterie de marine formant la réserve, suit le
mouvement.
Enfin, le 2e bataillon, enforcé par les chasseurs à pied
est arrivé au pied du fort, sans que les balles et les boulets aient pu arrêter
son élan. Les zouaves franchissent le fossé profond et s'élancent maintenant sur
le parapet, rivalisant d'héroïsme avec les chasseurs. Là, les feux convergents
du fort, des maisons, des églises, prennet pour cible la colonne
d'assaut.
Massés en bas du parapet dont les parois, taillées à pic dans le
roc, sont trop glissantes pour permettre l'escalade, les zouaves, écumant de
rage, se sentent impuissants ; quelques uns se cramponnenet aux rares aspérités
du rocher, parviennent à s'élever jusqu'à l'embrasure des pièces et s'efforcent
de pénétrer dans le fort, mais leurs mains crispées sur la pierre sont hachées
par les défenseurs et les malheureux retombent tout ensanglantés au fond du
fossé où ils sont achevés par la fusillade, qui de touts les ouvertures se
concentre sur eux.
Officiers et soldats tombent pour ne plus se relever. les
cadavres amoncelés forment bientôt un talus d'où ceux qui restent se rapprochent
de l'ennemi. Mille actions héroïques s'accomplissent alors dans cet etroit
espaceoù vient se briser la téméraire et folle audacedes braves, qui veulent
quand même arracher au sort une victoire impossible.
Le sous lieutenant Caze
se fait hisser jusqu'à une embrasure et tandis que la piece sur laquelle il
s'appuie crache sa volée de mitraille, il décharge à bout portant son revolver
sur les servants.
Le porte drapeau Forcade est frappé à mort au moment où il
franchit le fossé. Le drapeau s'echappe de ses mains. Un segrnet se précipite et
le relève, l'agit et s'ecrie "Venez donc me le prendre !". Une balle le
frappe en pleine poitrine. Nombreux encore seraient les récite inouïs de
bavoure, que l'on pourrait faire de cet assaut, où chaque zouave, au milieu du
crépiement des balles, du tonnerre de la canonnade et de l'appel affolé du
clairon, sentit passer dans son âme ce jour là le souffle héroïque du
martyre.
Tandis que le 2e bataillon sous les murs du fort de
Guadalupe, mourait héroïquement, le 1er bataillon de son côt venait lui aussi se
briser contre la masse ennemie si supérieure en nombre. Il avait trouvé dans sa
marche, sur la droite de la position, une foule de défenses imprévues, presque
infranchissables, touffes épaisses d'aloès, ravins, rochers, qu'il avait
pourtant franchies quand même. Puis, tandis que des forts et des murs, une
fusillade nourrie convergeait sur lui, brusquement deux lignes mexicaines,
solidement embusquées, courronnaient les crêtes qui joignenet le Guadalupe au
Loreto. Cinq bataillons ennemis, 3000 hommes, venaient maintenant ajouter leurs
efforts au feu terrible qui déjà décimait le malheureux bataillon s'avancant
tourjours.
Alors trois compagnies de Zouaves, les premières lignes, déposent
leurs sacs pour courir plus aisément à l'ennemiet, têtes baissées, elles se
précipitent au devant des balles. mais voila que leur élan les amènent
maintenant sur le terrain battu de flanc par les batteries du fort Loreto. De
longues files d'hommes tombent en même temps sous les boulets ennemis. Le
capitaine de Simonneau est emporté. En quelques minutes les pertes deviennent
énormes. Les zouaves, sans reculer d'un pass'arrêtent, tandis que l'infanterie
de marine en réserve, accourt vers eux. Puis l'assaut reprend une deuxième
foisavec une nouvelle viguer, celle que donne le desepoir.
Les tirailleurs
mexicains sont repoussés à coups de baïonnettes, et les zouaves arrivent à 200
metres du fort de Guadalupe. mais les survivants du 1er bataillon sont trop
peu nombreux maintenant pour contiuer l'assaut, et les forces ennemies
augmentent à chque instant devant eux. Comme à la gauche de la ligne, mille
actes d'héroïsme s'accomplissent , qui viennent s'anéantir contre la brutale
force du nombre. Enfinle commandant Morand, voyant que tout est perdu, fait
sonner le ralliement et, avec les hommes qui restent encore debout, vient se
relier à l'abri, derrière un mouvement de terrain, attendant là, fièrement sans
reculer, l'issue de cette lutte suprème.
Il est 4 heures, le général fait sonner la retraite. La terrible journée est terminée et tandis que les troupes engagées se retirent, ce sont encore les zouaves qui, s'étant maintenus en face de la Guadalupe, protègent la retraite. lentement, en bon ordre, emportant tous les blessés, et sans que l'ennemi ose les inquiéter, les troupes viennenet s'établir au bivouac au pied même des hauteurs qui avoisionnent la ville.
7 officiers tués, 8 blessés, 89 hommes tués, 194 blessés, telle est la part de deuil du régiment.
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Les trois commandants des bataillons d'assaut :
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La bataille ayant fait d'importantes pertes dans le corps des officiers, ouvre des promotions :
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Historique du 1er bataillon de chasseurs à pied
Au signal de l'attaque, 4 compagnies du bataillon et un bataillon du 2e zouaves s'élancent à l'assaut du Guadalupe. ; en vain, ils franchissent un fossé profond, obstacle aussi sérieux qu'imprévue, en vain, ils luttent d'héroïsme pour escalader le couvent resté intact sous le feu de notre artillerie ; quelques uns parviennent à se hisser sur la muraille ; mais tous leurs efforts restent impuissants devant un réduit solide, garni d'un triple étage de feux. Tous tombent glorieusement, seul le clairon Roblet se maintient longtemps debout au sommet du mur, sonnant la charge sous une grêle de balles ; il ne se décide à quitter son poste que lorsqu'il est certain que l'attaque ne peut recommencer : il fut cité pour son courage à l'ordre de l'armée et décoré de la légion d'Honneur.
pendant ce temps, les deux dernières compagnies du bataillon, sous les ordres du commandant Mangin, gravissent les pentes du Guadalupe pour se porter à l'aide des compagnies d'assaut, tout en couvrant leur flanc gauche. Tous à coup, des jardins de Puebla s'élance une nuée de 1400 ou 1500 cavaliers mexicains. Nos chasseurs se rallient au pas de course autour de leur chef, forment le carré et reçoivent la charge par un feu à bout portant. L'élan des cavaliers mexicains, lancés à bride abbatue, vient se briser contre les baïonnettes des chasseurs qu'ils ne peuvent entamer. Une deuxième charge qui succède à la première est repoussée avec le même succès.
Le bataillon perd à l'attaque de Puebla 4 officiers et 31 hommes tués, 5 officiers et 68 hommes blessés. Sa belle conduite et l'energique resistance qu'il a opposé à la cavalerie mexicaine lui valut une citation à l'ordre du corps expéditionnaire.
Commande le 1er bataillon de chasseurs.
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Historique des troupes
coloniales
J'arrive aux événements qui ont eu lieu
dans la journée du 5 mai.
A 9 heures, nous étions à
trois quarts de lieue de cette grande ville, dont nous admirions déjà les tours
et les monuments qui la dominent de tous
côtés. On nous prévient qu'une heure de repos
est accordée pour prendre le café et se préparer à se porter en avant. Aussitôt
après, la colonne s'est mise en mouvement.
Conformément
aux ordres qui m'avaient été transmis par des officiers d'ordonnance, quatre
compagnies du régiment, commandées par le capitaine Bossant, furent placées sous
les ordres du colonel L'Hérillier, du 99e de ligne, pour opérer conjointement
avec le 1er bataillon de chasseurs à pied. Je reçus ordre, de mon côté, de me
diriger, avec le 1er bataillon du régiment (commandant d'Arbaud), pour soutenir
l'attaque combinée des deux bataillons du 2e régiment de zouaves et d'une
batterie montée d'artillerie contre le fort qui commande l'entrée de la ville de
Puebla. M. le lieutenant-colonel Charvet était resté avec nous. J'oubliais de vous dire qu'une des six compagnies restées sous mes ordres
directs (la 8e, capitaine Petit) avait été
désignée pour protéger l'ambulance qui allait s'organiser dans une habitation
voisine du champ de bataille. Le 1er bataillon ne comptait plus, par conséquent,
que cinq compagnies, formant un effectif de 310 combattants,. sous-officiers,
caporaux et soldats.
L'attaque commença à midi. Une seconde
batterie venait de prendre aussi position à une centaine de mètres environ de la
première ; mais bientôt elle fut menacée par la cavalerie mexicaine. Le général
en chef me fit donner l'ordre de me porter immédiatement, par un mouvement
tournant, sur le flanc droit, de manière à protéger efficacement cette batterie.
Cette mesure produisit tout l'effet qu'on pouvait en attendre ; car les
cavaliers mexicains s'éloignèrent et ne reparurent plus de ce côté. Dès lors, il
me restait à exécuter le premier ordre qui m'avait été transmis, c'est-à-dire de
soutenir l'attaque des zouaves.
Il était environ 1 h. 30.
Le feu de la mousqueterie redoublait avec une force incroyable. Le moment
paraissait décisif. Je me lançai avec mon bataillon au secours des zouaves au
milieu des boulets, des balles et de la mitraille. En un moment nous étions
rendus sur le champ de bataille. La lutte était terrible ; nos soldats, mêlés
avec les zouaves, se battaient comme des lions, mais sans résultat. Que
pouvaient-ils faire, en effet, contre des murailles restées intactes et
défendues par une masse de combattants parfaitement abrités ? Pendant ce temps, je fus informé que nous étions tournés par de la
cavalerie mexicaine. Aussitôt je ralliai autour de moi tous les soldats du
régiment que je pus réunir. Je me dirigeai sur nos sacs qui pouvaient être
menacés et que j'avais fait déposer afin d'alléger les hommes. Après avoir remis sac au dos, je replaçai ma colonne en ordre pour
résister à la cavalerie ; mais à peine étions-nous rangés qu'elle changea de
direction.
J'allais retourner sur le plateau avec ma
troupe, quand M. le Commandant du train me dit qu'une nouvelle ambulance était
établie à deux pas de lui et que, si je ne la protégeais pas, il lui était
impossible de rester et, par conséquent, les malades seraient abandonnés. Je lui
promis d'attendre jusqu'à ce que l'évacuation fût complètement terminée. La
pluie et la grêle tombèrent alors avec une telle violence qu'il fut impossible
de continuer l'évacuation. Le départ de ma petite colonne fut donc retardé par
une cause tout à fait imprévue. Il fallut se soumettre et, pendant ce temps,
arriva l'ordre de nous retirer.
Il était environ 6
heures. Je ralliai le reste du bataillon et repris la direction qui m'était
indiquée, essuyant le feu des batteries ennemies pendant tout le cours de la
retraite. Arrivé à peu près hors de portée du canon, je reçus ordre de revenir,
par un mouvement tournant, du côté de la grande ambulance, de manière à protéger
l'évacuation des blessés. Je me rendis au lieu indiqué, et dès que cette
opération fut terminée, le bataillon reprit la route du camp, où nous arrivâmes
à 10 heures du soir.
Après l'action, deux des quatre compagnies,
sous les ordres de M. le capitaine Bossant, vinrent rallier le 1er bataillon.
J'appris alors que les 4e et 10e compagnies, placées provisoirement dans le 2e
bataillon, parce qu'elles se trouvaient détachées à l'arrière-garde du premier
convoi, avaient pris part au combat qui s'était engagé du côté opposé à nous.
Sur nos deux bataillons, forts de dix compagnies, il n'y en a donc que sept qui
se soient battus. Vous verrez par ces détails que j'avais été dans l'obligation
de prendre deux compagnies du 2e bataillon pour avoir un bataillon présentable.
Le 1er bataillon était composé par conséquent des 2e, 3e, 11e, 12e, 5e et 8e,
et te 2e bataillon des 4e, 10e, 9e et 22e
compagnies.
Je n'insisterai pas beaucoup, mon général,
pour vous convaincre que le 2e régiment d'infanterie de marine s'est vaillamment
battu pendant la rude journée du 5 mai.
Le chiffre de nos pertes atteste
suffisamment la part glorieuse qu'il y a prise. Je regrette seulement que le
succès n'ait pas répondu à nos efforts.
Il me reste à vous donner le chiffre des
militaires du régiment dont la mort est connue, de ceux des blessés et enfin de
ceux qui sont restés sur le champ de bataille et que je comprends dans les
disparus.
Officiers tues. 3 — blessés. 2 Hommes de troupe tués. 4 — -- blessés 55 —
— disparus, tués ou blessés. 35 total. 99. Soit 99 officiers,
sous-officiers, caporaux et soldats hors de combat, à peu près le tiers de
l'effectif présent à l'affaire.
Les officiers tués sont : MM. le capitaine Léris, le
lieutenant Courteau et le sous-lieutenant Crovizier ; M. le lieutenant Lemaire a
été blessé d'un coup de feu au genou, et M. le lieutenant Poron a été blessé
gravement d'un coup de feu au bras droit.
Le général en chef a nommé provisoirement pour remplacer
les morts : Au grade de capitaine : M. le lieutenant Braquet, en remplacement de
M. le capitaine Léris. Au grade de lieutenant : MM. les sous-lieutenants :
Bruzard, en remplacement de M. Courteau, et Gineston, en remplacement de M.
Braquet. Au grade de sous-lieutenants : MM. Pressard, adjudant, en remplacement
de M. Crovizier ; Crozet, sergent-major, en remplacement de M. Bruzard ; Pouilh,
sergent-major, en remplacement de M. Gineston ; Desmier, sergent-major, en
remplacement de M. Parmentier.
Conformément à un ordre du général en chef, je lui ai adressé des demandes de récompense en faveur des officiers, sous-officiers, caporaux et soldats du régiment qui se sont plus particulièrement fait remarquer pendant le combat du 5 mai. Je vous transmets le duplicata des états nominatifs que je lui ai remis hier soir : (Avaient été proposés : Pour colonel : le lieutenant-colonel Charvet; pour chefs de bataillon : les capitaines Bossant et Le Camus; pour capitaines : les lieutenants Paliard, Goudard et Breton; pour sous-lieutenants : les adjudants Guitton et Bravet, les sergents-majors de Lespinez et Bouvier. Pour commandeur de la Légion d'honneur : le colonel Hennique ; pour officiers : les chefs de bataillon d'Arbaud et Campion, et le capitaine Lemaire; pour chevaliers : les capitaines Sasias et Ohasseriaud; les lieutenants Letournoulx-Villegeorges et Sorel; les sous-lieutenants Poron, Poincignon; le sergent Villemot, le soldat Romanetti. Enfin 27 militaires au régiment furent proposés pour la médaille militaire).
Deux aspirants de marine, futurs
amiraux, distingués lors de l'assaut, dans le bataillon des fusillers
marins :
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