La bataille de Magenta (4/6/1859)
La bataille au sud du Naviglio Grande
La Garde à Magenta (Ponte Nuovo) - Eugène
Charpentier
Librement inspiré des ouvrages de Bazancourt (la campagne d'Italie de 1859), de la relation de la campagne rédigée par le dépôt de la guerre.
La division des grenadiers de la Garde avait reçu l'ordre de se diriger de Trecate sur le Tessin pour occuper San Martino et protéger l'établissement d'un pont de bateaux que l'artillerie devait jeter en amont du grand pont de pierre.
La 2e brigade, commandée par le général de Wimpffen (2e et 3e régiments de grenadiers), se mit en marche à huit heures du matin. Deux heures plus tard le général Mellinet partait, pour la même destination, avec le général Cler et sa 1ere brigade (zouaves et 1er de grenadiers).
Elle passe le fleuve et attend les ordres.
A son arrivée, vers dix heures, le général de Wimpffen, apercevant sur la rive gauche les tirailleurs ennemis, qui déjà s'approchaient du fleuve, se hâta de jeter sur cette rive quelques compagnies, derrière lesquelles passèrent deux pièces qu'il fallut conduire à bras, la réparation du pont n'étant pas terminée. Sous la protection de cette avant-garde, le reste de la brigade passa aussi et vint prendre position sur la rive gauche.
Elle avait l'ennemi devant elle, et un combat de tirailleurs ne tarda pas à s'engager. Nos deux pièces prirent part à l'action, et leur feu, par l'effet de la longue portée du tir, fit rapidement rétrograder les Autrichiens, ainsi que deux bouches à feu qu'ils avaient avancées et qui se retirèrent à hauteur des maisons de Ponte Nuovo. Le général de Wimpffen put alors envoyer des reconnaissances dans les deux directions de Ponte Nuovo et de Buffalora. Elles signalèrent bientôt de forts mouvements de troupes autrichiennes dans les villages qui couronnaient les crêtes en avant.
Mais le général commandant la garde impériale avait reçu de l'Empereur l'ordre de se tenir en observation et de ne pas engager d'affaire sérieuse avant que le mouvement principal opéré par le général de Mac-Mahon fût bien prononcé ; il prescrivit en conséquence au général Mellinet de rappeler les troupes du général de Wimpffen, qui durent se maintenir à 500 mètres en avant du pont.
L'Empereur ordonne d'enlever les positions du canal.
A ce moment, l'Empereur, qui venait de traverser le Tessin et s'était porté à l'embranchement des routes de Buffalora et de Magenta, entendit le bruit de la fusillade engagée par la 1er brigade de la division de La Motterouge à Buffalora. Il pensa que le général de Mac-Mahon était sérieusement engagé, et que le moment était venu d'opérer une vigoureuse diversion. En conséquence il donna l'ordre à la division Mellinet d'enlever les deux villages de Ponte Nuovo di Magenta et de Buffalora.
Le général Mellinet prescrit alors au général de Wimpffen de se porter à l'attaque de droite avec le 3° de grenadiers. Le régiment forme ses deux premiers bataillons en colonne par peloton à distance entière, et laisse un peu en arrière son 3e bataillon comme réserve. Il marche en suivant le pied du talus du chemin de fer, ayant son front couvert par trois compagnies de zouaves.
En même temps le 2e de grenadiers s'avance par la route de gauche sur Buffalora, couvert par une compagnie de zouaves qui lui sert d'éclaireurs.
Le reste du régiment de zouaves est massé à gauche de la route et à hauteur du chemin suivi par le 2e de grenadiers.
Le 1er de grenadiers, dont un seul bataillon est disponible en ce moment, forme, avec ces zouaves, la réserve des colonnes d'attaque.
La 1ere brigade de la 1re division du 3e corps, commandée par le général Picard (8e bataillon, 23e et 90e de ligne), partie de Novare à neuf heures et demie du matin, comme avant-garde du 3° corps, a reçu en route l'ordre d'activer sa marche, en raison des mouvements de l'ennemi. Ces troupes redoublent d'ardeur ; mais l'encombrement de la route ne leur permet pas d'arriver aux abords du fleuve avant deux heures et demie.
Les deux premiers bataillons du 3e de grenadiers s'emparent des ouvrages du chemin de fer et se rendent maîtres de la rive droite de Ponte Nuovo.
Le 3e régiment de grenadiers, sous la direction du général de Wimpffen, se porte résolument à l'attaque de la redoute qui couvre le pont du chemin de fer. Sans se laisser arrêter par les obstacles qu'oppose le terrain, les deux premiers bataillons, conduits par le colonel Metman, ont bientôt atteint et escaladé les retranchements. Ils pénètrent dans la redoute, malgré le feu meurtrier dirigé sur eux par un bataillon du 2e régiment frontière du Ban qui en borde les parapets : ce bataillon est si vivement refoulé qu'il repasse le canal et se replie, sans même essayer de défendre la forte position de la rive gauche. Vingt minutes ont suffi à ces deux bataillons de grenadiers pour se rendre maitres du pont et des ouvrages qui le couvraient.
Capitaine Blache
3e régiment des Grenadiers de la Garde
"d'un vigoureux coup de sabre, coupe la meche qui devait mettre le feu
à la mine du pont du Naviglio et prévient d'épouvantables malheurs"
Promu chef de bataillon
Pendant ce temps, le lieutenant-colonel Tryon , à la tête du 3e bataillon, avait rejoint le régiment. A ce moment, les Autrichiens, qui occupaient en force les bâtiments de Ponte Nuovo, battaient l'intérieur de la redoute par un feu plongeant des plus dangereux. Cet officier supérieur comprend que cette nouvelle position doit être enlevée à tout prix : sortant des ouvrages, il se jette rapidement à gauche, en remontant le canal, et, protégé par les arbres et les broussailles dont cette partie du terrain est couverte , il attaque les premières maisons situées sur la route au débouché du pont.
Elles étaient défendues par le 2e bataillon de chasseurs et un détachement du régiment Archiduc Joseph (n° 37). Une vive fusillade s'engage ; les chasseurs et le détachement d'infanterie autrichiens sont débusqués des maisons de la rive droite, qui sont immédiatement occupées par les compagnies du 3e de grenadiers. Mais, derrière cette première ligne, que venaient de rompre les grenadiers, se tenaient les quatre bataillons du régiment Prince Wasa (no 60) de la brigade Burdina, chargés de défendre les abords du canal : postés en partie dans les grands bâtiments de la rive gauche, ils faisaient pleuvoir sur le pont une grêle de balles qui en rendaient l'attaque des plus périlleuses. Ces troupes étaient en outre soutenues par la brigade Szabo, établie à 500 mètres en arrière, perpendiculairement à la route de Magenta.
Revenus de leur premier mouvement de surprise, les Autrichiens ne tardent pas à s'apercevoir de la faiblesse numérique des assaillants. Ils font un retour énergique pour reconquérir la position qu'ils viennent de perdre. Devant l'effort tenté par le régiment Wasa, les grenadiers résistent, mais s'épuisent ; ils ne pourront bientôt plus tenir s'il n'arrive quelque renfort.
Emmanuel félix Wimpfenn Né en 1811, Wimpfenn a fait la première partie de sa carrière en Algérie, aux tirailleurs algériens, troupe qu'il a contribué à former pour être engagée hors de l'Algérie. La consecration de cet effort s'est manifestée en Crimée où il a conduit un regiment provisoire qui s'y est distingué.
Photo le Gray (Paris) |
Sous Lieutenant Charles Tranchart Colonel Metman
Capitainel Dufaure du Bessol
3e régiment de Grenadiers
Blessé d'un coup de feu au mollet droit
Ici général sour la République
3e régiment des Grenadiers de la Garde
Blessé d'un coup de feu à la cuisse
3e régiment des Grenadiers de la Garde
Fait Commandeur de la Légion d'Honneur
"22 ans de service effectif, 4 campagnes, 1 blessure"
Ici général
Lieutenant Castellini Capitaine Dufourg d'Antist
3e régiment des Grenadiers de la Garde
Blessé d'une contusion au dessus de l'oeil gauche, par suite de coup de feu
Fait chevalier de la Légion d'Honneur
3e régiment des Grenadiers de la Garde
Blessé d'un coup de feu à la fesse droite
Fait chevalier de la Légion d'Honneur
Sergent Major Humbert
3e régiment des grenadiers
Blessé d'un coup de feu à la cuisse droite
Reçoit la médaille militaire
Ici sous lieutenant au 2e régiment de Grenadiers
Sous Lieutenant Carle
3e régiment des grenadiers
Contusion à la poitrine par coup de feu
Prise du Pont Nuovo (3 heures et demie).
C'est alors que le général Cler reçoit l'ordre de porter ses zouaves en avant. Ils arrivent sous son intelligente direction avec cette fougue qui les caractérise, et, après un combat court mais acharné, le passage du pont est forcé et les maisons sont conquises.
Trépignants d'impatience, les Zouaves de la Garde sont restés en réserve depuis le début de l'action en avant du pont de San Martino, massés dans un plis de terrain près de la grande route. L'Empereur est près d'eux : "Allons les zouaves ! du calme, du sang froid et sac à terre !". Sitôt dit, sitôt fait, les sacs sont posés à terre et comme une coulée de lave, ces vaillants guerriers d'Afrique s'engouffrent dans la fournaise du combat. Sous le feu roulant des Autrichiens, retranchés sur la rive gauche du Ponte Nuovo, ils abordent le canal et le travèrsent dans un même bond. Puis la colonne se dédouble, quelques compagnies s'attaquent aux maisons dont elles enfoncent les portes et en chassent ou éventrent les défenseurs. A droite, en quelques instants, ils font place nette. A gauche, la resistance se prolonge et ce n'est qu'au bout de vingt minutes qu'ils se rendent maîtres du terrain. Le reste du régiment a continué droit devant lui, comme un coin, il s'est enfoncé dans la masse serrée de son antagoniste et à coups de baionettes, à coups de crosse, y trace une sanglante trainée. Un moment tout plie avec effroi devant cette furia francese, mais là encore la lutte est inégale. Bientôt les Autrichiens, remis de leur stupeur reviennent à la rescousse en épaisses nuées pour se laver de leur honteuse reculade. C'est pour les notres une heure de fol héroïsme et de suprème sacrifice. Ils se battent à un contre vingt sans défaillir. (historique du régiment des Zouaves de la Garde)."
Une fois maîtres de ce point important, le bataillon du 3e de grenadiers et les zouaves, entraînés par leur ardeur et sans s'inquiéter de leur petit nombre, veulent profiter de leur avantage et poursuivre les débris de la brigade autrichienne qui se retire sur Magenta. La ligne se forme immédiatement, et les trois faibles bataillons se lancent audacieusement en avant. Bientôt ils sont rejoints par deux pièces de la 3e batterie du régiment à cheval de la garde (capitaine de Lajaille) qui se portent au trot sur la route, à la hauteur des bataillons déployés, et sont soutenues ensuite par deux autres pièces de la même batterie qui viennent se placer à droite et à gauche des deux premières.
Un nouveau combat s'engage. La division autrichienne Reischach s'avance sur Ponte Nuovo. Elle dirige d'abord sur la gauche des zouaves une attaque vigoureuse, que ralentit momentanément le tir à mitraille de deux des pièces de notre artillerie placées sur la route. Alors la brigade du général Gablenz se précipite sur les troupes du général Cler: le régiment Gruber exécutant une marche en bataille, et le 3. bataillon du régiment de chasseurs Empereur se répandant tout entier en tirailleurs. Ce bataillon, favorisé par le terrain couvert, parvient à tourner la ligne française, et arrive jusque sur nos pièces, qu'il enveloppe de toutes parts. Celles du centre, placées sur la route, se replient après avoir tiré à mitraille, à vingt pas de distance, sur les chasseurs qui s'élançaient sur elles et que ce feu terrible arrête. La pièce de droite peut également se retirer ; mais celle de gauche, assaillie de tous côtés, ne peut être replacée sur son avant-train. Les servants sont tués ou pris avant d'avoir pu mettre le sabre à la main, et l'avant-train ainsi que le caisson parviennent seuls à s'échapper au galop.
Charles de Lajaille Capitaine depuis 1852, il commande la 3e batterie du régiment d'artillerie à cheval de la Garde. Le capitaine de la Jaille voit devant lui arriver de nouvelles troupes ennemies et, pressentant une attaque redoublée, il crie aux zouaves et aux grenadiers qui, à droite et à gauche dans les taillis protègent les pièces "Puis-je compter sur vous ? - Nous ne vous lâcherons pas."
De Lajaille finit sa carrière sous la République : Général de division, Sénateur, Président du Comité d'artillerie. |
La garde se retranche dans les maisons du pont..
La situation était critique. Quatre compagnies du 1er régiment de grenadiers accourent, conduites par le colonel de Bretteville ; le général Cassaignolles, à la tête de 110 chasseurs à cheval du régiment de la garde, remonte la route et charge à plusieurs reprises sur le flanc gauche des Autrichiens : tous ses efforts sont inutiles, il faut reculer.
Colonel Lenormand de Bretteville Lieutenant Bertrand Commandant Lecomte
1er régiment de Grenadiers
Promu Commandeur de la Légion d'Honneur
1er régiment des grenadiers de la garde
(ici général sour la
République)
contusionné par un coup de feu au flanc gauche
1er Grenadier de la Garde
"A donné des preuves d'un grand élan et d'une admirable bravoure"
Général fusillé par les Communards en 1871
Général Cassaignoles Lieutenant Cornée Capitaine Robillard
"Sous une enveloppe un peu grêle,
il cachait un coeur vaillant et une âme de feu" (du Barail)
Chasseurs à cheval de la Garde
Officier d'ordonnance du général Cassaignolles
Contusionné à la pommette gauche par un coup de feu
Chasseurs à cheval de la Garde
Blessé d'une contusion à la partie plantaire du pied droit par une balle morte
Capitaine Pinochet
Chasseurs à cheval de la garde
Fait chevalier de la Légion d'Honneur
Ni l'intrépidité du général Cler, qui, à la tête des compagnies du 1er de grenadiers, trouves en ce moment une mort glorieuse, ni les efforts héroïques de cette poignée de grenadiers et de Zouaves ne peuvent arrêter les masses autrichiennes. Nos soldats se retirent en combattant et se retranchent dans les maisons de Ponte Nuovo.
Jean Joseph Gustave Cler A Ponte Nuovo di Magenta, centre de la position, nous avons vu le général Cler se jeter avec le 1er régiment des grenadiers de la Garde au delà du Naviglio. Son arrivée redouble l'ardeur des combattants. D'un coup d'oeil rapide il embrasse l'ensemble des dispositons ennemies, et donne l'ordre au colonel de Bretteville de déployer ses grenadiers à gauche de la route et des zouaves. Sa vue, l'énergie intrépide qui brille dans ses yeux, électrisent les soldats qu'il commande : zouaves et grenadiers se portent en avant. Le combat est terrible, acharné, sanglant. Aux ennemis qui disparaissent un instant dans les massifs succèdent de nouveaux ennemis ; des feux invisibles se croisent en tous sens au milieu de ces terrains perfides, où l'oeil ne peut pénétrer. Les Autrichiens concentrent leurs forces sur ces hardis bataillons qui ont dépassé le Naviglio ; bientôt ils les enserrent dans un réseau de fer et de feu. Le général Cler est là, donnant ses ordres et suivant d'un oeil impassible les phases menancantes de cette lutte inégale." (Veillées de la brigade. A du Casse).
Photo le Gray (Paris) |
Capitaine Monroty Capitaine Chazotte
Zouaves de la Garde
Blessé à Magenta
Zouaves de la Garde
Blessé d'un coup de feu au front
3e blessure
Commandant Weissembuger
blessé d’un coup de feu à la poitrine
ici Colonel du 17e RI en 1872
Sergent Major Coulange
contusion à l'épaule gauche
ici offiier de zouvaes au siège de Metz
Capitaine Deschesnes
Zouaves de la garde
Fait chevalier de la Légion d'Honneur
Il sera tué en 1870
Mais la division Reischach avait elle-même subi des pertes telles qu'avant de continuer sa marche et de songer à s'emparer des ponts elle dut s'arrêter pour se rallier et se reformer. Ce délai, si court qu'il soit, suffira pour changer la face du combat, car il va permettre à la brigade Picard, et successivement aux brigades de Martimprey et de La Charrière, d'entrer en ligne et d'assurer définitivement la possession du Naviglio.
Arrivée de la brigade Picard (4 heures et demie).
Vers trois heures et demie avait enfin paru, aux ponts du canal, la tête de colonne de la division Renault du 3e corps. La Garde Impériale tenait toujours dans les maisons de rive droite de Ponte Nuovo et dans les ouvrages du chemin de fer, et la division du feld-maréchal-lieutenant baron de Reischach n'avait pu reprendre encore son mouvement offensif.
Les efforts du général de Wimpffen tendaient surtout à arrêter sur la rive gauche du canal les bataillons du régiment Gruber, qui cherchaient à franchir le pont du chemin de fer et à reprendre la redoute. Exténuées par une lutte inégale qui durait déjà depuis près de deux heures, les troupes de la Garde se voyaient, en outre, menacées d'être tournées sur leur flanc droit par les colonnes du régiment Archiduc Sigismond (n°45) de la brigade Kinzl, qui, de Carpenzago et Ponte Vecchio, remontaient le canal par la rive droite. Aussi la garde impériale accueillit-elle avec de véritables transports de joie les premières troupes de ligne qui parurent.
C'étaient les chasseurs à pied du 8e bataillon, suivis par le 23e et le 90e de ligne. Le général Picard, qui marchait à leur tête, avait fait déposer les sacs de sa troupe sur le chemin de fer, pour accélérer la marche, et il entrait dans les ouvrages au moment où les tirailleurs du régiment Archiduc Sigismond les tournaient par la droite et menaçaient déjà les parapets.
Joseph Alexandre Picard
Promu Général de division le 31/12/1859, c'est à cette date le plus jeune de l'armée. En 1870, il commande la division des grenadiers et des zouaves de la Garde Impériale. Après la défaite, il continue sa brillante carrière sous la République en prenant le commandement d'un corps d'armée (ici sur la photo). Il est mort en 1902, Grand Croix de la Légion d'Honneur. Photo Appert (Paris) |
S'élancer, garnir les crètes et commencer le feu, est pour les chasseurs du 8e bataillon l'affaire d'un moment. Devant cette fusillade nourrie et inattendue, le régiment autrichien s'arrête : le général Picard, franchissant alors les retranchements, s'avance résolument sur l'étroit plateau qui s'étend entre le canal et la plaine basse du Tessin. Quatre compagnies du 8e bataillon se déploient en tirailleurs ; à mesure qu'elles gagnent du terrain, le plateau s'élargit, la ligne d'attaque s'agrandit, et bientôt le 2e bataillon du 23e peut entrer en ligne. Bien dirigés par leurs officiers, ces deux bataillons s'avancent avec ardeur et ne tardent pas à atteindre la faite d'un pli de terrain au-delà duquel, à quelques centaines de mètres, se voit le village de Ponte Vecchio.
Ponte Vecchio di Magenta
Photo Mehédin - Gallica
Le régiment Archiduc Sigismond est ramené jusque dans Ponte Vecchio. Tout en surveillant les pentes du plateau qui s'inclinent à sa droite vers d'immenses rizières à peu près impraticables, le général Picard pousse devant son front le régiment Archiduc Sigismond, qui se retire, mais lentement et cédant plutôt aux charges à la baïonnette qu'au feu. Les Autrichiens sont refoulés jusque sur Ponte Vecchio, ils sont même chassés des premières maisons ; à ce moment, se croyant assaillis par des forces supérieures, ils font sauter le pont du canal et interrompent ainsi les communications entre les deux parties du village.
Commandant Merle Capitaine Lamy
8e bataillon de chasseurs à pied
8e bataillon de chasseurs
Blessé et promu chevalier de la Légion d'Honneur
Capitaine Terrail Couvat Sergent Major Abria
8e bataillon de chasseurs
Décoré quelques jours plus tard à Solférino
8e bataillon de chasseurs à pied
Blessé d'un coup de feu au bras gauche et à la figure
Fait officier en juillet 1859
et général sous la République (ici en photo)
Le 23e de ligne reprend la ferme Mainaga et le 90e le Ponte Nuovo.
La droite de la redoute étant alors dégagée, le général de Wimpffen fait franchir le canal aux 1er et 3e bataillons du 23e de ligne, qu'éclairent les 5 et 6e compagnies du 8e bataillon de chasseurs. Ces troupes se joignent à quelques détachements des zouaves de la garde qui tenaient tête, avec des chances diverses, depuis plus de deux heures, aux bataillons de l'aile gauche du général Reischach. Elles donnent à la lutte une nouvelle vigueur et s'emparent de la ferme Mainaga, située à droite de la voie ferrée et à plus d'un kilomètre en avant du canal. Elle est reprise peu après par une contre attaque autrichienne.
Commandant Lecointe Capitaine Carmier Sous Lieutenant Festugière
23e régiment d'infanterie
Blessé d'un coup de feu au bras droit
23e régiment d'infanterie
Ici dans la Garde Impériale en 1863
23e régiment
Passe au zouaves de la Garde après la campagne d'Italie
Tué le 30/9/1870 au siège de Paris
Le 90e de ligne paraît à son tour. Ses bataillons, sous les ordres du colonel, sont massés au pied des rampes de la redoute et forment réserve au général de Wimpffen. Deux compagnies reçoivent l'ordre de se déployer immédiatement en tirailleurs, et elles vont se mêler sur la gauche aux grenadiers et aux zouaves, qui, à l'aide de ce renfort, reprennent les maisons de la rive gauche du Naviglio. Alors s'avance le régiment d'infanterie Empereur (n° 1); le généralmajor de Lebzeltern marche intrépidement à sa tête et veut reconquérir les ponts du canal; mais, appuyées par le 3e bataillon du 90e, qui, à son tour, entre en ligne, nos troupes déjà engagées s'élancent sur la colonne autrichienne, qui est rompue, dispersée et rejetée en arrière.
Le général Niel amène la brigade de Martimprey. Les débouchés des ponts de Ponte Nuovo et du chemin de fer étaient de nouveau assurés ; mais nos troupes étaient harassées de fatigue, et il était à craindre qu'une nouvelle attaque ne mît encore une fois en péril la possession de ces points importants, lorsque, vers quatre heures trois quarts, arriva le général Niel avec la brigade de Martimprey, tète de colonne de la division Vinoy.
La brigade Picard à Pont Vecchio. De l'autre côté du Naviglio, le général Picard, avec ses trois faibles bataillons, avait été obligé d'abandonner Ponte Vecchio. En vain les chasseurs du 8e bataillon et le 23e de ligne s'étaient efforcés de chasser les bataillons de Kinzl des maisons du village; ceux-ci s'y étaient barricadés et avaient trouvé un appui aussi heureux qu'inattendu dans l'artillerie de la rive gauche, dont les boulets enfilaient et balayaient la rue principale.
Lors du passage de cette brigade à l'embranchement des routes de Magenta et de Buffalora, l'Empereur, qui craignait que le 2e de grenadiers ne pût, sans être soutenu, enlever la position de Buffalora, avait arrêté le 73° de ligne et l'avait dirigé au secours du colonel d'Alton. Par suite, à son arrivée à Ponte Nuovo, le général de Martimprey n'avait avec lui que le 6 bataillon de chasseurs et le 52e de ligne.
Sur la demande du général Regnaud de Saint-Jean d'Angély, le général Niel donna l'ordre au général Vinoy, qui marchait avec sa 1re brigade, de traverser le chemin de fer et de se porter, avec le 6e bataillon de chasseurs et le 3e bataillon du 52°, à l'attaque de cette ferme Mainaga, qu'il était urgent de reprendre aux Autrichiens. Il prescrivit en même temps au général de Martimprey de se mettre à la tête des deux autres bataillons du 52 et de pousser dans la direction de Magenta, en suivant le côté gauche de la route.
Sur ces entrefaites, le général de La Charrière paraît avec le 85e de ligne. D'après les ordres du général Niel, il lance deux de ses bataillons dans les traces de la brigade Picard, et, à la tête du bataillon qui lui reste, il se porte par la rive gauche du Naviglio au soutien du général Vinoy.
De l'autre côté du chemin de fer, le général Vinoy vient d'enlever de nouveau la ferme de Mainaga; mais, réduit à moins de deux bataillons et ayant devant lui les masses réunies des brigades Gablenz et Szabo, que soutient une nombreuse artillerie, il attend du renfort et se borne pour le moment à garder la ferme sans chercher à la dépasser. A l'arrivée d'un bataillon du 90e, qui vient de franchir le canal au pont du chemin de fer, et du bataillon du 85e qu'amène le général de La Charrière, il se reporte en avant. Les 85e et 90e sont lancés sur le village de Ponte Vecchio par le chemin qui longe le canal, pendant que le 3e bataillon du 52e et le 6e bataillon de chasseurs sont dirigés sur le même point par la route qui vient de Casa Mainaga. Derrière la colonne du général Vinoy accourent deux bataillons du 86o.
Les circonstances n'avaient pas tardé à devenir encore plus graves : les premières troupes du corps de Schwarzenberg entraient en ligne. Débouchant par le chemin qui onge le canal et par la route de Carpenzago, une forte colonne du régiment Grand-Duc de Hesse (no 14), couverte sur son front par un détachement du 23e bataillon de chasseurs et conduite par le général-major Hartung, attaque vigoureusement la position.
Le général Picard avait successivement engagé toutes ses compagnies. N'ayant plus de réserves et se voyant menacé d'être tourné par sa droite, il est contraint de se replier. Sur toute sa ligne il cède au nombre, et c'est à peine si de fréquents retours offensifs peuvent ralentir le mouvement de l'ennemi.
Heureusement le colonel Charlier accourait avec deux bataillons du 90e de ligne (commandants Mariotti et Kampf). Ainsi renforcé, le général Picard se reporte en avant, et sa colonne revient avec ardeur à l'attaque du village. Électrisés par l'exemple de leurs officiers, qui combattent à leur tête, nos soldats reprennent Ponte Vecchio et repoussent l'ennemi, qui abandonne les maisons en désordre ; mais, à son tour, rallié par ses réserves, celui-ci revient courageusement à la charge et dirige sur l'entrée du village un feu meurtrier. Là tombe mortellement frappé de cinq coups de feu le colonel Charlier, et le 90e de ligne est repoussé. Le 2e bataillon, rallié par son chef dans un chemin creux à deux cents pas du village, recommence une charge à la baïonnette, à la suite de laquelle les premières maisons sont encore une fois reprises.
Cependant nos pertes sont devenues de plus en plus sensibles, et le général Hartung, rassemblant ses forces, attaque de nouveau la position sur trois colonnes profondes et oblige le 90e à battre encore une fois en retraite. La brigade Picard, épuisée et décimée, est ramenée jusque près de la redoute ; là, par un suprême effort dont chacun sent la nécessité, elle s'arrête, décidée à tenir tête à l'ennemi jusqu'à ce que paraissent de nouveaux renforts.
Commandant Kampf Capitaine Isnard de Sainte Lorette Sous Lieutenant Chenu
90e régiment d'infanterie
Chevalier de la Légion d'Honneur
Passe dans la Garde Impériale après la bataille.
90e régiment d'infanterie
Blessé d'un coup de feu à l'épaule droite
Chevalier de la Légion d'Honneur
90e RI (ici aux zouaves de la Garde)
Blessé d'un coup de feu à la fesse droite
Le général de Martimprey devant Magenta.
Toujours à la tête des deux bataillons du 52e, le général de Martimprey a poussé énergiquement devant lui la brigade de Gablenz. Après avoir traversé le chemin de fer sur les traces du régiment Gruber, il se présente devant l'église. Deux fois il entraîne en avant sa petite colonne pleine d'ardeur, et deux fois il est repoussé par les masses énormes qui garnissent l'église et les maisons qui l'avoisinent. Bientôt, blessé grièvement, il est obligé de quitter son commandement.
Les bataillons du 52e, privés de leur chef, ayant perdu la moitié de leur effectif, se voyant menacés d'être enveloppés et tournés du côté du cimetière par les deux bataillons du régiment Roi des Belges, refusent leur droite et se replient, cherchant un point d'appui. A peine ont-ils rencontré les tirailleurs indigènes qu'ils se reportent avec tout le 2° corps à l'assaut de Magenta.
Général de Martimprey Capitaine Verjus
Blessé d'un coup de feu à la cuisse
52e RI
promu chef de bataillon après Solférino
Le général Vinoy s'empare de Ponte Vecchio (rive gauche).
Joseph Vinoy Joseph Vinoy (1800-1880) est sorti du rang. Dès la prise d'Alger en 1830, il s'illustre lors de la prise de Staouéli en manquant de peu de prendre un drapeau aux Arabes, action durant laquelle il est blessé. Il a ensuite servi en Algérie entre 1837 et 1855, s'illustrant sur tous les champs de bataille. Colonel du 2e régiment de zouaves, puis général en 1853, il a été cité lors de la prise de Malakoff en Crimée et promu général de division. Il se fait de nouveau remarquer à Magenta en ayant un cheval tué sous lui est nommé Grand Officier de la Légion d'honneur après la bataille. "Il est impossible d'allier à un plus haut degré l'ardeur qui electrise le soldat et la présence d'esprit qui fait parer aux cas difficiles et imprévus" (Maréchal Niel). En 1870, il sera rappelé du cadre de reserve et combattra lors du siège de Paris, puis contre la Commune. Il finit sa carrière chargé d'honneur : Grand croix de la Légion d'Honneur, médaille militaire, grand chancellier de la Légion d'honneur en avril 1871. Il est mort en 1880. |
Déployée entre Magenta et Ponte Vecchio, reliant les deux extrémités de la ligne autrichienne, la brigade Ramming s'est avancée dans l'espace laissé vide entre les deux villages. Après avoir jeté dans Ponte Vecchio un fort détachement du 13e bataillon de chasseurs au soutien d'un bataillon du 2e régiment du Ban, le général autrichien avait continué sa marche et s'était heurté, près de la route qui, de Ponte Vecchio, mène à Magenta, contre notre 6e bataillon de chasseurs, qui tenait l'aile gauche du général Vinoy. Il l'avait vivement ramené jusque près du chemin de fer. Mais bientôt, reprenant l'offensive, le 6e bataillon refoule à son tour les Autrichiens.
Le général Vinoy était arrivé devant le village de Ponte Vecchio avec le 3e bataillon du 52e, un du 90e et un du 85e. L'ennemi, barricadé dans les maisons et dans les jardins, opposait une résistance opiniâtre ; alors le bataillon du 85e de ligne, entraîné par le général de La Charrière, s'élance à la baïonnette, pénètre dans le village et en chasse l'ennemi, auquel il fait un grand nombre de prisonniers. En même temps deux bataillons du 86e, lancés par le général Niel, qui sur la rive gauche du canal dirige les attaques contre Ponte Vecchio, accourent pour renforcer le général Vinoy.
A la tête de deux bataillons du 86e, le général Vinoy a repoussé plusieurs retours offensifs tentés par l'aile gauche de la brigade Ramming. Il est resté maitre de la partie de Ponte Vecchio située sur la rive gauche du Naviglio. Le 86e s'établit alors dans le village, un de ses bataillons barrant l'entrée le long du canal, et l'autre à cheval sur la route de Ponte Vecchio à Magenta. Les troupes de la brigade Ramming, qui défendaient la position, ne se sentant plus appuyées à leur droite et se voyant dans l'impossibilité de rentrer en possession du village, durent, après d'inutiles efforts de bravoure, battre en retraite et se replier sur Robecco.
Général Ladreit de la Charrière Capitaine Grieb
tué lors du siège de Paris en 1870
86e RI
Blessé et décoré de la Légion d'Honneur
Colonel sur la République
Le maréchal Canrobert, à la tête du 85e, enlève Ponte Vecchio (rive droile).
A 7 heures du soir le partie droite du village de Ponte vecchio est reprise pour la 7e fois. Le Maréchal Canrobert se porte le long du canal pour maintenir les tirailleurs chargés d’en couvrir les approches. A peine sorti du village, il est chargé par une troupe de Hussards hongrois qui tombent sur son flanc à la faveur des arbres qui les dérobent à la vue. Les officiers qui sont près de Canrobert mettent le sabre à la main et cherchent à arrêter ces cavaliers ; la capitaine Armand, le Sous Lieutenant de Lostanges sont blessés ; le Colonel de Cornély, aide de camp du maréchal a son cheval tué sous lui et se blesse en tombant, le Colonel de Bellecour du 85e qui accourt avec quelques hommes est renversé ; mais le général Renault de l’autre côté du canal a vu le danger que court le maréchal, il place d’habiles tireurs le long de la berge ; chaque balle atteint son cavalier et bientôt le reste des hussards tourne bride et retourne à son point de départ.
Colonel de Cornély Lieutenant de Lostanges
Aide de camp du Maréchal Canrobert
Contusionné et fait Commandeur de la Légion d'Honneur
Blessé d'un coup de sabre à la tête
Colonel Véron Bellecourt - 85e RI Capitaine Bourgeois Capitaine Castelnovo
Blessé à la tête et au front par un coup de feu
Contusionné à la poitrine et à plusieurs parties du corps
Piétiné par des chevaux et reçoit un coup de poitrail en pleine poitrine
Etat major du maréchal Canrobert
Fait chevalier de la Légion dHonneur
Capitaine de voltigeurs au 85e RI
fait officier de la Légion d'Honneur après Solférino
La rive droite reste aux mains des français (vers 8 heures).
Sergent Morin - 85e RI
Commandant Aveline
85e RI
blessé d'une contusion aux deux fesses par une balle
Commandant Taconnet
85e RI
Blessé d'un coup de feu au pied gauche
Prend néanmoins le commandement du régiment durant la bataille
Déjà distingué en Crimée où il a reçu 3 blessures et la médaille militaire
Promu sous lieutenant porte drapeau du régiment
Sous Lieutenant Bosquette - 6e bataillon de chasseurs
Blessé d'un coup de feu au côté gauche
Chevalier de la LH le 28/12/1859
Major en 1878
Sous Lieutenant Espinasse
85e RI
blessé d'un coup de feu au côté droit
Ici commandant en 1880