La prise de Malakoff (8/9/1855)
1/ Rapport sur la prise du fort de Malakoff - Général Mac Mahon. Autun 1861.
Le 8 septembre 1855, à midi, conformément aux dispositions arrêtées par le général en chef, les troupes de la 1er brigade de la 2eme division du 2e corps (division de Mac-Mahon), c'est-à-dire 2 bataillons du 1er régiment de zouaves et 3 bataillons du 7e de ligne, s'élancèrent en même temps de la 7e parallèle pour se jeter sur les retranchements ennemis. Ces cinq bataillons opérèrent simultanément leur mouvement de la manière suivante :
Plan du fort de
Malakoff
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Le 1er bataillon du 1er régiment de zouaves se dirige au
pas de course sur l'extrémité de la courtine qui lie Malakoff au petit Redan, se
jeta dans le fossé vers le point G (voir le plan ), le parcourut un instant par
un mouvement de tête de colonne à gauche, gagna ainsi le saillant de Malakoff et
escalada l'escarpe et le point de l'angle d'épaule formé par le saillant et la
courtine (point K).
Le 2e bataillon du même régiment se
jeta, pour ainsi dire d'un seul bond, dans le fossé même du saillant, et
escalada le parapet un peu à gauche du point où le 1er bataillon le
franchissait lui même (au point L).
L'escalade eut lieu sans le secours
d'échelles ou d'engins quelconques pour la presque totalité de ces deux premiers
bataillons. La queue de la colonne formée par le 2e bataillon put seule profiter
des premières échelles jetées sur ce fossé.
Un certain nombre d'hommes
choisis parmi ceux qui marchaient en tête des deux bataillons, avaient été munis
de pioches à manche court qui leur furent très utiles. Chaque coup de pioche,
donné par ces hommes dans les talus d'escarpe ou du parapet, servait à leur
donner un point d'appui solide au moyen duquel ils pouvaient s'élever davantage
ou se rapprocher de la crête. Quant aux camarades qui venaient après eux, ils
n’eurent, pour parvenir au haut du parapet, que l'aide des mains on bien des
épaules de ceux qui les suivaient eux-mêmes dans cette ascension aussi difficile
que périlleuse.
Deux bataillons et 2 compagnies du 7e de ligne se jetèrent, comme le 2e bataillon du 1er régiment de zouaves, sur le saillant de l'ouvrage, mais un peu sur la gauche de ce bataillon (au point M). Ils se répandirent dans le fossé depuis la gauche des zouaves jusqu'à l'angle que fait le saillant de Malakoff avec le grand retranchement des batteries Gervais. Le reste du régiment (4 compagnies) ne fut point obligé de se jeter dans le fossé, et put se servir des premières échelles que le génie venait de jeter pour faire un pont au saillant (au point coté M). Du fond du fossé et du saillant, par ce pont improvisé, le 7e de ligne escalada le parapet presqu'en même temps que les zouaves, et après quelques minutes sa tête de colonne paraissait sur la crête.
Arrivées ainsi sur le haut du parapet, les têtes
de colonne du 1er de zouaves et du 7e de ligne, eurent un combat furieux à
engager avec les Russes. Abordés par nos soldats avec une impétuosité qui ne
leur permettait plus de continuer à rester à côté de leurs bouches à feu qui
avaient des vues sur notre ligne d'attaque, les canonniers russes s'étaient
élancés de leurs plateformes sur le parapet ou dans les embrasures, pour joindre
leurs efforts à ceux de leurs camarades fantassins placés sur les banquettes.
Ils essayèrent de rejeter les assaillants dans le fossé, en cherchant à les
assommer à coups de refouloirs et d'écouvillons, au fur et à mesure qu'ils
arrivaient sur eux. Pendant quelques instants, la baïonnette et l'arme blanche
furent seules mises en jeu par les combattants-des deux côtés ; peu de coups de
fusils se firent entendre dans cette lutte héroïque. Il faut rendre cette
justice à nos adversaires, qu'ils combattaient là en gens décidés à mourir et à
ne pas lâcher pied. La plupart de ceux qui couronnèrent ainsi le saillant de
Malakoff, pour contenir le flot grossissant de nos soldats, y trouvèrent une
mort honorable.
Un feu roulant de mousqueterie, partant des premières
traverses intérieures de l'ouvrage, tua ou mit hors de combat bon nombre de nos
zouaves et de nos fantassins du 7e de ligne, au moment où ils se précipitèrent
du haut du parapet sur les pièces de l'ennemi et sur le terre-plein de la tour
en ruine de Malakoff (A). Toutefois, lorsque après quelques minutes de ce
premier combat corps à corps le sommet de la plus grande partie du retranchement
compris entre la courtine du petit Redan et les batteries Gervais , se trouva
assez fortement occupé par nos troupes, les défenseurs russes se replièrent
vivement, abandonnant les trois petites traverses a, b, c rapprochées du réduit
de la tour A. Ils couronnèrent alors fortement les trois grandes traverses B, C,
D.
Cent quarante à cent cinquante Russes, surpris et débordés par leur droite
et par leur gauche, n'eurent pas le temps de suivre ce mouvement rétrograde de
la défense : ils furent réduits à se réfugier en désordre dans la casemate
crénelée de la tour. Pendant une heure environ ils y demeurèrent barricadés,
faisant feu des créneaux sur l'espace qui sépare l'entrèé de la tour de la
traverse E ; ils nous tuèrent ou blessèrent un certain nombre d'hommes. On mit
le feu à quelques gabions à l'entrée du réduit pour remplir la tour de fumée et
les obligera se rendre. Comprenant que toute défense ultérieure leur serait
inutile, ils se constituèrent prisonniers.
Le 1er régiment de zouaves et le 7e de ligne attaquèrent bientôt la 2e ligne de défense de l'ennemi, formée par les traverses B, C, D. Pendant qu'une fraction de ces deux corps se jetait en avant, par l'ouverture qui sépare les traverses C et D, une autre escaladait les petites traverses a, b, c, et dirigeait de là un feu nourri sur l'ennemi. La masse principale abordait à la baïonnette le sommet des traverses C et D; et enfin, plus à gauche, quelques compagnies du 7e de ligne se prolongeaient sur la grande face ouest de Malakoff, gagnant du terrain et s'avançant insensiblement d'embrasures en embrasures jusque vers le point P ( voir le plan )
Dans ce moment la tète de la brigade Vinoy
arrivait dans Malakoff pour prendre une part active au combat. Les corps de
cette brigade avaient suivi sans interruption ceux de la 1 re, des 7 et 6e
parallèles dans lesquelles on les avait massés avant l'attaque, ils avaient
marché dans l'ordre suivant : Le premier bataillon des chasseurs a pied, le 20e
de ligne et le 27e de ligne.
Le 1er bataillon de chasseurs à pied qui suivait
les traces du 7 de ligne, voyant le gros de ce régiment entré dans Malakoff, se
jeta du parapet du saillant qu'il venait de franchir dans le grand retranchement
des batteries Gervais fortement occupé par l'ennemi. Il en pourchassa les
défenseurs, s'empara, en se prolongeant au pas de course sur tout le
développement du retranchement, de toutes les pièces russes et ne s'arrêta dans
ce mouvement qu'à l'extrémité des batteries, là où ce retranchement tombe dans
le fonds du ravin de Karabelnaïa et se lie aux ouvrages russes du grand Redan.
Il se maintint solidement dans cette position, ripostant au feu des nombreux
tirailleurs de l'ennemi, embusqués dans les masures du faubourg de Karabelnaïa,
et répondant aussi un peu plus tard au feu des troupes russes, qui étaient
sorties du grand Redan pour se porter sur les batteries Gervais.
Pendant ce
mouvement du 1er bataillon de chasseurs, le 1er régiment de zouaves et le 7e de
ligne avaient débusqué l'ennemi des traverses B, C, D, et l'avaient rejeté
derrière une troisième ligne de défense, formée par les traverses G, F, E.
Plusieurs fois les têtes de colonne de ces deux corps essayèrent de forcer cette
ligne; le 7e de ligne, en escaladant le retranchement Q R de la face 0 de
Malakoff; le 1er de zouaves, en débouchant par les défilés qui séparent les
traverses G et F et F et E. La résistance fortement organisée sur ces
traverses et en arrière des débouchés qu'il fallait franchir avait obligé chaque
fois ces tètes de colonne à rétrograder pour aller se constituer plus fortement.
Il résulta de ces premières attaques infructueuses un temps d’arrêt dans notre
mouvement en avant, qui permit à la 2e brigade d'arriver sur le lieu de l'action
et de joindre ses efforts à ceux des premiers régiments engagés.
Le 20e avait
franchi le fossé, un peu à droite du point ou le 1er bataillon des zouaves
l'avait franchi lui-même. Il avait ensuite marché dans les traces de ce
bataillon, avait couronné la traverse E et une partie de la face est, se
dirigeant sur cette face vers le point R. Définitivement il était parvenu à
déloger les défenseurs de la traverse E et s'était massé en partie derrière la
traverse H, se disposant à l'escalader et à la tourner par la droite. Pendant ce
temps le 27e qui était entré dans l'ouvrage à la suite du 20e, s'étant aussi
répandu le long de la crête de la face est, était parvenu au point R. flanquant
par ce mouvement la portion du 20e massée derrière la traverse H, et prenant de
flanc ou d'écharpe les défenseurs des traverses H F et G. Ceux-ci, concentrés
par leurs mouvements successifs rétrogrades, nous présentaient alors des masses
assez imposantes. Peut-être même, à cet instant, venaient-ils de recevoir des
renforts venus de l'extérieur. Quoiqu'il en puisse être de cette dernière
supposition, ils paraissaient .prendre leurs dispositions pour un retour
offensif, fortement organisé.
Le général commandant la division expédia, en toute hâte, tous les officiers de son état major, pour hâter l'arrivée du régiment des zouaves de la garde et celle de la brigade Wimpffen. Dans ce même moment apparaissait sur la courtine le 3e régiment de voltigeurs de la Garde Impériale, réserve de la division de La Motterouge. Le général Vinoy, ne voyant point déboucher encore la brigade de soutien, crut devoir réclamer sa coopération. Il fit dire au colonel Douay, son colonel, que la présence de ses voltigeurs, qui ne paraissait plus nécessaire sur la courtine, pouvait être très utile dans Malakoff, et le colonel prit aussitôt ses dispositions pour y amener son 3e bataillon. Mais pendant que ces ordres d'arriver parvenaient à la brigade Wimpffen, brigade de réserve, au régiment des zouaves et au 3e bataillon des voltigeurs de la garde, un mouvement d'élan magnifique eut lieu dans tous les corps de la 1ere division. La 1ere brigade à la voix de ses chefs de corps, et la 2e à celle du général Vinoy, s'élancèrent en même temps sur les traverses GFH. Les plus intrépides, arrivés les premiers au sommet, passèrent sur le corps des Russes, qui essayèrent d'y tenir. Ils culbutèrent ceux qui se trouvaient au pied des talus, et ne s'arrêtèrent dans leur charge que lorsqu'ils eurent balayé le terre plein GFHIRQ, et qu'ils se furent emparés du sommet de la traverse I. Ce suprême effort, couronné du plus heureux succès, décida de la prise définitive de tout l'espace qui nous restait encore à conquérir dans l'intérieur de l'ouvrage.
Les Russes essayèrent de se reformer derrière les traverses JKNSTL. Pendant quelques instants ils les défendirent avec une certaine obstination, mais se voyant bientôt débordés à droite et à gauche par nos troupes qui gagnaient du terrain sur la crête des parapets des deux faces E et 0 de Malakoff, comprenant que nous allions les tourner et leur couper la retraite du côté de la gorge, ils évacuèrent la forteresse et allèrent occuper en arrière les ruines de Karabelnaïa, les retranchements de la 2e enceinte parallèle à la courtine et celui qui lie la gorge de Malakoff avec la grande caserne de Karabelnaja. De ces ruines et de ces retranchements, ils continuèrent à diriger un feu très vif de mousqueterie sur celles de nos troupes qui garnissaient les parapets de Malakoff. Après ce combat, dont nous venons de rendre compte, combat qui nous avait complètement rendus maîtres de Malakoff, les batteries russes de la baie de l'Arsenal, du grand Redan et du côté nord de Sébastopol, redoublèrent leurs feux d'intensité, concentrant leur action sur le point capital que nous venions d'enlever. Pour en atténuer autant que possible les effets meurtriers, nos bataillons, moins inquiétés par la fusillade, reçurent l'ordre de s'établir le long des parapets et derrière les traverses qui pouvaient les garantir des projectiles pleins ou creux tombant incessamment dans l'intérieur de l'ouvrage.
Le 1 er régiment de zouaves avait beaucoup
souffert ; le général commandant lui donna l'ordre de sortir de Malakoff et
d'aller reprendre dans la 7e parallèle la position qu'il y avait occupée avant
le moment de l'assaut.
Déjà plusieurs explosions de mines avaient eu lieu
dans les retranchements russes les plus voisins de Malakoff. L'une d'elle
s'était produite au centre de la courtine, à peu près vers l'instant où l'ennemi
évacuait cet outrage; il était bien à présumer que les Russes allaient faire
jouer quelques fourneaux de mine dan s l'intérieur de Malakoff même. Sous la
pioche de nos sapeurs du génie occupés à éteindre l'incendie à l'entrée du
réduit de la tour, on venait de découvrir des fils électriques communiquant de
l'intérieur de la place avec le réduit de la tour. Tout indiquait que ces fils
étaient préparés pour mettre le feu à ces fourneaux de mine. En prévision donc
d'une forte explosion qui pouvait faire sauter l'ouvrage, il fut prescrit au
colonel du 1 er régiment de zouaves de se jeter de nouveau sur la position de
Malakoff et de nous en assurer la possession dès que les mines auraient
joué.
Pendant que le 1er régiment de zouaves exécutait son mouvement, pour
aller se masser dans la 7e parallèle, la brigade de soutien, le régiment de
zouaves de la garde et le 3e bataillon du régiment des voltigeurs entraient dans
Malakoff pour s'y joindre aux troupes de la 1ere division; ils y pénétrèrent et
s'y établirent ainsi que nous allons le dire. Mais il est bon d'établir qu'avant
leur arrivée le 7e de ligne occupait, à la gauche de la gorge, le parapet MU de
la face nord et le parapet ORQP de la face 0, tandis que les 20e et 27e
garnissaient, de leur côté, à la droite de la gorge le parapet X de la face nord
et toute la face E de l'ouvrage.
La brigade de réserve (brigade Wimpffen ) avait
été massée avant l'heure indiquée pour l'assaut, dans le fond du ravin de
Karabelnaïa, vers le point où la 5e parallèle tombe dans le ravin. Entendant le
bruit de la fusillade très vive qui suivit le premier moment de notre attaque,
au saillant de Malakoff, le général Wimpffen, pour la rapprocher du lieu de
l'action, l'avait portée dans les communications de la 5e à la 6e parallèle en
avant et un peu sur la droite du mamelon-vert (redoute Brounon). C'est de là que
sur l'ordre du général commandant la colonne d'assaut, la brigade de réserve se
porta à toutes jambes et négligeant de suivre les tranchées, droit sur le
saillant de Malakoff, afin de suivre le mouvement du 27e et d'appuyer la brigade
Vinoy. Les régiments y arrivèrent dans l'ordre suivant : Le régiment des
tirailleurs algériens, le 3e régiment de zouaves et le 50e de ligne.
De son
côté, le régiment des zouaves de la garde, après avoir suivi dans la 5e
parallèle le mouvement du 27e, avait ensuite abandonné les traces de ce régiment
et s'était porté en ligne droite dans l'angle formé par la courtine et le
saillant de. Malakoff. Il se trouvait ainsi sur la droite du 1er régiment de
zouaves lorsque celui-ci fut entré dans les tranchées. Là il reçut un ordre du
général commandant d'entrer dans l'ouvrage et il le fit dans le moment où la
tête de la brigade Wimpffen y entrait elle-même. Le 3e bataillon du 3e
voltigeurs de la garde exécuta ce même mouvement conjointement avec le 3e
régiment des zouaves. Ce bataillon fut suivi par un fort détachement du 2e
régiment des grenadiers de la garde et par une ½ compagnie de voltigeurs du 100e
régiment qui, mitraillés sur la courtine et n'ayant plus d'effet utile à y
produire, se trouvèrent en quelque sorte entraînés, par un mouvement instinctif,
vers la position où nos troupes étaient victorieuses.
Ces nombreux renforts, accumulés dans Malakoff,
permirent au général de Mac Mahon de donner des positions moins périlleuses à
celles de nos troupes qui combattaient depuis plusieurs heures. Il fit repartir
les différents corps de la manière suivante, sur les parapets et dans le
terre-plein de Malakoff.
Le 7e de ligne, qui avait fait de grandes pertes,
fut relevé à la gorge, sur les faces nordet ouest de l'ouvrage, par le régiment
des tirailleurs algériens et par le 3e régiment de zouaves. Les tirailleurs
algériens garnirent les parapets MUO ayant une réserve en arrière du parapet MU.
Le 3e de-zouaves et le 50e de ligne se postèrent sur le parapet de 0 en Q, ayant
leur réserve derrière les petites traverses qui couvrent la gorge. Le 7e de
ligne prit position derrière la traverse G garnissant le parapet PB, et se liant
par sa droite au 50e de ligne.
Le 20e et le 27e de ligne restèrent dans les
positions qu'ils occupaient, mais ils furent renforcés sur les faces nord et
est, d'une part, par le 3e bataillon des voltigeurs de la garde qui établit une
partie de son monde sur le parapet de X en Y , le reste du bataillon, étant
massé en réserve derrière la traverse N; d'autre part, par deux compagnies des
zouaves de la garde. - Le général Vinoy plaça une de ces compagnies sur le
parapet, à la droite de la gorge, l'autre dans lé fossé de la face nord, depuis
la gorge jusqu'au 2e retranchement de la 2e enceinte russe. Une compagnie de
chasseurs à pied du 4 e bataillon fut placée dans le fossé, à la droite des
zouaves de la garde, vers l'angle des faces nord et est. Le régiment des zouaves
de la garde, moins les deux compagnies dont il est question ci-dessus, fut placé
en réserve derrière les traverses GFE; le détachement du 2 régiment des
grenadiers de la garde et la ½ compagnie de voltigeurs du 100e, derrière les
traverses C et B.
Pendant que notre brigade de réserve entrait dans
Malakoff, l'ennemi n'était point demeuré inactif et n'avait pas complètement
renoncé à nous disputer la possession de cet ouvrage. Nos troupes avaient à
peine achevé leurs mouvements pour prendre les positions que nous venons
d'indiquer, que tout à coup nous aperçûmes des colonnes russes derrière la
communication qui va de la gorge de Malakoff à la caserne de Karabelnaïa, et
derrière les ruines du faubourg. Une de ces colonnes, forte de 12 à 1500 hommes,
suivit la grande communication pour venir attaquer de front la gorge de
Malakoff. Reçue avec une extrême vigueur, par le régiment des tirailleurs
algériens, par les zouaves de la garde, et une partie des 20e et 27 e de ligne,
elle fut, quelques minutes après un combat des plus vifs, forcée de battre en
retraite, laissant un grand nombre de cadavres sur le terrain. Quelques
officiers et soldats russes arrivèrent avec une intrépidité rare jusque dans la
gorge de Malakoff, et y tombèrent sous les baïonnettes de nos soldats. Ce fut en
cherchant à leur barrer le passage que le lieutenant colonel Roques du régiment
des tirailleurs algériens fut tué d'une balle russe, comme il plaçait lui-même
un gabion au milieu de la gorge, pour indiquer à ses soldats ce qu'ils avaient à
faire pour en fermer l'entrée.
Une autre colonne russe, de même force que la
première, sortit de la grande communication, laissa Malakoff à gauche et marcha
sur les batteries Gervais. Mais prise en flanc par celles de nos troupes qui
garnissaient le parapet de la face ouest, et par deux compagnies du 3e de
voltigeurs de la garde, qui venaient de se jeter dans le- fossé de cette face,
recevant de front le feu du 1er bataillon de chasseurs à pied, elle tourbillonna
bientôt et rentra dans la communication d'où elle était sortie.
Une troisième
colonne russe, enfin, débouchant des ruines de Karabelnaïa, vint attaquer
l'angle nord-est de Malakoff avec l'intention d'y essayer un assaut. Mais elle
fut bientôt arrêtée, devant une vive fusillade dirigée sur elle du haut des
parapets, par les zouaves de la garde, les 20 et 27e de ligne et le 3e bataillon
des voltigeurs de la garde. La compagnie du premier bataillon de chasseurs à
pied qui avait été placée dans le fossé, sur ce point même, concourut
puissamment à jeter le désordre dans les rangs et à lui faire rebrousser chemin.
Il était trois heures ou trois heures et demie, quand la retraite de ces trois
colonnes russes mit fin à la série des combats que nos troupes eurent à soutenir
dans l'intérieur de Malakoff. A dater de cette heure, elles n'eurent plus à
répondre qu'à une fusillade plus ou moins vive, mais la lutte sérieuse était
terminée. Néanmoins, elles demeurèrent pendant toute la nuit du 8 au 9 septembre
dans les emplacements qui leur avaient été assignés sur les parapets et derrière
les traverses. Le lendemain matin, lorsque les russes eurent évacué la partie
sud de Sébastopol, la brigade Wimpffen, les zouaves, les grenadiers et les
voltigeurs de la garde reçurent l'ordre de regagner leurs campements. Deux
bataillons de la division Mac Mahon restèrent seuls pour la garde de l'enceinte;
le reste de la division s'établit dans la 7e parallèle et dans le petit Redan ;
à six heures du soir la division entière rentra dans ses
campements.
2 / Mémoires du général Lebrun. Chef d’état major de la division commandée par le général de Mac Mahon. Paris, 1889.
Le 8, dès onze heures du matin, toutes les troupes
commandées par le général Mc Mahon étaient réunies dans les tranchées et
disposées en attendant le moment de l’assaut.
A onze heures
vingt minutes, le général de Mac-Mahon et les officiers de son état-major
formaient, dans la petite place d’armes avancées qui faisait pas au saillant de
Malakoff, un petit groupe autour duquel étaient entassés les uns sur les autres
les zouaves de la compagnie désignée pour marcher, sous le commandement du
capitaine Sée, en tête de la colonne d’assaut. Mais, à cette heure là, les
échelles que les officiers du génie avaient dû faire construire n’étaient pas
encore arrivées, et le général de Mac-Mahon s’en montrait quelque peu
impatienté. Je courus au devant d’elles dans la tranché du côté par lequel on
devait les apporter. Je trouvais bientôt le chef de bataillon du génie de
Marcilly qui avait été chargé d’assurer leur transport. Il m’exposa qu’à son
grand désespoir, il était en retard, ce qui tenait à ce que les tranchées
étaient encombrées de troupes, il éprouvait les plus grandes difficultés pour y
faire avancer ses soldats porteurs d’échelles et de planches, principalement sur
les points où des traverses obligeaient ceux-ci à passer par des couloirs
étroits. Je fis sortir les échelles de la tranchée et j’ordonnai au commandant
de Marcilly de les faire transporter, ses hommes marchant sur le revers de la
tranchée, dussent-ils pour cela, en se mettant à découvert, s’exposer quelque
peu aux balles des Russes. Puis, jetant un coup d’œil sur ma montre et voyant
que 10 minutes plus tard elle marquerait l’heure de midi : "Je vous
laisse, dis-je au commandant, il faut que j’aille rejoindre le général de Mac
Mahon ; mais pour Dieu ! arrivez au plus
vite ! ".
Revenu près du général, je lui appris
qu’il ne fallait plus compter sur les échelles qu’il attendait, parce qu’elles
étaient encore trop loin pour qu’elles puissent arriver avant midi. C’était là
un contretemps des plus fâcheux, car à lui seul il pouvait compromettre le
succès de l’assaut.
Le général de Mac Mahon, tout en le déplorant, jugea
cependant qu’il lui était impossible de retarder l’heure de l’opération, et il
décida qu’il la ferait exécuter à la minute indiquée, quoi qu’il put en
advenir.
Un moment plus tard, tous ceux qui se trouvaient dans la tranchée
autour du général de Mac Mahon furent frappés du tableau admirable qui s’offrait
à leurs regards. Ce tableau que j’appellerais volontiers ici « l'attente de
l’assaut » disait de façon saisissante le grand drame qui allait
s’accomplir.
Mac
Mahon et la prise de Malakoff - A Aillaud - 1855 - RMN
L’instant était solennel.
J’étais près du général de Mac Mahon, tenant ma montre sous les yeux et y
suivant attentivement la marche de la grande aiguille, attendant qu’elle marquât
midi. Les zouaves du capitaine Sée, ayant pour la plupart une main accrochée aux
gabions qui couronnaient la crête du parapet de la tranchée pour s’en faire un
appui et pouvoir plus vite s’élancer par dessus cette crête, avaient tous l’œil
enflammé et fixé sur ma montre. Dans le même instant, toutes les batteries
françaises et anglaises, qui, durant toute la matinée, n’avaient pas cessé, un
seul instant, de couvrir de leurs projectiles les ouvrages défensifs de la
place, redoublaient l’intensité de leurs feux, et l’artillerie russe leur
répondait avec une intensité pareille. C’était le grondement retentissant et
ininterrompu d’environ 1.500 bouches à feu de gros calibre qui se faisaient
entendre, de la droite à la gauche des travaux d’attaque et de défense, sur tout
le pourtour de l’enceinte de la place de Sébastopol.
Du saillant de
Malakoff , les canonniers russes projetaient incessamment sur le point de
la tranchée où se tenait le général de Mac Mahon, de petites bombes qui
éclataient tout autour du général. Personne ne disait mot, mais chacun se
répétait in petto : « Qu’arriverait-il si, par malheur, un éclat de
ces bombes venait à frapper le général ? ».
L’impatience et
l’anxiété était écrites sur tous les visages. Personne ne disait mot ai-je
dit ; je fais erreur, le colonel de la Tour Dupin m’adressa alors à voix
basse cette question : «Est-ce qu’on entend le canon ? – Comment, lui
répondis-je sur le même ton, c’est un vacarme épouvantable, plus de 1.500 canon
tirent à la fois chez nous et chez les Russes ! – C’est extraordinaire, fit
le colonel, je n’entends absolument rien. »
Enfin, le seconde
fiévreusement attendue arriva. J’abaissai le bars en prononçant à haute
voix : « Midi ! » et le général de Mac Mahon s’écria :
« En avant ! Vive l’Empereur ! » Il voulut franchir le
parapet pour se mettre à la tête de ses zouaves, mais son aide de camp, le
commandant Borel et moi nous l’arrêtâmes, en le retenant par le pan de sa
tunique : "Ce sera bien assez temps pour vous, lui dis-je, quand nous
verrons quelques zouaves de l’autre côté du fossé.»
Le feu
de toutes les batteries françaises avait cessé tout à coup. Le zouaves,
bondissant comme des lions par dessus la crête du parapet, se sont précipités au
pas de course vers le fossé de Malakoff. C’est à qui d’entre eux arrivera le
premier. Nos officiers du génie avaient estimé qu’ils n’auraient guère qu’une
distance de 25 à 30 mètres pour y atteindre. Mais au lieu de cela, c’est plus de
75 mètres qu’il y a entre le parapet et le fossé, et il faut qu’ils les
parcourent sous la très vive fusillade des Russes. Ce n’est pas tout, le zone de
terrain qu’ils ont à franchir a été profondément remuée pendant la dernière
période des attaques ; les bombes y ont creusé partout de profondes
excavations, ce qui fait que nos intrépides soldats y culbutent à chaque pas
qu’ils font et que leur course en est fort ralentie. N’importe ! Voici
qu’après une minute au plus, ils arrivent tout essoufflés au bord du fossé. Mais
quel n’et pas alors leur désappointement, quand ils reconnaissent que, loin
d’être comblé de terre, comme on
leur a fait espérer qu’ils le trouveraient, le fossé a une profondeur de 6 à 7
mètres et que ses talus d’escarpe et de contrescarpe sont taillés à pic dans le
roc.
Le capitaine Sée, qui les commande est, à cet instant, comme saisi
d’épouvante. Mais ses soldats, eux, n’en sont point effrayés et, sans hésiter,
au risque de se tuer ou de se briser bras et jambes, ils se jettent au fond du
précipice qu’ils ont devant eux. Le plupart d’entre eux y resteront, ils le
savent bien, mais les camarades qui pourront se remettre sur pied n’en
poursuivront pas moins leur entreprise héroïque.
Le
capitaine Sée
Ici chef de bataillon de
la Garde, vers 1860
Un instant passe, instant
d’angoisse qui paraît bien long et, pendant lequel l’anxiété du général de Mac
Mahon est indicible. Il a vu disparaître les zouaves ; ils sont dans le
fossé, mais il ne les voit pas reparaître sur le berne du parapet de Malakoff.
« Ca ne mord pas, me dit-il alors, - Mais attendons un peu, lui dis-je à
mon tour, attendez qu’ils aient eu le temps de gravir l’escarpe du fossé. »
Et, à peine avais-je prononcé ces paroles, que les quelques zouaves qui, les
premiers étaient parvenus à sortir du fossé, commençaient à monter à l’escalade
du talus extérieur du saillant de Malakoff. Comment ces vaillants soldats s’y
étaient-ils pris pour faire l’ascension de l’escarpe, de cette muraille qui
était taillée à pic dans le roc ? Je pense que le lecteur prendre quelque
intérêt à ce que je lui apprenne. De tous les zouaves qui s’étaient jetés dans
le fossé, quelques uns avaient été blessés mortellement, beaucoup assez
grièvement pour ne plus être en état de combattre. Mais parmi ceux qui étaient
demeurés valides, les hommes que l’on avait prudemment munis du petit pic à roc
s’étaient habilement servis de cet outil. A l’aide du pic enfoncé de proche en
proche dans la muraille de l’escarpe, ils avaient pu s’élever jusqu’au dessus du
fossé. Les autres zouaves , ceux qui n’avaient point de pics à roc,
s’étaient servi d’un autre moyen pour arriver au même but. Ils avaient mis à
profit les leçons de gymnastique qu’on leur avait enseignées au régiment pour se
faire, les uns les autres, ce qu’on appelle en termes technique la courte
échelle. Tous ceux qui ont assisté à des exercices gymnastiques savent en quoi
consiste cette sorte d’échelle. Une fois arrivés au sommet de l’escarpe, les
zouaves porteurs de pics aussi bien que ceux qui étaient montés sans cet outil,
avaient repris en main leur fusil, porté jusque là en bandoulière.
A leur
apparition de l’autre côté du fossé, le général de Mac Mahon s’élança pour aller
les rejoindre. En ce moment même arriva le chef de bataillon de Marcilly,
apportant les échelles et les planches, et ce fut un grand bonheur en vérité car
sans cela, le général de Mac Mahon lui aussi se serait sans nul doute jeté dans
le fossé, et alors le général, sans donner au commandant le temps d’en jeter
plusieurs et de les couvrir de planches, passa sur cette échelle, au risque d’y
trébucher et d’être précipité au fond du fossé. Les officiers d’état major
suivirent son exemple. Alors se passa sur le parapet de Malakoff une de ces
scènes émouvantes que la plume est impuissante à décrire.
Nos zouaves, au
nombre d’une vingtaine tout au plus, abordent le faîte du parapet ; mais là
se dressent tout à coup devant eux une quantité de fantassins et de canonniers
russes, les uns sortis de leurs abris, les autres de leurs batteries, et qui les
reçoivent à coups de fusils ou d’écouvillon. Les balles russes jettent à terre
quelques uns des nôtres, les coups d’écouvillon en renversent d’autres, et parmi
ceux-ci il en est plusieurs qui sont précipités jusque dans le fossé du
retranchement. Mais bientôt, heureusement, les zouaves qui combattent à la
baïonnette sur le haut du parapet, sont appuyés par les camarades qui les ont
suivis et après une minute d’une lutte acharnée, les Russes sont repoussés du
saillant de Malakoff, et courent se réfugier derrière une traverse qui fait face
au talus intérieur du retranchement dont nos soldats viennent de
s’emparer.
Le général de Mac Mahon arrive à cet instant sur le point
culminant de Malakoff, et il fait planter le grand fanion que le caporal Gihaut
lui apporte. Au signal donné par ce fanion, l’action offensive va s’engager du
côté des Anglais, et aussi du côté des troupes du 1er corps d’armée
français.
Pendant que l’on combattait, comme je viens de le raconter, sur le
sommet de Malakoff, le chef de bataillon du génie Ragon s’était hâté de faire
construire un pont solide sur le point où le général de Mac Mahon avait traversé
le fossé. Par ce pont, établi en deux ou trois minutes au plus, les dernières
compagnies du bataillon des zouaves du capitaine Sée purent rapidement aller se
joindre à la première qui était monté à l’assaut. Qu’ion ne s’étonne donc pas si
j’ose avancer ici que les échelles qui servirent à la construction de ce pont
jouèrent un rôle considérable dans le succès de l’assaut. En effet, à l’instant
où le général de Mac Mahon arriva de sa personne sur l’éminence de Malakoff, le
point capital pour lui, c’était d’avoir, tout de suite sous la main, assez de
monde pour s’y trouver en état de s’y maintenir solidement.
[…]
Il était
midi et quart environ, et le général de Mac Mahon venait de remporter un
brillant succès acheté chèrement, il est vrai, car il avait coûté la perte d’un
certain nombre d’officiers et de soldats mis hors de combat pendant l’assaut et,
sous les yeux mêmes du général, le colonel de la Tour Dupin, en mettant le pied
sur le haut de la tour de Malakoff, était tombé très grièvement blessé frappé à
la tête par une balle russe. Mais ce succès ne devait pas mettre fin à la lutte,
sur le point de l’enceinte où elle avait été entamée. Le général de Mac Mahon le
reconnut bien vite, aussitôt qu’il eut jeté un coup d’œil sur l’ensemble des
défenses que les officiers du génie russe avaient accumulées derrière le
retranchement dont il s’était rendu maître. En effet, il constaté que ce
retranchement, le saillant de la tour de Malakoff que ses soldats occupaient en
ce moment, n’était autre chose qu’un bastion faisant partie d’un grand ouvrage,
un véritable fort dont l’enceinte fermée était protégée sur tout son
développement, par des retranchements en terre très solides. Il se rendit compte
alors aussi de l’habilité merveilleuse avec laquelle le général commandant le
génie dans la garnison de Sébastopol, avait su utiliser, pour la défense de la
forteresse, le terrain qui se trouvait en arrière de la tour de Malakoff.
[…]
Pendant que le capitaine Sée, avec ses zouaves, avait enlevé le
sommet de la tour de Malakoff, le colonel Collineau, avec le bataillon des
zouaves avec lequel il marchait, et le colonel Decaen, avec son régiment et le
bataillon de chasseurs du commandant Gambier, avaient pu faire escalader le
parapet du retranchement Russe, le premier à droite, le second à gauche du
saillant de Malakoff.
Le
commandant Gambier s’était rendu maître de la batterie Russe de saint Gervais.
Aussitôt après, les colonels Collineau et Decaen, se conformant aux instructions
que le général de Mac Mahon leur avait donné avant l’assaut, avaient jeté leurs
soldats en avant, en leur faisant occuper, de proche en proche, la crête des
deux longues faces de l’ouvrage. Comme je l’ait dit précédemment, les Russes
repoussés du saillant de Malakoff étaient allés se réfugier derrière le haut de
la traverse qui se trouvait en arrière du bastion. Ceux qui avaient été chassé
du retranchement formant les deux flancs du bastion avaient suivi leur exemple.
Les uns et les autres, réunis ensembles et composant alors une masse imposante,
essayèrent de riposter par une vive fusillade à celle que le bataillon du
capitaine Sée dirigeait vers eux. Mais, après un moment de résistance,
s’apercevant que les soldats des colonels Decaen et Collineau, en s’avançant de
plus en plus sur le crête des retranchements qui étaient à leur gauche et à leur
droite, commençaient à les tourner et allaient incessamment les fusiller de
flanc et de revers, ils abandonnèrent leur traverse pour aller prendre position
sur celle qui était plus en arrière. Ils tentèrent encore de défendre
celle-ci ; mais forcés de nouveau de se replier parce que les bataillons
des deux colonels français en gagnant de plus en plus de terrain sur les deux
flancs, ils se décidèrent à opérer leur retraite vers la gorge de l’ouvrage. En
ce moment leur nombre s’était accru de tous les Russes qui jusque là avaient
occupé la partie centrale de l’ouvrage ; ce nombre était fort considérable.
Un lutte acharnée s’engagea alors aux approches de la gorge, entre les soldats
russes, qui voulaient défendre celle-ci, et les soldats français qui les y
avaient poursuivis l’épée dans les reins. Mais le combat qui eut lieu là,
presque uniquement à l’arme blanche, ne dura pas longtemps, deux à trois minutes
au plus. Les Russes se précipitant dans la gorge de l’ouvrage, ou se jetant du
haut des retranchements voisins de cette gorge dans le fossé, s’enfuirent en
désordre du côté de l’intérieur de Sébastopol.
Il était alors une heure ou
une heure et quart, et le général de Mac Mahon put croire qu’il était
définitivement maître des défenses de Malakoff. Mais à ce moment les batteries
ennemies, qui étaient établies au dessus de l’arsenal de Sébastopol,
commencèrent à faire tomber, sur l’intérieur de l’ouvrage occupé par les troupes
françaises, une quantité énorme d’obus qui y tuèrent ou blessèrent un grand
nombre d’hommes. Certes, le général pouvait se dire qu’il était absolument en
possession de la position qu’il venait de conquérir, après le dernier combat qui
avait décidé de la retraite des défenseurs de Malakoff, et pourtant la lutte
n’avait pas dit son dernier mot. Un quart d’heure environ s’était écoulé depuis
que le général avait fait arborer son grand fanion tricolore sur le sommet de
Malakoff, lorsqu’un officier anglais se présenta à lui, se disant envoyé par son
général pour lui demander si, étant maître de cette position, il croyait pouvoir
s’y maintenir. « Dites à votre général, lui dit Mac Mahon, que j’y suis et
que j’y reste. »
[…]
Déjà des fourneaux de mines, préparés
de longue main par les officiers du génie russe dans le massif des parapets du
bastion de Malakoff avaient fait explosion et les pierres projetées en l’air par
ces mines, en retombant dans l’intérieur des retranchements et plus
particulièrement, tout autour du saillant de l’ouvrage, avaient tué ou blessé un
grand nombre d’officiers et de soldats français. Il paraissait bien probable que
les Russes ne s’étaient pas bornés à établir des fourneaux de mine dans le
voisinage de Malakoff, mais qu’ils en avaient construit aussi dans Malakoff
même, et si ces fourneaux étaient fortement chargés, il était possible que leur
explosion fit d’un instant à l’autre sauter le fort russe tout entier. Il n’y
avait pas de temps à perdre pour se prémunir contre les conséquences qui
pourraient en résulter. Les dispositions arrêtées par le général de Mac Mahon
furent basées sur cette éventualité menaçante.
Le général décida que la
première brigade de la division, fortement éprouvée par les pertes qu’elle avait
subies pendant et après l’assaut, serait sur le champ relevée dans Malakoff par
la 2em brigade (général Vinoy) et qu’elle irait prendre la place de celle-ci
dans les tranchées. Il arrêta en outre que la brigade de réserve (général de
Wimpffen) et le régiment de zouaves de la Garde Impériales (colonel Janin)
entreraient aussitôt que possible dans l’ouvrage russe, à la suite de la brigade
du général Vinoy, de façon qu’il y eut dans Malakoff deux brigades et un
régiment pour repousser les Russes, s’ils entreprenaient un retour offensif
contre les retranchements occupés par les Français. Il fallait bien entendu que
les mouvements de troupes dont il s’agit s’exécutassent avec la plus grande
célérité ; car il était urgent que des forces imposantes fussent de suite
réunies dans l’enceinte de ces retranchements.
[…]
Depuis un instant j’étais revenu dans
l’intérieur de l’ouvrage et je cherchai le général de Mac Mahon, lorsque,
rencontrant par hasard le général Vinoy, celui-ci m’arrêta pour me faire part
des impressions que lui avait fait éprouver le général de Mac Mahon en lui
donnant ses instructions une demi heure avant. « Comment trouvez-vous votre
général, me dit-il, qui m’annonce sans façon que ma brigade va sauter peut-être
tout à l’heure ; mais que cela n’empêcher pas que l’on reste maître de la
position, parce que la 1ere brigade va se tenir toute prête à venir remplacer la
mienne si elle vient à sauter ? – J’avoue, répondis-je, que la perspective
que mon général vous a fait entrevoir n’est rien moins que séduisante, mais dans
tout ce qu’il vous a dit, je n’ai rien entendu ce me semble, qui ait pu vous
faire croire qu’il n’allait pas demeurer avec vous. Soyez bien certain que, si
votre brigade doit sauter, et vous avec elle, il partagera le même
sort. »
[…]
Dans le même temps où le général de Mac Mahon se
préoccupait vivement de savoir si des fourneaux de mines n’existaient pas sous
ce réduit et n’allait pas, par leur explosion, faire sauter le bastion de
Malakoff, on l’informa qu’après l’enlèvement de ce bastion par les zouaves du
capitaine Sée, un certain nombre de Russes, 400 environs, lui dit-on, s’étaient
réfugié dans le réduite de la tour. Le général voulut aller voir lui-même ce qui
se passait du côté du réduit. Je me souviens que, comme il s’y rendait, sa bonne
étoile, cette fois encore le servit, car un obus, parti de la batterie russe
située au dessus de l’arsenal de Sébastopol, lui effleura la tête et alla
s’enfoncer en terre à dix pas devant lui. Il l’avait échappé belle. L’entrée du
réduit, qui était construite en gabions, se trouvait ouverte, et à droite comme
à gauche, on voyait une rangée de créneaux par où les fantassins russes qui
occupaient la tour pouvaient diriger leurs feux sur le terre plein du bastion.
Je m’approchai et j’allai passer devant la porte du réduit, quand un soldat qui
était près de moi, me retenant brusquement par le pan de ma tunique, me jeta
presque à terre, en s’écriant : " Arrêtez-vous mon colonel, les Russes
qui sont embusqués dans la tour ne cessent pas de tirer par les créneaux que
vous apercevez. Il abattent de leurs balles tous ceux qui passent devant ces
créneaux. C’est ainsi qu’ils viennent de tuer, il n’y a de cela qu’un instant,
le lieutenant d’artillerie dont vous voyez le corps étendu là à quelques pas de
nous."
En ce moment, les grottes de Darah me hantèrent sans doute l’esprit,
et ne songeant qu’au moyen de faire sortir les Russes de la tour et à se
constituer prisonniers : « Avez-vous de allumettes ? dis-je aux
soldats qui m’entouraient ; si oui, mettez le feu aux gabions qui forment
l’entrée de cet abri des Russes ; il faudra bien qu’ils sortent et se
rendent quand la fumée menacera de les asphyxier. »
Le feu fut mis aux
gabions et déjà il avait pris une certaine extension, lorsque subitement je fus
comme saisi d’épouvante en me rendant compte des conséquences terribles qui
pouvaient résulter de l’ordre que j’avais donné. Je me souviens à cet instant
que vingt minutes auparavant, en visitant avec le général de Mac Mahon
quelques-uns de ces abris construits par les Russes sous les retranchements de
Malakoff, j’avais constaté que le sol intérieur de ces abris était couvert d’une
quantité énorme de cartouches et que sans aucun doute il devait en être de même
dans le réduit de la tour. Le feu des gabions, se communiquant à un monceau de
cartouches et produisant une explosion, c’était le feu mis à des fourneaux de
mine, si des fourneaux de mine avaient été préparés dans le réduit.
Je me
précipitai vers les quelques sapeurs du génie qui étaient non loin de moi,
portant sur eux leurs outils, des pelles et des pioches « Suivez-moi bien
vite, leur dis-je, venez jeter de la terre sur les gabions qui brûlent, il faut
éteindre le feu. » Les sapeurs se mirent sur le champ à piocher le sol près
de la porte du réduit, et en couvrant les gabions de terre, il arrêtèrent
complètement le commencement d’incendie qui s’y était manifesté. Que serait-il
advenu sans cela ? J’en frémis encore rien que d’y songer en écrivant ces
lignes. On le comprendra ici du reste, quand j’aurais dit que, pendant que les
sapeurs du génie effectuaient le travail que je leur avait demandé, leurs
pioches mirent à découvert des fils métalliques qui n’étaient autre chose que
les fils conducteurs de batteries électriques au moyen desquelles les officiers
russe s’étaient proposés de mettre le feu, quand ils jugeraient opportun, aux
fourneaux de mines préparés par eux sous la tour de Malakoff. Peut-être ne
fût-ce qu’à la rupture de ces fils, arrivés comme par miracle, qu les troupes du
général de Mac Mahon durent avoir le bonheur d’échapper au plus épouvantable des
désastres.
3/ La première brigade de la division
Il est midi, la sonnerie
de garde à vous ! est executée par les clairons du 1er régiment de
zouaves ; c'est le signal convenu. Le parapet est franchi par tout le monde à la
fois. Les ordres donnés sont rigoureusement exécutés par les deux premiers
bataillons. Le 3e bataillon, coupé par le 1er BCP qui se précipite sur les
traces des zouaves, se porte en avant à la gauche de ceux ci et aborde le fossé
de Malakoff de ce côté ; en même temps les deux autres bataillons l'abordent à
droite, à l'instant même où la tête de colonne des zouaves pénètre dans le
bastion ennemi par son saillant.
Les 300 metres que la tête de colonne du
régiment doit parcourir pour arriver aux fossés de Malakoff sont rapidement
franchis ; mais, dès que nos troupes paraissent sur la crête de nos ouvrages
d'attaque, l'infanterie ennemie, qui garnit les parapets et les batteries russes
placées à notre droite, ouvrent le feu, ces dernières tirant à mitraille, et
couvrent le terrain de nos morts et de nos blessés. Le lieutenant Taillandier
tombe un des premiers, la cuisse brisée par une balle ; le capitaine Castel est
tué quelques pas plus loin, le lieutenant colonel de Maussion, frappé d'une
balle au ventre, tombe à quelques pas du fossé de Malakoff.
Sur tout le
pourtour du bastion, les braves du 7e, suivant l'exemple de leurs officiers,
sautent dans le fossé, gravissent l'escarpe, s'aidant les uns les autres ; ils
pénètrent dans l'ouvrage russe, ceux ci par les embrasures, ceux là en se
laissant glisser du haut des parapets, presque sur la tête des défenseurs, qui
perdent contenance devant cette irruption soudaine et lâchent pied. Poursuivis
de traverse en traverse, dans ce dédale de parapets dont est parsemé l'intérieur
de Malakoff, les russes ne réussissent à se rallier et à opposer une resistance
sérieuse, que dans la partie la plus voisine de la gorge de l'ouvrage. A midi un
quart, nous étions maîtres de plus des deux tiers de l'ouvrage dont l'ennemi
avait fait une véritable citadelle, et nous ne devions plus lui céder un pouce
de terrain.
Il faut renoncer à décrire le combat qui eut lieu dans le quart
d'heure faisant suite au signal de l'assaut ; c'est une avalanche d'homme
tombant de tous côtés sur les défenseurs, puis, dans les passages étroits formés
par les traverses intérieures, un chassé croisé de Russes, de Français, une
course desordonnée, un pêle mèle de gens dont les uns se défendent avec
désespoir, ou fuient en cherchant un abri, tandis que les autres poussent les
premiers en avant sans leur laisser le temps de se retourner.
Dans cette
partie de l'action, le capitaine Pagès a été renversé dans le fossé de Malakoff
par une blessure reçue lorsqu'il gravissait l''escarpe de la courtine près du
bastion ; il remonte une deuxième fois sur le parapet ; armé d'un fusil, il se
fraie un passage au milieu des Russes à coups de crosse, mais tombe bientôt
frappé de 3 balles, à l'épaule au front et au coeur. L'adjudant Sorlin est
frappé, près de lui, de deux balles dont l'une le blesse à la cuisse ; l'autre,
amortie par la plaque du ceinturon, lui fait une forte contusion. Le lieutenant
Tourraton est tué raide d'une balle à la tête, l'adjudant major Lamotte a la
jambe gauche brisée, tous des par des Russes qui se sont réfugiés dans la tour
et font feu par les créneaux de la gorge. Le capitaine Nottet a la cuisse droite
traversée par une balle et tombe entre les assaillants et un groupe russe qui
resiste encore derrière une traverse. Le lieutenant Gérard, renversé d'un coup
de crosse de fusil sur la nuque, est foulé aux pieds par les soldats russes qui
fuient à travers le passage étroit dans lequel il est tombé.
Le lieutenant
Benner est blessé d'un coup de feu au pied gauche, et d'un coup de baionnette à
la main gauche, en refoulant l'ennemi dans la batterie Gervais.
Un grand
nombre d'hommes des trois corps de la brigade ayant pénétré jusque dans une sort
de place et dans celle qui lui est contigüe, les officiers sous la direction du
colonel Decaen, en organisent rapidement la défense pour permettre aux troupes
qui sont en arrière de s'y reformer avant de reprendre le mouvement en avant. On
garnit de tirailleurs le parapet de gauche et les revers des traverses ; des
reserves sont placées devant les passages. Le drapeau du régiment est planté sur
le parapet de gauche.
La deuxième brigade arrive alors par la droite, pénètre
en avant des deux traverses ; elle refoule définitivement les Russes dans la
partie nord de l'ouvrage où leurs réserves arrivent en foule et cherchent
vainement à reconquérir le terrain perdu. Un combat opiniâtre se livre dans
l'espace situé en avant des deux grandes traverses et séparé des Russes par un
monticule qui recouvre le principal magasin à poudre de l'ennemi.
Là se
tiennent le colonel Decaen, les officiers supérieurs du régiment et ceux du 20e
de ligne, observant l'ennemi et repoussant tous les efforts qu'il tente pour
pénétrer dans cet espace. De leur côté, les officiers russes donnent un exemple
héroïque à leurs soldats ; on les voit se porter en avant et faire des efforts
qui se brisent contre la resistance de nos hommes, contre leur élan quand ils
reprennent l'offensive. Entre les deux enceintes et le ravin de Karabelnaya, les
Russes ont mis en batterie quelques pièces de campagne ; mais servants et
conducteurs sont mis hors de combat par nos fantassins avant d'avoir pu ouvrir
le feu.
Partout nos hommes ont épuisé leurs munitions ;
elles sont emplacées par les munitions, très abondantes, que l'on trouve dans
les gibernes des Russes, tués ou blessés pendant la première partie du
combat.
Bientôt tournés par le 27e de ligne qui s'est jeté plus à droite,
pris de flanc, attaqués de front, les Russes abandonnent complètement l'ouvrage
important qu'ils ont construit pour être la clé de la défense. Trois nouvelles
colonnes russes cherchent encore successivement à rentrer dans Malakoff : elles
sont forcées de se retirer decouragées.
Pendant la lutte, soutenue pour
conserver la position conquise, le régiment eut de nombreux tués et blessés. Le
sous lieutenant Marchal tombe frappé de plusieurs balles en repoussant, à la
tête d'un groupe de soldats, des Russes qui tentent de reprendre une de leurs
pièces de campagne resté en notre possession dans l'intérieur de Malakoff. Les
chefs de bataillon Filhol de Camas et Rivière, sont blessés, le premier par un
eclat d'obus à l'épaule, le second par une balle au bras droit et par un eclat
d'obus qui le frappe à la tête et le renverse.
Le capitaine Gévaudans recoit
une blessure qui nécessite la désarticulation de l'épaule gauche. Le capitaine
Weissemburger est blessé d'un coup de feu à la nuque, le capitaine Haffner
(émile) d'un coup de feu à l'épaule ; le capitaine Guyot Desmarais est frappé au
bras gauche et à la poitrine ; le lieutenant Lefranc de Lacarry a une côte
brisée par une balle ; le capitaine Wertz, les lieutenants Noyer, Suchel,
Wallerand ; les sous lieutenants Vincent, Giraud, Laflequière reçoivent des
blessures moins graves. Le sous lieutenant de Merlis, du corps d'état major,
détaché au régiment est également blessé.
Vers 4h 1/2 le
régiment est rallié dans la grande place de Malakoff, pour rentrer dans les
tranchées où il repose jusqu'à la nuit. Au moment où le 7e se réunit, son
drapeau déjà percé de balles est atteint par un obus qui éclate dans ses plis et
fait autour de lui de nombreuses victimes.
Le 7e de ligne eut à
l'assaut de malakoff 417 tués ou blessés, dont 25 officiers : savoir : 4
officiers tués, 2 morts de leurs blessures, 19 blessés. 112 hommes tués ou
disparus et 280 blessés.
Le colonel Decaen
commandant le 7e régiment
d'infanterie
Victor Rivière
Chef de bataillon du 7e RI,
Blessé d'un coup de feu au bras gauche
et d'un éclat d'obus à la tête)
Ernest Louis Marie de
Maussion
Lieutenant Colonel du 7e RI (ici colonel en 1862),
Blessé d'un coup de feu à l'abdomen
et d'une plaie contuse la tête
lors de l'assaut
Valentin Weissemburger
Capitaine au 7e RI (ici
colonel),
Blessé d'un coup de feu à la nuque lors de l'assaut
Fait
chef de bataillon
Théodore Gérard
7e RI (ici colonel en 1880)
Jean Philippe Lambert
Adjudant
Blessé d'un coup de feu à la tête
et d'un éclat d'obus à la jambe
François Xavier Grospillier
Sous Lieutenant au 7e RI
Blessé lors de l'assaut
Lazare Vincent
Sous lieutenant au 7e RI
Contusion à la cuisse droite par eclat d'obus
Le prise de Malakoff - A Yvon
L'assaut
était fixé à midi. les troupes étaient en excellente condition. Depuis trois
jours de copieux suppléments de nourriture et de boissons avaient été
distribués. Ces distributions avaient éveillé l'attention des troupiers qui dès
ce moment ne doutèrent plus qu'une attaque général allait être tentée.
[...]
A midi moins dix je donnai l'ordre aux chefs de bataillon de lire
l'ordre du jour du général Bosquet commandant du 2e corps. A ce moment le
général de Mac Mahon vint à moi et me dit "Colonel, la besogne sera dure,
car les Russes ne sont pas décidés à se laisser faire. Recommandez à vos hommes
de faire vite et de tenir bon" "Soyez sans crainte mon général, repondis-je, je
passerai le premier, mes zouaves suivront."
Le sergent claion Bernard,
qui se tenait à mes côtés, reçut alors à la main droite un éclat de pierre qu'un
projectile avait fair voler. Il fallut le renvoyer à l'arrière, car la blessure
était sérieuse. Il allait être midi. Je dis au sergent clairon Delport de faire
sonner le "Garde à vous". Il donna l'ordre au jeunr soldat clairon
Baudot de monter sur la tranchée et d'exécuter la sonnerie indiquée, ce qui fut
répété dans toutes les compagnies.
A midi la charge retentit sur tout le
front le la division et nous nous élançâmes. Ce fut mon régiment, et moî même à
sa tête, qui prîmes les premiers pied dams Malakoff, ouvrant la route à ceux qui
nous suivaient.
L'élan des zouaves a été d'une intrépidité magnifique, mais
la bravoure tenace des Russes est aussi digne d'admiration. Tous ceux, parmi
eux, qui reçurent notre choc, se firent tuer sur place plutôt que de reculer. Ce
fut une lutte sans merci, un corps à corps sauvage où tout servait d'arme. D'un
côté comme de l'autre les soldats, entrainés par l'exemple de leurs officiers,
ne marchadaient ni leurs efforts, ni leur vie. Ce qui restait des Russes,
définitivement refoulés, recula et, un de mes sergents, le sergent Lihaut,
planta sur l'ouvrage le drapeau qui devait être le signal d'attaque pour les
Anglais et la division Salles.
Grâce à la vigueur de l'attaque et à
l'opiniâtreté de notre lutte, les régiments qui suivaient purent pénétrer plus
facilement dans la position et nous soutenir, notamment le 7e de ligne et les
chasseurs à pied.
Le plus dur du combat ne fut pas d'enlever la Tour, mais de
s'y maintenir jusqu'à ce que les Russes, renonçant à la reprendre, se
retirassent, définitivement vaincus. [...]
Les ouvrages voisins et les
batteries de la rade cencentrèrent leur feu sur nous, tandis que des coloennes
d'assaut nous attaquaient sans répit. Nos pertes étaient effroyables et ce ne
fut pas sans angoisse que, pendant un moment, je me demandai s'ile était
humain de prolonger une telle hécatombe ! Abandonner alors que nous touchions
presque au but, c'était rendre inutiles les sacrifices déjà consentis et en
rendre de nouveaux nécéssaires, puisqu'il faudrait continuer le siège. Enfin
notre inébralable fermeté eut raison de l'entètement des Russes. Après un
dernier assaut désespéré, il bâttirent en retraite à 4 heure et
demie.
Cette victoire coûte cher au régiment, j'ai eu dix
officiers tués, vingt et un blessé, les 3/5e de mon effectif hors de
combat. Pour ma part, j'ai un coup de sabre sur la tête et un coup de crosse sur
la joue droite. J'ai reçu ces deux blessures aussitôt en arrivant sur le
parapet, dans le corps à corps qu'il a fallu livrer pour prendre pied dans la
Tour. je suis resté la tête bandée avec mes hommes jusqu'au lendemain
soir.
| |||
Felix Alexandre Rousseau |
Lieutenant Payan (ici Colonel vers 1873) |
Capitaine Bonnet (ici général vers 1885) |
|
4/ Brigade Wimpfen,
Dès le début
de l'action, le général de Wimpffen avait fait porter ses troupes vers la
redoute de Brancion et les avait établies dans la 6e parallèle. A peine y fut il
arrivé que le général de MacMahon lui fit demander des secours. [...] le général
n'hésita pas, il fit d'abord avancer le 3e zouaves jusqu'à la 7e parallèle, puis
avec le 50e RI et les tirailleurs algériens, il se porta en soutien des 7e, 20e
et 27e de ligne aux prises avec les Russes dans la gorge de Malakoff.
[...]
La brigade apparait vers 1h et 1/2 environ. Le 1er zouaves qui avait énormément
souffert fut renvoyé dans la tranchée ; le 3e zouaves et le 50e de ligne le
remplacèrent dans l'ouvrage même, les tirailleurs algériens s'établirent à la
gorge, la partie la plus directement menacée.
Les Russe n'avaient pas
abandonné la partie ; après s'être reformés, après avoir reçu de nouvelles
réserves, ils revinrent à la charge et dans un effort désespéré, tentèrent
encore une fois de nous enlever Malakoff. [...] La plus grande partie de ces
forces se jeta sur le régiment des tirailleurs, mais celui ci avait eu le temps
de prendre ses disposition. Il fit résolument face au péril et, solidement
appuyé par les zouaves de la garde, se montra digne de sa vieille
réputation.
Le moment était critique. Il fallait à tout prix empêcher
l'ennemi de reprendre pied dans Malakoff. Le général Frossard venait d'arriver
avec quelques sapeurs du génie et cherchait à obstruer, sinon à fermer, l'étroit
passage devant lequel s'étaient rangés nos héroïques algériens. mais ces
premeirs travailleurs tombent les uns après les autres et les Russes s'avancent,
se rapprochent, et regagnent insensiblement le terrain qu'ils ont perdu ; ils
sont là, la baïonnette basse, calmes, résolus, manaçants. Entraînés par
l'exemple du LtColonel Roques, qui porte lui même un gabion, les tirailleurs se
mettent à l'oeuvre ; parmis les corps amoncelés, ils jettent pêle-mêle des
gabions, des fascines, des débris de toute sorte, et une barrière informe
s'oppose bientôt aux efforts des assaillants. Pendant ce temps, la lutte
continue, ardente, opiniâtre, acharnée. Une mélèe terrible s'engage sur ce
parapet improvisé : les baïonnettes, tordues, brisées ne peuvent plus servir ;
c'est à coups de crosses, à coups de pierres, qu'on attaque et qu'on se défend.
Russes et turcos sont confondus ; aux hourras des premiers se mèlent les cris
rauques des seconds ; on s'invective, on s'insulte, on se provoque, on se défie,
on se saisit, on s'etreint ; et ce tourbillon humain roule, tourne, piétine sur
des cadavres, sur des blessés, dans une boue sanglante. Le canon tonne au loin,
des obus viennent soudain fouiller ces décombres, et deci, delà, c'est
l'explosion d'une fougasse, d'une mine, qui couvre tout à coup cette scène d'un
nuage sombre et laisse dans la terre un trou large et béant : instant sublime,
où des deux côtés chaque combattqnt devient un héros.
Comment citer les noms
de tous ceux qui, dans cette lutte infernale, furent admirables de sang froid et
d'intrépidité ? Qui a vu tous les actes glorieux dont cette etroite arène fut le
théatre ? [...] Victime de son dévouement, le lieutenant colonel Roques tombe
l'un des premiers, la tête fracassée par un eclat d'obus. Un peu après, c'est le
tour du capitaine Bonnemain. Ce dernier est atteint par une bombe qui va en
sifflant labourer le sol. Elle n'a pas eclaté, le blessé la suit des yeux avec
une mortelle angoisse. Il ne peut fuir. mais le sergent
Mohammed-el-hadj-Kadour a deviné le péril de son capitaine; il se précipite sur
le projectile, le saisit, l'enlève contre sa poitrine et court vers une traverse
blindée derrière laquelle il pense la jeter. Il n'a pas fait deux pas que la
bombe éclate, lui emportant les deux bras, lui laboure la poitrine, et semant
ses eclats de tous côtés, va achever la capitaine Bonnemains. Plus loin c'est le
lieutenant de Boygne qui se signale par une rare énergie. Entouré d'ennemis, il
refuse de se rendre ; il attend ses adversaires de peid ferme, tire sur eux les
six coups du revolver dont il est armé, et parvient ainsi à se dégager, sans
avoir, par le plus miraculeux des hasards, reçu une seule blessure. [...]
Nos
pertes avaient été considérables, les tirailleurs avaient eu 271 tués ou
blessés, dont seize officiers.
Jules Quinemant |
Frédéric Benoit Japy |
Jean Baptiste Vogel |
Isidore Louis Dreux |
5/ Brigade Vinoy
A onze heure quarante le feu de nos huit cent pièces
redouble, elles tirent à toute volée, à outrance. 20 minutes s'écoulent ...
silence complet ; c'est l'instant solennel ! Les clairons sonnent la charge, les
officiers crient "En avant !"et la première division, poussant de formidables
clameurs, s'élance sur le bastion comme une bordée de mitraille. les Russes sont
surpris, les fossés comblé par le bombardement n'arrètent pas les hommes qui les
franchissent en courant et envahissent les crêtes.
Le 20e de ligne, guidé par
ses valeureux chefs , le colonel Orianne, les lieutenant Colonel Mermet et le
commandant Baudouin, a suivi intrepidemment la route qui lui était tracée. A
midi et quart, le drapeau porté par le sous lieutenant Dehaye est arboré sur la
partie du rempart faisant face au petit redan ; il y reçoit les premiers coups
de feu et y reste environ 1/2 heure.
Mais les Russes revenus de leur première
surprise se précipitent en masse, favorisés dans la défense du terre plein par
les nombreuses traverses. Le drapeau, groupant autour de lui tout le régiment,
prend une seconde position plus avancée, toujours du même côté de l'ouvrage et y
reste jusque vers une heure. A ce moment il est arboré sur une deuxième traverse
où de l'hésitation avait paru se manifester. Pendant une heure de lutte
acharnée, où chaque talus, chaque accident de ce sol bouleversé est disputé pied
à pied, le drapeau avance lentement, mais sans aucun recul, de traverse en
travers, jusqu'au parpapet de la gorge en face de la ville. Là, il est
définitivement arboré, servant de point de ralliement à tous les brevaes du 20e
et il se dresse, en face des Russes, avec son aîgle aux aîles déchirées par deux
balles sa soie mise en lambeaux par la mousqueterie et la mitraille, comme une
barrière que tous les efforts sont impuissants à déraciner. Il flotte à ce poste
d'honneur jusqu'à six heures du soir, moment où il rentre à l'intérieur de la
redoute.
Le sous lieutenant Dehaye qui a durant toute la journée porté le
drapeau, s'est montré admirable d'audace et de sang froid : sur trois sergents
d'élite désignés comme sous porte aigle, un a été tué (Rispol), les deux autres
blessés (Randin et Guillot) ; sur deux caporaux d'élite flanquant le drapeau, un
a été blessé; sur onze sapeurs de la garde, quatre ont été blessés, dont un
amputé du bras. les sergents majors chargés de porter les fanions tricolores des
bataillons ont également rivalisé d'intrepidité et d'audace. Six capitaines, un
lieutenant, un sous lieutenant, cinq sergent majors d'élite et quarant six
braves soldtas ont été tués. Dix neuf officiers sont blessés. Sur 1070 hommes
montés à l'assaut le matin, 465 manquent à l'appel
le lendemain.
Constant Gaspard François Frédéric Le Breton |
Lieutenant Lespieau (20e RI) |
Sergent Major Olive (20e RI) |
Capitaine Barrau (20e RI) |
Hubert cécile Allié |
Ernest Ferdinand Marie Gandin |
Joseph Eugène Dumont |
Jean Marie
Lacoste |
Sergent Major Audié |
Pierre Guillaume Eugène
Gambier |
Les Russes abordèrent cette position avec la fougue et le courage qui en faisaient des jouteurs dignes de se mesurer avec nos soldats. D'un bond ils eurent franchi le fossé et se précipitèrent sur l'entrée de la redoute. les défenseurs de la gorge, surpris par cette véhémente attaque dont le desespoir semblais avoir décuplé l'energie, commencèrent à reculer, élargissant peu à peu le terrain cédé, sur lequel surgissait sans cesse de nouveaux adversaires.
L'heure était critique. La victoire allait elle nous echapper ? Non, ces déjà les français, honteux de leur courte défaillance, se reportaient en avant, à la vois de leurs chefs, et se heurtaient têtes baissées, contre la masse compacte de leurs antagonistes.
Au même instant, le général de McMahon lâcha la bride à ses reserves. Ce fut alors une scène innénarable. Russes et Français s'étaient enlacés furieusement et, poitrine contre poitrine, combattaient avec une meurtrière frénésie. Tous sentaient que Sébastopol était l'enjeu de cette suprème partie et qu'il fallait vaincre à tout prix.
Les zouaves du 1er bataillon (commandant Aurel) s'étaient jetés audacieusement dans la mélée, montrant de suite au premier rang leur rouge chéchias que dès l'Alma l'ennemi avait appris à tant redouter.
Presqu'aussitôt, le 2e bataillon (capitaine Irlande) faisait irruption par la courtine qui reliait le bastion au petit Redan. Quatre compagnies courrurent occuper la partie arrière de la redoute et contribuèrent à tenir en respect les colonnes assaillantes, dont le flot toujours grossissant, cherchait à pênetrer dans Malakoff par les parapets du front de gorge. les deux autres allèrent s'embusquer dans les trous de loup, en avant de l'ouvrage et défendirent vigoureusement les approches jusqu'à la fin de l'action.
Sur tout le champ de bataille regnait une confusion indescriptible. les compagnies, les bataillons, les régiments, s'étaient fondus les uns dans les autres, sans distinction de numéro ni d'uniforme. chacun combattait où l'avait conduit le hasard de cet effroyable massacre. La fusilade progressivement s'était faite moins vive. La baïonnette et la crosse, voire même la hache, la pioche et l'écouvillon, parlaient en maîtres dans ce drame lugubre, tournoyant comme fléau en moisson, en de rapides eclairs au dessus de la houle des têtes. On frappait sans relâche, et on frappait fort : tout devenait arme entre les mains de ces démons. Près d'une demie heure les champions des deux armées s'etreignirent ainsi dans un inexorable corps à corps, au milieu du sang qui s'écoulait en large rigoles, au milieu des plaintes des moribonds et ds cris des blessés qu'ils piétinaient sans pitié.
Enfin, l'ennemi chancela. Son ardeur s'était consummé en d'héroïques et infructieux efforts. Il était à bout de forces, épuisé, presque anéanti. lentement il se laissa ramener vers la gorge. Chaque pas se comptait par une noiuvelle victime. rares furent ceux qui se frayèrent un chemin jusqu,à la sortie et échappèrent aux coups des vainqueurs.
.
Combat
dans la gorge de Malakoff - A Yvon - 1859 (RMN)
A quatre heures et demies la victoire était entièrement acquise. résultat magnifique s'il en fut, mais cruellement payé par le sang de tant de braves qui s'étaient immolés au succès de nos armes.
Hélas pour les zouaves de la garde, sur 590 hommes présents au matin de la bataille, plus de 300 avaient été mis hors de combat.
Tués : Le lieutenant Regagnon, les Sous Lieutenants Groucy et Recco, le sous lieutenant porte-aigle de Wintrol (mot de ses blessures), 57 sous officiers, caporaux et zouaves.
Blessés : Le colonel Janin, le Lieutenant Colonel Nayral, le Capitaine adjudant major Ameller, Les capitaines Irlande, Petit, de Mutrecy, Goetzmann, Les Lieutenants Raynal, Velay, Rapp, Pringué, Martin ; 246 sous officiers, caporaux et zouaves. Au bataillon du 2e
voltigeurs, le commandant Champion est blessé.
Jean Antoine Martin |
Constant de Mutrecy |
Léon Chaussin |
Louis Joseph Badout |
Jean Adolphe Goetzmann |
Jean Baptiste Eusèbe Chautard |
Jean baptiste Raynal |
Jean Champion |
Nous pourrions terminer ici cette note dont le but
était d'exposer avec plus de détail que n'ont pu en donner les rapports
officiels, le rôle do chacun des corps d'infanterie dans l'assaut de Malakoff.
Nous ajouterons quelques lignes pour indiquer succinctement le concours qui leur
fut prêté par les armies spéciales de l'artillerie et du génie.
Un détachement de
canonniers, sous la direction d'un chef d'escadron, le commandant Joly Frigola;
avait été mis à la disposition du général de MacMahon avec la mission d’enclouer
ou de désenclouer les pièces de l'ennemi, selon que les circonstances le
voulaient, aussitôt qu'elles seraient tombées en notre pouvoir. Ce détachement
devait ensuite exécuter dans Malakoff les travaux spéciaux à l'arme qui seraient
nécessaires pour la défense ultérieure de la position. Une fraction du
détachement, sous les ordres du capitaine Gouy, était chargée d'amener dans le
retranchement ennemi six petits mortiers, destinés à agir soit contre les
batteries russes les plus voisines, soit contre les réserves d'infanterie que la
défense, suivant toute probabilité, ferait agir en arrière de -Malakoff et du
petit Redan. Les canonniers russes, forcés d'abandonner leurs pièces une à une
au fur et à mesure que nos soldats gagnaient du terrain et les obligeaient à la
retraité, avaient eu le soin de les enclouer. Ils avaient brisé la plupart des
refouloirs et des écouvillons, afin de nous ôter tout moyen de nous servir
immédiatement de leurs bouches à feu. La section des petits mortiers entra dans
Malakoff avec la tête de la 2 e brigade de la division, elle envoya quelques
bombes dans la direction du faubourg de Karabelnaïa et dans celle du petit
Redan, sur les masses russes qui restaient formées en arrière de cet
ouvrage.
Capitaine d'artillerie Crouzat Un chef de bataillon du génie (le commandant
Ragon) avait été chargé de marcher avec un détachement de sapeurs et de suivre
la tête de la colonne d'assaut. Ce détachement avait pour mission de jeter sur
le fossé du saillant un pont d'échelles assez solide et assez large pour y
permettre le passage à 3 ou 4 hommes de front. Les échelles, d'une portée de 7
mètres, avaient été confiées à un détachement de grenadiers du 7e de ligne qui,
préalablement, avaient été exercés à les manœuvrer. Ce ne fut qu'au prix
d'efforts inouïs que ces grenadiers parvinrent à les transporter dans les
tranchées et purent les faire arriver sur les bords du fossé. Le 1 er régiment
de zouaves et le 7e de ligne avaient presqu'en totalité franchi le fossé quand
la première échelle y fut jetée; en peu de minutes une 2e; une 3e et une 4e
échelle furent placées à côté de celle-là, et si promptement que les dernières
compagnies du 2 e bataillon de zouaves et du 7e de ligne purent passer sur ce
pont improvisé. Ce fut un immense secours pour les troupes qui suivirent, de
n'avoir point à se jeter, comme avaient fait les têtes de colonne, dans un fossé
de 7 mètres de profondeur, avant d'aborder et d'escalader le parapet. Les corps
de la brigade Vinoy et ceux de la brigade Wimpffen arrivèrent ainsi beaucoup
plus vite sur le lieu du combat , qu'ils n'eussent pu le faire sans ce pont.
Après avoir assujetti solidement son pont d'échelles, le chef du génie employa
sur le champ ses sapeurs à établir un boyau de communication entre le pont et la
7e parallèle.
Le chef d'escadron; commandant l'artillerie, prit ses
dispositions pour armer aussitôt que possible les faces nord-est et ouest de
Malakoff de quelques pièces légères, en prévision d'un assaut que nous pouvions
avoir à y soutenir le lendemain matin. Des embrasures furent préparées pour une
dizaine de pièces de campagne. Vers 10 heures ½ ou 11 heures du soir, ces pièces
étaient en batteries. Pendant l'exécution des travaux, le commandant de
l'artillerie reconnaissait le matériel enlevé à l'ennemi (76 bouches à feu en
état de servir, 40 pièces mises hors d'état de servir, par l'effet de notre tir
pendant la durée du siège, 24. pièces en bon état dans les batteries Gervais, en
tout 140 pièces de divers calibres, dont onze en bronze); il visitait un à un
tous les abris construits dans l'épaisseur des parapets et des traverses, et
faisait enlever les munitions d'infanterie qui s'y trouvaient en quantités
considérables.
Commande 30 cannoniers chargés d'enclouer les pièces ennemies
Blessé d'une balle au bras et décoré
Sur cette photo, général en 1871
Ce travail était nécessaire pour mettre les troupes qui
entraient dans Malakoff et les blessés qui en sortaient, à l'abri des feux
partant du retranchement de la 2e enceinte, et de la mitraille venant des
bateaux à vapeur embossés dans le fond du port. Ce travail terminé, le génie
construisit dans la partie où la courtine se lie à Malakoff, un second pont
destiné au passage des pièces de campagne qu'on devait amener pendant la nuit
dans l'intérieur de l'ouvrage. Ce pont, commencé à la nuit tombante, était
achevé avant 10 heures.